La Constitution du
22 juillet 2023 du Mