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Une Contribution de M. Abdoulaye CAMARA (enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC)

La demande de monnaie et la théorie quantitative de la monnaie

Dans ma publication de la semaine précédente, j’avais abordé la demande de la monnaie sous l’angle des encaisses monétaires. Dans celle-ci, je mets le focus sur le processus d’apparition de l’idée d’une fonction de demande de monnaie. Cette idée trouve son origine dans l’interprétation en termes d’équilibre du marché de la monnaie par l’utilisation de la formule de l’équation quantitative de la monnaie.

Equation d’Irving FISHER

C’est dans son ouvrage « The Purchasing power of Money » (1911) que Fisher énonce l’équation des échanges sous la forme :

Où M représente la quantité nominale de monnaie en circulation, V la vitesse de circulation de la monnaie (nombre de fois qu’une même unité monétaire est en moyenne utilisée durant une période donnée) P le niveau général des prix et T le volume des transactions.

Cette équation exprime qu’il y a en permanence égalité entre le flux de monnaie en circulation dans la période ( ) et la valeur à prix courants des transactions effectuées ( )sur une période.

L’équation de Fisher est l’aboutissement formalisé de l’idée que le niveau général des prix dépend de la quantité de monnaie existante. Cette idée constitue de ce qui sera appellé la théorie quantitative. Présente chez Aristote et Xénophon dans l’antiquité, elle est retrouvée au XVè chez Copernic, au XVIè chez Jean Bodin, au XVIIè siècle chez John Locke, au XVIIIè chez David Hume, Richard Cantillon et Adam Smith et bien d’autres.

Pour Fisher, la monnaie est avant tout un intermédiaire des échanges : par nature, la monnaie doit circuler dans l’économie par le biais des diverses transactions qui ont lieu c’est-à-dire, pour effectuer des règlements relatifs à ces transactions. L’analyse de Fisher est macroéconomique : une analyse globale et l’objet de cette analyse est de déterminer la masse monétaire (quantité de monnaie en circulation) nécessaire pour assurer un volume donné de transactions marchandes.

L’équation quantitative de la monnaie sera ensuite reformulée par l’école de Cambridge sous la forme de demande de monnaie.

L’équation de CAMBRIDGE et la demande de monnaie

Sous l’impulsion d’Alfred Marshall et d’Arthur Cecile Pigou, l’équation de Fisher connaitra une modification de son écriture et de sa lecture sur deux (02) points : (1) d’une écriture en termes de transactions, l’école de Cambridge est passée à une écriture en termes de revenu ; et (2) d’une lecture en termes de vitesse de circulation à une lecture en termes de fonction de demande de monnaie. Ainsi, l’équation de Cambridge s’écrit comme suit :  et plus en privilégiant une analyse en valeur réelle  

, dénommé par Marshall le coefficient d’utilisation monétaire, représente par exemple pour Pigou la proportion de leurs ressources (revenu) que les agents maintiennent sous forme monétaire, pour des raisons de convenance transactionnelle et de précaution.

La lecture marshallienne de l’équation quantitative comme condition d’équilibre sur le marché de la monnaie le conduit à proposer la première formulation de demande de monnaie. En effet, la partie gauche de l’équation de Cambridge ( ) l’offre de monnaie en valeur réelle, Marshall considère comme exogène dans la mesure où elle est contrôlée directement (billets et pièces) ou indirectement (monnaie scripturale) par les autorités monétaires. En revanche, la partie droite,  est une fonction de demande de monnaie :

Pour l’école de Cambridge, la demande de monnaie d’encaisses réelles ( ) est une fonction croissante du revenu. Elle s’explique par la fonction intermédiaire des échanges de la monnaie, l’encaisse étant nécessaire pour réaliser les transactions, et le coefficient k est supposé donné par les habitudes de paiement et la structure du système bancaire.

M. Abdoulaye CAMARA

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

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La demande de monnaie parlons-en

« La monnaie détenue par un agent économique est un élément de sa richesse ». Bien que récente dans l’analyse économique par rapport à d’autres thématiques, puisqu’elle n’est apparue qu’à la fin du XIXè siècle, la demande de monnaie a toujours suscité beaucoup d’intérêt. C’est pourquoi elle est à l’origine de nombreux débats dans la littérature économique. En effet, si les premières théories de la demande de monnaie n’ont privilégié que la fonction « intermédiaire des échanges » : la monnaie n’est pas détenue pour elle-même parce qu’elle n’est utile que pour effectuer des transactions (théorie quantitative de la monnaie, Ecole de Cambridge). Par contre, pour Keynes, elle est considérée comme un actif demandé pour plusieurs motifs.

De façon générale, l’ensemble de ces analyses cherche à étudier les facteurs qui justifient la détention de monnaie par des agents économiques, et les facteurs qui poussent ceux-ci à détenir une partie ou la totalité de leurs richesses sous forme liquide ou monétaire.

Les fondements de la demande de monnaie

Le terme demande de monnaie évoque à la fois un concept et une fonction. Si le concept de la demande de monnaie relève de la notion d’encaisse monétaire, l’idée d’une fonction de demande de monnaie résulte de l’interprétation de l’équation quantitative qui constitue les principales réflexions monétaires.

La notion d’encaisse monétaire

La demande de monnaie est une encaisse monétaire désirée. Il appartient à Léon Walras en 1874 d’avoir eu la première intuition de la demande de monnaie, lorsqu’il emploi l’expression d’encaisse désirée. Nous trouvons sous la plume de certains économistes anglo-saxons, le terme voisin de « cash balance » et dans l’œuvre de M Rueff la notion d’encaisse désirée elle-même.

L’encaisse monétaire d’un agent est la quantité de monnaie qu’il détient, quelle que soit la raison de cette détention. La demande de monnaie est donc une demande de détention de monnaie ; il s’agit de raisonner sur la monnaie détenue et non sur la monnaie utilisée. Pour parler comme G Bramoullé (1998), lorsqu’un agent utilise sa monnaie, il l’offre en échange des biens, des services ou des titres qu’il demande et s’il utilise toute sa monnaie, sa demande de monnaie est nulle. Ce n’est que lorsqu’il conserve de la monnaie « en caisse » qu’il effectue une demande de monnaie. Ainsi, l’agent qui retire des billets au guichet de sa banque pour effectuer un achat n’est pas un demandeur de monnaie : il transforme sa monnaie scripturale (monnaie par écriture) en monnaie manuelle ou fiduciaire pour mieux offrir sa monnaie. E James en 1965 va encore plus loin, pour lui, même si les billets sont empruntés, « l’emprunt suivi immédiatement d’une dépense ne saurait apparaitre comme une demande pure : l’offre suit de trop près la demande ». Par contre la monnaie peut être détenue pour être utilisée plus tard. D’où la monnaie est considérée comme une réserve de valeur.

La demande de monnaie est une encaisse nominale ou une encaisse réelle

La demande d’encaisse monétaire peut être formulée en termes nominaux c’est-à-dire exprimés en unité de compte (d’encaisse monétaire nominale), ou on peut l'exprimer en pouvoir d'achat (encaisse monétaire réelle) selon que les agents soient, ou non, soumis au phénomène d’illusion monétaire.

La demande de monnaie est une encaisse instantanée ou une encaisse moyenne

Si la demande de monnaie peut être appréciée à chaque instant, mais la plupart du temps le raisonnement se fait sur un intervalle de temps au lieu d’un temps bien précis. Dans le cas d’une analyse de période, la demande de monnaie peut prendre trois acceptions différentes : l’encaisse disponible en début de période, l’encaisse disponible en fin de période, ou l’encaisse moyenne sur la période. Cette dernière est l’acception la plus couramment utilisée, ce qui fait de la demande de monnaie une demande d’encaisse moyenne. Ainsi, un agent disposant en début de période d’une certaine dotation de signes monétaires dans laquelle il puise régulièrement pour effectuer ses dépenses, aura une demande de monnaie sur la période considérée, même s’il épuise toute sa dotation initiale : sa demande de monnaie sera donnée par le niveau moyen de son encaisse sur la période.

La demande de monnaie : encaisse active vs encaisse oisive (thésaurisée)

Dans l’exemple précèdent, les agents sont censés utiliser complètement leur dotation initiale de monnaie ; mais il est possible qu’à la fin de la période, il reste une quantité de monnaie inutilisée. Angell (1937) a alors proposé de qualifier de monnaie active la quantité de signes monétaires utilisées, et de monnaie oisive celle qui ne l’est pas. Dans le même d’ordre d’idée, Newlyn (1962) propose ainsi de réserver l’appellation de monnaie d’active aux signes monétaires utilisées dans les seules transactions génératrices de revenu. Ce qui permet de soutenir que les épargnes faites par les agents économiques auprès des institutions financières ne peuvent être considérées comme de la monnaie oisive.

M. Abdoulaye CAMARA

 

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Série : Economie en question (N°26)

Le prix plancher et le marché du travail des « aides ménagères » au Mali

La précédente « Série : Economie en question (N°25) » m’a permis de présenter le prix plafond. Dans la présente Série, je mets l’accent sur le prix plancher.

Contrairement au prix plafond qui s’adresse aux vendeurs (en les obligeant à vendre à un prix inférieur au prix d’équilibre du marché) ; le prix plancher s’adresse aux acheteurs. Eh bien ! vous avez bien lu, le prix plancher vise les « acheteurs » ! Effectivement, le prix plancher est le prix minimal qu’un acheteur est obligé de payer pour acheter un produit (bien ou service).

Ce prix aura un effet sur le fonctionnement du marché uniquement quand il est fixé par les autorités à un niveau supérieur au prix assurant l’équilibre du marché. Le prix planche vise à faire le « bonheur » des vendeurs en fixant un prix de vente supérieur à celui atteint par l’équilibre du marché.

Quels effets le prix plancher a-t-il sur un marché ?

Ce prix aussi en biaisant le bon fonctionnement des marchés concurrentiels produit des effets pervers. Ces effets sont principalement la création d’un excès d’offre, une baisse de prix des produits qui y sont soumis (existence de marché NOIR) ; et le gaspillage des ressources de l’économie dont la plus importante est le temps.

Une application au Marché du travail

Sur le marché du travail par exemple, le prix plancher porte le nom de « salaire minimum interprofessionnel garanti » au Mali. Il est formellement interdit au Mali sauf cas exceptionnel de payer mensuellement un travailleur en dessous de ce salaire ou prix plancher du travail qui est de 40.000 F CFA (231 F CFA par heure) au Mali en 2025.

Le marché des « aides ménagères » au Mali par exemple coche globalement toutes les cases instituant une structure de marché concurrentielle. Ceci étant le cas, le salaire d’équilibre sur ce marché fluctue entre 10.000 F CFA à 15.000 F CFA à Bamako en fonction des périodes de l’année.

Inutile de dire que ce prix d’équilibre est inférieur au prix plancher fixé par les autorités maliennes, soit 40.000 F CFA. Que se passerait-il si, les autorités maliennes décident de l’application effective du salaire plancher de 40.000 F CFA ?

Comme l’économie positive le présente supra : (1) une augmentation du chômage sur ce marché à la suite de deux effets combinés. Les ménages se trouvant dans l’incapacité de payer le salaire plancher vont remercier leurs « aides ménagères ». En plus, certaines personnes qui n’étaient pas prêtes à travailler au prix d’équilibre du marché vont vouloir maintenant intégrer le marché du travail des « aides ménagères ». (2) l’exacerbation du chômage va logiquement pousser certaines « aides ménagères » à accepter des salaires mensuels beaucoup plus faibles que le salaire plancher. Et donc, les pousser à accepter le travail au noir. (3) Cette intervention par le truchement du salaire plancher sur le marché de travail des « aides ménagère » induira aussi du gaspillage de ressources dans la mesure où les personnes qui cherchent du boulot vont passer plus de temps à chercher du travail et aussi celles qui ne trouveront pas de travail seront des ressources inutilisées. Alors que celles-ci pouvaient travailler si les autorités n’avaient pas intervenu en fixant le salaire plancher de 40.000 F CFA.

En définitive, l’interventionnisme extérieur sur un marché concurrentiel en tentant de contrôler ses prix, quelle que soit la raison ne peut que rapetisser la taille du « gâteau » économique. Par contre, il peut devenir salutaire sur les structures de marché de concurrence imparfaite (monopole, oligopole et concurrence monopolistique).

Madou CISSE

FSEG

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Série : Economie en question (N°25)

Le prix plafond !

La présente « Série : Economie en question » met la focale sur les aspects théoriques de la mise en œuvre du prix plafond.

Le prix plafond désigne le prix nominal maximal auquel un vendeur est autorisé à vendre un bien ou un service spécifique. Ce prix est imposé au vendeur par une autorité extérieure au fonctionnement du marché (par exemple un Gouvernement).

A quelles conditions le prix plafond peut avoir des effets positifs sur le fonctionnement d’un marché ?

(1)    Ce prix n’aura aucun impact s’il est fixé à un niveau supérieur au prix courant du marché (c’est-à-dire le prix auquel le bien ou le service est déjà vendu avant l’intervention de l’autorité). Donc, pour qu’il ait des effets probants, le prix plafond doit être fixé en dessous du prix courant du marché. Par exemple, si le kilo du sucre est vendu à 700 F CFA, seul un niveau de prix plafond inférieur à ce montant peut avoir des effets probants sur le fonctionnement du marché du sucre.

(2)   Le prix plafond a des effets s’il est imposé sur un marché dont le fonctionnement n’est pas concurrentiel (existence de défaillance de marché ; les défaillances de marché sont traitées ici : https://cequejepensemali.blogspot.com/2024/08/serie-economie-en-question-n6-les.html ). Autrement dit, le prix plafond devient utile quand l’écart entre le prix courant du marché et le prix qui aurait pu être fixé en situation de concurrence est important. Et le prix plafond contribuera à réduire cet écart.

Que se passerait-il malgré que le marché soit concurrentiel, une autorité fixe un prix plafond sur ce marché ?

Si le marché est concurrentiel, cela suppose qu’il n’y a pas d’écart entre le prix courant du marché et le coût unitaire de production du bien ou du service vendu sur ce marché. Si malgré tout, une autorité fixe un prix plafond ; cela veut dire qu’elle oblige les vendeurs à vendre en dessous de leurs coûts unitaires de production (c’est-à-dire à faire des pertes). Ce qui ne peut être soutenable de leur part. Ils vont majoritairement arrêter la vente du bien ou du service soumis au prix plafond. Conséquence logique de ce retrait massif des vendeurs, c’est la baisse de la quantité à vendre sur le marché. Cela poussera le prix courant à la hausse (à un niveau supérieur à celui qui prévalait avant l’intervention de l’autorité sur le marché). Comme il y a interdiction de vendre au-dessus du prix plafond ; les ventes vont maintenant se faire au « NOIR » (le marché souterrain). Conséquence médiate de ce phénomène, c’est la mauvaise allocation du bien ou du service qui voit le jour parmi les consommateurs (ceux qui sont informés et qui sont riches peuvent avoir plus de ce dont ils ont besoin ; tandis que les moins informés et les pauvres vont galérer).

En définitive, l’intervention d’une autorité sur un marché concurrentiel (par exemple, le marché de détail du sucre ; le marché de détail de l’huile ; le marché de détail du lait) conduirait à une diminution de la quantité à vendre et à un niveau de prix plus important. Pour dire tout net, elle conduit à moins de bien-être économique. Par contre, si le marché est défaillant, son intervention ne peut être que salutaire. Comme cela est le cas sur les marchés monopolistique (par exemple, le marché de l’électricité), oligopolistique (par exemple, le marché du transport interurbain) et concurrentiel monopolistique (par exemple, le marché du carburant).

Madou CISSE

FSEG

 

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Série : Economie en question (N°24)

L’élasticité-prix croisée de la demande un outil très puissant

Que se passera-t-il en termes de demande de moto Jakarta si le litre de l’essence est vendu par les stations de services à 1.500 F CFA ? Euh bien ! tout porte à croire que la demande de moto Jakarta risque de se contracter au Mali. Et cette contraction se fera dans quelle proportion ?

Les économistes pour pouvoir mesurer le pourcentage de contraction de la demande de moto Jakarta consécutive à une augmentation du prix de l’essence utilise l’outil de l’élasticité prix croisée de la demande.

Cette élasticité mesure la sensibilité de la demande d’un premier bien ou service à la variation de 1% du prix d’un autre bien ou service toutes choses égales par ailleurs. En d’autres termes, l’élasticité prix croisée répond à la question de savoir : de combien la demande d’un bien ou d’un service nommé X variera en pourcentage si le prix d’un autre bien ou service Y varie de 1% toutes les choses étant égales par ailleurs dans l’économie.

Si l’élasticité prix croisée est nulle, alors les deux biens ou services concernés par le test sont indépendants. Cela signifie qu’une variation du prix de l’un n’a aucune influence sur la demande de l’autre. Songez par exemple à la demande de stylos à bille et le prix des voitures 4X4. Est-ce que la demande de stylos à bille baissera parce que le prix unitaire des voitures 4X4 a augmenté ? et vice versa.

Si l’élasticité prix croisée conduit à une valeur négative, dans une telle éventualité, les deux biens ou services testés sont dits complémentaires. Pour de tels biens ou services, toute augmentation (respectivement diminution) de prix du premier bien ou service induira une baisse (respectivement augmentation) de la demande du second bien ou service et vice versa. C’est le cas, de la demande de moto Jakarta et de la variation du prix de litre de l’essence au Mali.

Si l’élasticité prix croisée est positive, cela signifie certainement que les deux biens ou services testés sont des substituts. Avec ces types de biens ou services, toute augmentation (respectivement diminution) du prix de l’un entrainera une augmentation (respectivement une diminution) de la demande de l’autre bien ou service toutes les choses étant égales par ailleurs dans l’économie. Cela pourrait être le cas de la demande de poisson séché et le prix de la viande de bœuf au Mali. Il serait logique de penser qu’au Mali, toute augmentation du prix du kilogramme de la viande de bœuf se traduirait par une baisse de la quantité demandée de cette viande au profit d’une hausse de la demande de poisson séché toutes choses demeurant égales par ailleurs dans l’économie.

L’outil de l’élasticité prix croisée devient incontournable pour déterminer étant données les habitudes de consommation d’une communauté si les biens ou services consommés sont complémentaires, substituables ou indépendants. Cet outil permet aussi de préciser si les demandes des biens ou services consommés sont élastiques, inélastiques ou neutres suivant que sa valeur absolue soit plus grande que l’unité, soit plus petite que l’unité soit égale à l’unité.

Madou CISSE

FSEG

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Série : Economie en question (N°23)

Elasticité revenu de la demande et les produits « France au revoir », l’explication

Les économistes constatent que quand les ménages deviennent riches, ils abandonnent la consommation de certains biens ou services et en consomment de nouveaux. Une agrégation d’un tel comportement est aussi notable au niveau de chaque pays. Plus un pays devient riche, plus sa demande de certains biens ou services diminue ; tandis que celle d’autres augmente. C’est exactement ce phénomène qui explique l’histoire d’amour qui lie le Mali aux biens (spécifiquement les voitures) « France au revoir ».

L’outil qu’utilisent les économistes est l’élasticité revenu de la demande pour mesurer le lien entre la demande des biens et services et les revenus des ménages. Cet outil, par définition mesure la sensibilité de la demande d’un bien ou d’un service en pourcentage consécutive à une variation de 1% du revenu des ménages toutes choses demeurant égales par ailleurs.

Si la valeur prise par cette mesure est négative, les économistes soutiennent que le bien ou le service ainsi testé est un bien ou service inférieur. Pour de tels biens ou services, toute augmentation des revenus des consommateurs entraîne une baisse de leur demande. Des exemples de biens inférieurs par excellence de par le monde sont les biens d’occasion (voitures, meubles, électroménagers etc.). Au fur et à mesure que le revenu d’un consommateur augmente, sa demande de ces types de biens ou services diminue aussi.

Quand la mesure de l’élasticité revenu de la demande est positive, le bien ou service impliqué dans le test est dit bien ou service supérieur ou normal. Pour ces types de biens ou services, toute augmentation du revenu des consommateurs induit une hausse de la demande de ces types de biens ou services. Spécifiquement pour ces types de biens et services, si la valeur est plus petite que l’unité (1), alors le bien ou le service est dit normal de première nécessité. Ce qui suppose que le revenu et la demande évoluent dans le même sens mais que la variation du revenu en termes de proportion est plus importante que celle de la demande. Des biens de ce type au Mali sont par exemple le riz, le mil etc. par contre, si la valeur de l’élasticité revenu est plus grande que l’unité (1) pour un bien ou service, ce dernier est qualifié normal de luxe. Ce qui suppose que la variation de la demande en termes de proportion est plus grande que celle du revenu. La demande d’éducation, de loisir etc. sont des exemples de services normaux de luxe dans tous les pays.

En définitive, si le test d’élasticité revenu conduit à l’unité (1), le bien ou le service est dit normal neutre. Ce qui signifie que la variation de la demande et celle du revenu évoluent dans le même sens et dans les mêmes proportions. Un excellent exemple de service normal neutre est le logement. Cela signifie que, quand le revenu augmente de 1% la demande de logement aussi s’apprécie de 1% toutes choses égales par ailleurs.

Retenons quand même que la sensibilité de la demande d’un bien ou d’un service par rapport à la variation du revenu n’est pas liée aux caractéristiques intrinsèques du bien ou du service en question, mais elle dépend largement des habitudes de consommation des ménages de chaque zone géographique. Que pensez-vous de l’impact de l’augmentation dans les mêmes proportions du revenu des ménages maliens et français sur la demande de poulet au Mali et en France ?

Madou CISSE

FSEG


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Quand le Mali devient une victime collatérale des taxes de l’administration américaine

« Quand deux éléphants se battent l’herbe en souffre. » Ce dicton présente dans toute sa splendeur les impacts négatifs de la bataille commerciale opposant les Etats-Unis à la Chine et les autres pays occidentaux principalement. Cette lutte enclenchée depuis le premier mandat de l’actuel occupant de la maison blanche entre dans sa deuxième « saison » avec une virulence jamais égalée auparavant. Dans cette deuxième « saison » de ce bras de fer commercial, au lieu de faire le sniper, les autorités américaines ont fait sortir le bazooka en tirant sur tout ce qui bouge !

Dans cette deuxième « saison » les autorités américaines ont fait fort ! (1) une taxe plancher de 10% sur tous les produits importés aux Etats-Unis. (2) des taxes majorées fixées en fonction de la tête des clients (au nombre de 175 pays dont 48 pays africains). Les clients les moins taxés sont ceux qui sont frappés à hauteur de 10% comme le Mali et le Niger. Le taux plafond pour ces taxes majorées est de 50% auquel doivent être soumises les importations provenant du territoire Saint-Pierre-et-Miquelon augmentées des 10% la taxe plancher (soit 60% en tout). Quant à la Chine ses importations en direction des Etats-Unis sont majorées de 34% en plus des 20% déjà imposés lors du premier passage de l’actuel président américain dans le bureau ovale. Soit 54%, ce qui fait de la Chine le deuxième partenaire commercial des USA le plus imposé.

Face à une telle salve de tarifs douaniers des Etats-Unis, la question suivante mérite d’être légitiment posée. Quelles sont les raisons sous-jacentes justifiant un tel degré d’agression des fondements du commerce mondial de la part d’un pays qui représente près de 15% des importations mondiales de produits ?

Comme réponse à la question posée ci-dessus, c’est l’atteinte de l’équilibre de la balance commerciale des Etats-Unis qui est brandie par les autorités américaines. Si tel est le but ultime de ces mesures, alors pourquoi ne pas cibler exclusivement les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis qui présentent des balances commerciales bilatérales excédentaires ? Heureusement que ces pays sont même connus. Le top trois de ces pays en 2024 est pour un déficit commercial américain estimé à près de 1.000 de dollars américains : la Chine (+263 milliards de dollars) ; le Mexique (+179 milliards de dollars) ; le Canada (+102 milliards de dollars) à ce podium, les 27 pays de l’Union Européenne peuvent avoir un strapontin avec la réalisation d’un excédent commercial de 161,2 milliards de dollars vis-à-vis des Etats-Unis.

Un pays comme le Mali présente une balance commerciale bilatérale avec les Etats-Unis abyssalement déficitaire. En 2024, ce déficit a été estimé par l’INSTAT Mali à un peu plus de 97 milliards de francs CFA. Si c’est seulement l’équilibre de la balance commerciale qui est l’objectif visé par ces mesures, le Mali et beaucoup d’autres pays africains ne devraient pas être ciblés par les différentes taxes qui font au moins 20% pour tous les 48 pays africains concernés. Mais malheureusement, ils sont tous imposés ! Donc, l’objectif de l’équilibre de la balance commerciale ne me convainc pas. Je pense que la majorité des pays 48 africains ciblés par les taxes majorées et la taxe plancher de 10% sont des victimes collatérales de la guerre commerciale opposant les Etats-Unis et la Chine.

Au-delà des visées d’équilibre commercial, l’actuelle administration américaine vise à torpiller les efforts de développement économique des autorités chinoises. Conscientes de l’importance de la demande américaine dans le PIB chinois, une baisse de celle-ci produira logiquement des effets récessifs importants. Ceci est autant plus logique que l’économie chinoise dont la croissance est principalement tirée par les exportations des produits ne pourra atteindre ces objectifs quand ses produits sont ainsi taxés.

Je pense encore que les autorités américaines, dans le but de rendre aussi inefficace l’installation des entreprises chinoises dans d’autres pays pouvant leur servir de base arrière pour atteindre le marché américain et ainsi échappées aux 54% de taxes imposés n’ont pas hésité d’imposer une taxe plancher de 10% pour tous les pays, accompagnée d’une majoration de taxes de plus en plus élevée en fonction du degré de relations commerciales pouvant exister entre ces pays ciblés et la Chine. Je pense que le Mali fait partie des victimes collatérales par ce truchement. Car en 2024, le premier partenaire non africain du Mali était la Chine avec des importants estimées par l’INSTAT Mali à un plus de 600 milliards de francs CFA.

Non, l’actuelle administration américaine n’est pas anti-mondialisation. Elle connait parfaitement que le libre échange est plus efficace que toutes les autres formes connues d’organisation des activités commerciales ; en plus elle sait pertinemment que ce mode de fonctionnement fait toujours des gagnants et des perdants. Et en connaissance de cause, elle a estimé que les Etats-Unis ont été perdants depuis la libéralisation de l’économie mondiale à partir des années 80 et surtout vis-à-vis de la Chine. Dans le but de faire pencher la balance de leur côté et conformément à l’idéologie MAGA (Make America Great Again) ; l’administration américaine n’a pas dédaigné de secouer le cocotier tout en prenant soin de ne jamais l’arracher afin de pousser tous ses principaux partenaires à des négociations bilatérales. Même si pour le moment, la principale cible à savoir la Chine semble ne pas prête à s’assoir à la table de négociation. Bien au contraire, elle se rebiffe !


Madou CISSE
FSEG

 

Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

La liaison entre monnaie centrale et pouvoir de création monétaire de la part des banques

« Cette relation entre monnaie centrale et pouvoir de création monétaire, par octroi de crédit de la part des banques » a fait l’objet de deux approches théoriques différentes dans les années 70. Il s’agit du multiplicateur de crédit, un concept développé par les monétaristes, pour souligner le rôle premier de la banque centrale, et la notion de diviseur de crédit proposée par les keynésiens, pour insister sur le caractère endogène de la masse monétaire créée par les banques.

Le multiplicateur de crédit

Le multiplicateur de crédit est un concept qui permet de comprendre comment les banques commerciales peuvent augmenter l’offre de crédit dans une économie en accordant des crédits à partir des dépôts de leurs clients. Ce concept repose sur le système de réserve fractionnaire. De quoi s’agit-il ? Ce système de réserve fractionnaire est un mécanisme par lequel les banques commerciales sont tenues de conserver en réserve une partie des dépôts de leurs clients, le reste pouvant être utilisé pour accorder des prêts. Cela signifie que lorsqu’ un client fait un dépôt à sa banque, la banque ne va pas conserver la totalité de ce dépôt dans sa caisse ; mais elle va en prêter une partie à d’autres clients. La proportion minimale des dépôts que les banques doivent conserver (sous forme de liquidités ou de dépôts auprès de la banque centrale) se nomme les réserves obligatoires. Ce taux est fixé par la banque centrale et a pour objectif de garantir la stabilité du système bancaire en veillant à ce que les banques aient toujours suffisamment de liquidité pour répondre aux demandes de retrait de leurs clients.

Par exemple, supposons qu’un individu demande et obtienne un crédit de 10 000 UM auprès de sa banque, noté banque A. Ces 10 000 UM de crédit se transforment en 10 000 UM de dépôt. Supposons que le taux de réserves obligatoires – appelé également coefficient de réserve – soit de 10 %. La banque A doit alors alimenter son compte auprès de la banque centrale, c’est à dire constituer des réserves obligatoires, pour un montant de 1000 UM (soit 10 000 UM × 10 %). La banque dispose donc de 9000 UM (soit 10 000 UM − 1000 UM) de réserves excédentaires. Sachant que ces réserves excédentaires ne sont pas, pour l’instant, rémunérées, la banque A va donc les utiliser pour accorder des prêts.

Que se passe-t-il ensuite ?

Ces 9000 UM de crédit créent 9000 UM de dépôt dans une autre banque, noté banque B. Tout comme la banque A, la banque B doit, elle aussi, alimenter son compte auprès de la banque centrale, c’est à dire constituer des réserves obligatoires. La banque B maintient ainsi 900 UM (soit 9000 UM × 10 %) de réserves obligatoires et dispose de 8100 UM (soit 9000 UM – 900 UM) de réserves excédentaires. Ces réserves n’étant pas rémunérées, la banque B utilise ces 8100 UM pour octroyer de nouveaux prêts. Ces 8100 UM de crédit créent, à leur tour, 8100 UM de dépôt dans une banque C. Dès lors, la banque C doit, comme les banques A et B de notre système bancaire, constituer des réserves obligatoires pour un montant de 810 UM (soit 8100 UM × 10 %). La banque C dispose alors de 7290 UM (soit 8100 UM – 810 UM) de réserves excédentaires qu’elle utilise pour accorder des nouveaux prêts. Et ainsi de suite jusqu’à ce que le mécanisme des 10 % de réserves obligatoires fasse tendre les liquidités disponibles vers zéro. Le montant total de monnaie créée à partir des dépôts initiaux de 10 000 UM sera ainsi le résultat de tous ces crédits, réduits à chaque fois du montant des réserves obligatoires. Au total, dans cet exemple, il sera créé 100 000 UM de monnaie, soit dix fois le montant initial de dépôts. On dira que le « multiplicateur de crédit » est de 10. Ainsi donc plus le taux de réserves obligatoires est élevé et plus le pouvoir de création monétaire des banques est limité.

« Ce mécanisme du multiplicateur fait de la masse monétaire une quantité que la banque centrale peut contrôler puisqu’elle dépend en grande partie des réserves qu’elle impose aux banques et de la quantité de monnaie centrale qu’elle met à leur disposition. C’est pourquoi [certains] économistes disent que la monnaie est une quantité exogène parfaitement contrôlée par la banque centrale. »

Limite du multiplicateur du crédit :

Cette théorie du multiplicateur du crédit a été critiquée parce que plusieurs facteurs influencent son fonctionnement et font qu’il ne va pas être aussi efficace que ce que le prévoit la théorie. D’abord on peut citer la prudence des banques notamment en période de crise. Ces périodes de crise ou les banques ne sont pas très confiantes envers l’avenir, celles-ci vont alors pouvoir choisir de prêter moins que le maximum théorique qu’elles auraient le droit. C’est le cas, par exemple, si un client dépose 10 000 UM à la banque, celle-ci doit conserver 10% de réserve sur son compte à la banque mais rien ne l’empêche de conserver plus si elle le souhaite, et notamment en période de crise, les banques ont tendance à être frileuses à prêter de l’argent parce qu’elles ont des préoccupations concernant le risque du crédit (le risque de ne pas être remboursées) ou la stabilité financière globale et donc choisissent de faire des réserves au cas où pour être sures de ne pas être en difficulté par la suite. Ensuite, il y a également la demande de crédit. Il se peut aussi que les consommateurs ou les entreprises, notamment en période de récession ou de faible croissance, aient une faible demande de prêt et donc, si les banques ont de l’argent à prêter mais que les individus ne veulent pas emprunter, et bien la création monétaire ne sera pas aussi importante que ce que le prévoyait le multiplicateur. Enfin, les banques sont également soumises à des règlementations autres que les réserves obligatoires. Par exemple, suite à la crise de 2008, plusieurs réglementations ont été mises en place pour renforcer la stabilité financière, notamment les accords de Bale III qui imposent des exigences de capital plus strictes et des ratios de liquidité aux banques qui vont limiter leur capacité à prêter et donc à créer de la monnaie. Au point de vue théorique, certains auteurs vont également soutenir que la monnaies est endogène ce qui va conduire au concept du diviseur de crédit.

Le diviseur de crédit

Les diviseurs de crédits sont développés par des économistes postkeynésiens. Ceux-ci mettent en avant l’idée que l’offre de monnaie est endogène, c’est-à-dire la quantité de monnaie qui va être créée est influencée plus par les interactions entre agents économiques que par les actions extérieures ou exogène de la banque centrale. Par exemple, c’est parce que les ménages et les entreprises demandent des prêts que les banques commerciales vont créer de l’argent en accordant ces prêts. Ainsi, la base de la création monétaire ne va pas être le dépôt des clients mais la demande de crédit, et cette demande de crédit, une fois accordée, vont créer des dépôts. Le processus de création monétaire va alors dépendre des besoins de crédit dans l’économie. De façon générale le processus de création monétaire dans le cadre du diviseur de crédit va commencer par la demande de crédit des agents économiques, notamment des entreprises et des ménages. Les agents vont en fait solliciter des prêts pour pouvoir financer leurs activités, leurs investissements ou leurs dépenses de consommation. Les banques vont alors créer de la monnaie pour répondre à cette demande de crédit et les fonds prêtés par les banques vont alors être déposés sur les comptes bancaires des clients. Ainsi, les prêts bancaires vont créer des dépôts dans le système bancaire. Les dépôts bancaires sont en fait la conséquence de cette création de crédit et non l’inverse. Le modèle du diviseur de crédit est plus flexible et réactif aux conditions économiques que celui du multiplicateur de crédit, puisque les banques répondent directement aux besoins de financement des agents économiques, ce qui va permettre une adaptation rapide aux fluctuations de la demande de crédit. Par exemple, en période de croissance économique, la demande de crédit augmente rapidement, et il va y avoir une augmentation correspondante de la masse monétaire pour faire face à la demande.

Dans le modèle du diviseur de crédit les réserves obligatoires jouent un rôle secondaire puisque les banques doivent encore maintenir des réserves puisque celles-ci sont mises en place par la banque centrale, mais les réserves ne vont pas limiter directement à la capacité des banques à accorder des prêts. En fait, les réserves vont pouvoir être obtenues notamment sur le marché interbancaire ou en empruntant directement auprès de la banque centrale. Dans cette logique du diviseur de crédit, les banques vont en fait ajuster leurs réserves après avoir accordés des prêts pour pouvoir satisfaire aux exigences règlementaires. Cela signifie donc que le montant des réserves dans le système bancaire est influencé par le volume de prêts et non l’inverse puisque les banques centrales vont pouvoir fournir les réserves nécessaires pour pouvoir soutenir l’activité de prêt des banques commerciales.

En fait, dans cette vision, la banque centrale intervient surtout pour influencer la demande de crédit, notamment la banque centrale va pouvoir influencer la demande de crédit et donc la création monétaire en utilisant ses taux directeurs. En faisant cela la banque centrale ajuste ses taux pour influencer le coût du crédit. Ainsi, si les taux directeurs baissent, cela signifient que les banques se refinancent auprès de la banque centrale a taux, plus bas, elles vont donc prêter à des taux plus bas à leurs clients. Si les taux auxquels les clients empruntent diminuent la demande de prêts va augmenter. Inversement, si la banque centrale souhaite freiner la création monétaire elle augmente alors ses taux directeurs. Cela signifie que les banques commerciales se refinancent à la banque centrale à des taux plus élevés, donc vont prêter leur argent à leurs clients à des taux plus élevés. Si les taux augmentent, la demande de prêt va diminuer. En répondant aux besoins de crédit, les banques centrales peuvent alors jouer un rôle central pour lisser les fluctuations économiques, notamment donc en soutenant l’économie en période de récession ou de faible inflation.

M. Abdoulaye CAMARA

Temps de lecture : 5 min

Série : Economie en question (N°22)

Comprendre comment l’élasticité prix de la demande élucide l’impact des nouvelles taxes

L’instauration des taxes de 10% et de 1% sur les services de télécommunication et de FinTech au Mali a été répercutée logiquement et intégralement sur les prix nominaux des services concernés par les opérateurs. Face à un tel constat, une interrogation demeure. Dans quelle mesure les demandes des services ainsi imposés réagiront-elle aux différentes hausses de prix imposées ?

Pour répondre à cette interrogation, les économistes utilisent un outil d’analyse très puissant et incontournable dans le cas d’espèce, qui se nomme « élasticité prix de la demande ».

Cet outil mesure la sensibilité de la quantité demandée mesurée en pourcentage consécutive à une variation (augmentation ou diminution) de 1% du prix du bien ou du service en question toutes choses étant égales par ailleurs.

L’élasticité prix de la demande devient positive (dans des cas on ne peut plus rares) pour les biens ou services « atypiques » ; c’est-à-dire des biens ou des services pour lesquels la loi de la demande n’est pas respectée.

L’élasticité prix de la demande devient négative (dans les cas les plus fréquents) pour les biens ou services « typiques » ; c’est-à-dire des biens ou des services pour lesquels la loi de la demande est respectée (prix et quantité demandée évoluant en sens opposé).

En réalité, la sensibilité de la quantité demandée consécutive à la variation en pourcentage du prix d’un bien ou d’un service dépend de plusieurs éléments dont les principaux sont :

-          le niveau de rareté ou d’abondance du bien ou du service concerné par la variation de prix ;

-          l’importance ou pas du bien ou du service dans le maintien de la vie des consommateurs (bien ou service indispensable) ;

-          l’existence de biens ou de services substituables au bien ou service ayant subi la hausse de prix (niveau de concurrence présent sur le marché en question).

Si par exemple, un bien ou un service dont le prix a enregistré une variation est un bien ou service indispensable pour les consommateurs, l’élasticité prix de la demande prendra dans ce cas une valeur absolue comprise entre zéro et un. Pour ce type de bien ou service, les économistes disent que la demande est inélastique au prix ou elle répond peu à la variation du prix du bien du service.

Si par contre, le bien ou le service n’est pas indispensable pour les consommateurs par exemple, la valeur absolue de l’élasticité prix de la demande sera dans ce cas plus grande que l’unité. La demande dans un tel contexte est considérée par les économistes comme élastique au prix. En d’autres termes, les économistes soutiendront que la demande répond de manière substantielle à la variation du prix.

Si la valeur absolue de l’élasticité prix de la demande est unitaire (égale à un), alors la demande est dite neutre par rapport à la variation du prix.

Dans les deux cas polaires, soit la quantité demandée ne répond pas du tout à la variation du prix (élasticité prix de la demande nulle) soit elle y répond de manière infinie ; suivant le cas, les économistes diront que la quantité demandée répond de manière parfaitement inélastique au prix soit de parfaitement élastique au prix.

Une application de cet outil aux services des recharges voix et forfait Internet dans le cas du Mali – sous hypothèse que ces services soient considérés comme indispensables pour les consommateurs – permet d’inférer que l’augmentation de 10% qu’ont enregistrée leurs prix, entrainera une baisse de la quantité demandée de ces services de moins de 10% toutes choses étant égales par ailleurs. Dans un tel scénario, les économistes admettent que les demandes de ces deux services sont inélastiques à la variation de leurs prix. Quid de l’élasticité prix de la demande des boissons alcoolisées dans la mesure où celles-ci ont été soumises aussi à des taxes pouvant atteindre jusqu’à 15% pour certaines d’entre elles ?

Madou CISSE

FSEG

 Temps de lecture : 5 min

Révision de la charte des partis politiques : les formations politiques sur une ligne de crête ?

La révision de la loi n°05-047 / du 18 août 2005 portant charte des partis politiques occupe actuellement sans surprise toute l’attention des partis politiques maliens qui fourbissent leurs arguments dans le but de préserver l’essentiel de leurs intérêts ; ce qui est tout à fait rationnel de leur part. Leur comportement est d’autant plus justifié que la révision pourrait toucher au nombre des partis politiques et au mode de financement public des activités des partis politiques.

Faut-il limiter le nombre de partis politiques au Mali ?

Pour répondre efficacement à la question libellée ci-dessus, il serait judicieux de répondre clairement à celle-ci : pourquoi faut-il limiter le nombre des partis politiques au Mali ? Si la réponse à la première question peut être oui ou non ; celle qu’exige la seconde semble être moins simple.

Le principal objectif des formations politiques est la conquête du pouvoir (municipal, législatif (Assemblée et Sénat), Présidentiel et Exécutif), en tout cas dans les nations et territoires démocratiques. L’atteinte de cet objectif par les formations politiques passe préalablement par la fixation de leurs ancrages idéologiques politiques respectifs qui sous-tendent leurs programmes de société.

Les idéologies politiques forment un continuum partant de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par les idéologies centristes. Les deux principaux fondements contribuant à assoir les principales limites de chacune des formes d’idéologies politiques sont le degré de liberté économique et le degré de liberté individuelle acceptés par chaque formation politique. Si, les partis politiques d’extrême gauche prônent plus de liberté individuelle et moins de liberté économique ; ceux positionnés à l’extrême droite de l’échiquier politique sont moins enclins à la liberté individuelle tout en acceptant plus de liberté économique.

A cet effet, vouloir, un instant limiter le nombre des partis politiques dans un pays revient à s’attaquer frontalement à la liberté de pensée des citoyens. Car chaque formation politique est l’incarnation d’une idéologie politique singulière. Même s’il n’est pas rare de voir dans un pays plusieurs partis politiques partageant le même substratum idéologique tels que les partis socialistes, les partis républicains, les partis centristes, etc. C’est partant d’une telle considération que les « pères » du mouvement démocratique malien ont judicieusement opté pour le multipartisme intégral.

Partis politiques et pognon de l’Etat

Au premier article du chapitre V de la charte des partis politiques du Mali datée du 18 août 2005, il est écrit ceci : « Les partis politiques bénéficient d'une aide financière de l'Etat inscrite au budget de l'Etat à raison de 0,25 % des recettes fiscales. ». Sur la base de cet article (le 29ème de ladite charte), sous certaines conditions spécifiées dans le deuxième alinéa dudit article, l’Etat malien contribue financièrement au fonctionnement des formations politiques.

Question : la nouvelle charte doit-elle garder cet article ? Ma réponse est non. Cet article doit purement et simplement être supprimé. D’aucuns peuvent soutenir qu’un tel dispositif existe dans les pays occidentaux majeurs tels que la France, les Etats-Unis, l’Allemagne etc. Ma réponse demeure la même, les pays ne se valent pas ! En plus, la quasi absence de vertu politique au Mali annihile toute gestion vertueuse des financements reçus au sein des formations politiques. Enfin, la suppression du financement public des « activités des partis politiques » contribuera sûrement à réguler de manière sous-jacente l’épineuse problématique du nombre des partis politiques au Mali. En stoppant de manière définitive et irréversible ce financement, les partis politiques « zombies » seront frappés au portefeuille, ce qui sonnera le glas de leur existence.

Si limiter le nombre de partis politiques est une pratique liberticide ; par contre, arrêter le financement des partis politiques dans un pays comme le Mali ne peut être considéré comme une pratique contribuant significativement à rendre l’environnement socio-politique malien beaucoup plus ataraxique.

Madou CISSE

FSEG

 

Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Temps de lecture : 9 min

Les nouvelles taxes au Mali tuent-elles les taxes ?

Pour se soustraire des aides, des dons de l’extérieur, un nombre croissant de pays africains ont jugé nécessaire de reformer leurs politiques fiscales afin de mobiliser suffisamment de ressources à l’interne pour faire face avec efficacité à leurs obligations régaliennes.

Dans le cas du Mali, les autorités de la transition ont décidé de taxer davantage les services du secteur des télécommunications et des services financiers numériques (le mobile money).

Alors que « la fiscalité joue un rôle central dans le processus de développement des nations », les pays en développement cherchent à accroître le niveau de ces ressources, ce qui entraîne une augmentation de la pression fiscale qui affecte le comportement des contribuables. Ainsi, le développement du comportement de conformité fiscale des contribuables reste également un instrument à privilégier.

De Ibn Khaldoun à Arthur Laffer

L'idée que « trop d'impôt tue l'impôt » ou que « le taux d’imposition mange l'assiette » est ancienne. Elle remonte au 14è siècle avec les écrits d’Ibn Kaldoun qui soutenait que plus le taux d'imposition est élevé moins l'État perçoit de recettes du fait de la non-conformité des contribuables. Au-delà d'un certain niveau, lorsque l'impôt dépasse ce qui est acceptable pour le contribuable, l'impôt devient une charge déraisonnable. M. Friedman (1948) arrivait à la même conclusion, qui affirme qu'une pression fiscale plus élevée réduit directement le revenu disponible du contribuable.

Mais il revient à l'économiste américain Arthur Laffer, dans les années 1970, d'avoir tenté de théoriser ce qu'il nommait « l'allergie fiscale », et de l'avoir popularisée à l'aide de la courbe qui porte son nom. Cette fameuse courbe (qui aurait été tracée par Laffer pour la première fois sur une nappe d’un restaurant) qui porte désormais son nom décrit l'évolution des recettes fiscales en fonction du taux marginal d'imposition (recette supplémentaire générée par une augmentation d’une unité supplémentaire du taux d’imposition). Il montre quun taux d'imposition nul entraîne des recettes fiscales nulles de l’Etat, tandis qu'une augmentation du taux d'imposition marginal entraîne des recettes fiscales supplémentaires. En revanche, lorsque le taux atteint un certain niveau (taux d’imposition optimal) cependant, toute nouvelle majoration réduit les rentrées fiscales. Ce phénomène s'explique par le fait qu'un taux d'imposition élevé constitue un frein important à l'acquisition et à la déclaration de revenus imposables. La réduction du taux marginal d'imposition pourrait par conséquent accroître les recettes fiscales.

Le principal enseignement de la courbe de Laffer soutient que l’augmentation des taux d’imposition ne s’accompagne pas, nécessairement, d’une augmentation des ressources fiscales. Le corolaire d’un tel enseignement conduit à affirmer que des taux de taxation élevés favorisent la fraude et l’évasion fiscale, et par conséquent, donc les contribuables vont être dirigés vers des comportements de corruption. Inversement, un faible recouvrement fiscal conduit à des coûts financiers élevés en termes de contrôle fiscal, et donc un rythme faible de collecte des recettes fiscales.

Une revue de littérature aux résultats ambigus

En Afrique, au cours de ces dernières décennies, les services téléphoniques et argent mobile sont devenus une nouvelle source de recettes fiscales. Actuellement, 15 pays africains ont introduit des taxes sur l’argent mobile et d’autres services financiers numériques (SFN). Ces pays taxent souvent plus lourdement que les autres services financiers et les taux d’impositions varient d’un pays à un autre comme les taux effectifs également liés du montant de la transaction. Dans ces pays africains à faible revenu, les critiques craignent que ces taxes ne freinent la croissance des services téléphonie et argent mobile n’exercent un impact disproportionné sur les ménages aux revenus les plus faibles.

Sous l’effet de pressions budgétaires ou politiques, les taxes sur les SNF ont été conçues à la hâte dans certains pays africains. Sans surprise, les résultats ont souvent été critiqués et ont tous connu des modifications précoces de leurs taxes sur les SFN.

Selon l’étude de Akol et Lees (2021), En juillet 2018, l’Ouganda a instauré une nouvelle taxe sur la valeur des transactions d’argent mobile. Cette taxe a été introduite rapidement, sans suivre le processus habituel d’élaboration des politiques fiscales. Entre autres défauts de conception, le dépôt, l’envoi, la réception et le retrait d’argent étaient initialement taxés séparément, ce qui entraînait de multiples couches d’imposition sur chaque paiement. Cette nouvelle taxe est venue s’ajouter aux taxes générales existantes sur les frais de l’argent mobile, introduites pour la première fois en 2013. Face aux protestations généralisées et à la forte pression politique, le gouvernement a fait marche arrière en novembre 2018, abaissant le taux et limitant l’assiette de la taxe aux retraits.

Pour Noah et Tacneng (2024), au Cameroun, l’Etat a imposé une taxe de 0,2 % uniquement sur la valeur des transactions d’argent mobile, les banques étant exemptées. Malgré un taux d’imposition apparemment modeste, les prestataires d’argent mobile ont connu une baisse significative de leur rentabilité. Cela a été particulièrement le cas pour les agents traitant des montants plus importants d’argent mobile et des valeurs de transaction plus élevées.

Au Ghana l’impact est plutôt mitigé. Selon les études réalisées par Anyidoho et al. (2022) ; Abounabhan et al. (2024) ; Scarpini et al. (2024) ; Carreras et al. (2024), Tout d’abord, les 100 premiers cedis transférés chaque jour par un utilisateur sont exonérés de la taxe. Cela a rendu le prélèvement plus progressif en réduisant son impact sur les personnes à revenu modeste. Cependant, les personnes à faible revenu travaillant dans le secteur informel et devant effectuer des transactions très fréquentes sont toujours fortement touchées, et la connaissance limitée de l’exemption empêche de nombreux utilisateurs d’en tirer le meilleur parti. Ensuite, afin d’encourager une plus grande formalisation, sont exonérés les paiements aux commerçants qui sont enregistrés en tant qu’entreprises à la fois auprès des prestataires d’argent mobile et de l’administration fiscale du Ghana.

Les nouvelles taxes instaurées au Mali sont-elles au-dessus du seuil de taux d’imposition optimal désigné par Laffer comme le niveau d’imposition pouvant assurer le niveau maximal des recettes fiscales ? Seul le temps pourra répondre à cette interrogation. Ce qui est sûr, les nouvelles taxes sont loin de faire l’unanimité au sein de la population malienne quant à leur utilité et leur opportunité.

M. Abdoulaye CAMARA

Temps de lecture : 3min

Série : Economie en question (N°21)

Pourquoi la courbe d’offre de biens et services est-elle inclinée vers le haut ?

Le référentiel sacro-saint de l’économie de marché est le marché tant que faire se peut. Le marché sous-entend la confrontation pérenne entre offre et demande.

L’existence du marché des biens et services exige que la disponibilité à acheter des consommateurs soit toujours supérieure ou égale à la disponibilité à vendre des vendeurs. Sinon, l’existence du marché est entière compromise. Si les économistes admettent qu’en arrière-plan de la demande des biens et services il y a les utilités marginales des consommateurs et que cette présence explique généralement l’allure décroissante des courbes de demandes (le lecteur intéressé peut voir ma publication sur cette thématique à l’adresse suivante : https://cequejepensemali.blogspot.com/2024/11/serie-economie-en-question-n15-pourquoi.html ) ; alors qu’est-ce qui explique l’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services ?

Le vendeur accepte toujours de vendre son bien ou son service tant que le gap entre son prix de vente (ou sa disponibilité à vendre) et les disponibilités à acheter des consommateurs demeure positif ou nul. Généralement, sur les marchés des biens et services libres de toutes entraves, la disponibilité à vendre de chaque unité produite est mise en regard du coût supporté pour produire l’unité en question. Et dans les processus de production (sauf en cas de présence d’économies d’échelle ou d’autres formes de défaillances de marché majeures) le coût de production de chaque unité supplémentairement produite augmente au fur et à mesure que le vendeur augmente son échelle de production. En réalité, c’est cette dynamique d’augmentation de coût de chaque unité supplémentaire que d’aucuns appellent coût marginal de production qui explique l’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services. Car en creux, la disponibilité à vendre du vendeur intègre toujours ce coût marginal de production.

L’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services a comme arrière-plan la croissance du coût marginal de production de chaque unité supplémentaire produite. Tant que ce coût croitra, la courbe d’offre sera toujours inclinée vers le haut. Et par voie de conséquence, le prix de vente du bien ou service augmentera aussi. C’est partant d’une telle liaison entre la quantité produite et le coût marginal de production que les économistes admettent la définition suivante du concept de l’offre de biens et services : les quantités de biens ou de services que les producteurs désirent vendre pour tout niveau de prix donné (donc, de coût marginal donné si le marché est concurrentiel pur et parfait).

Madou CISSE

FSEG

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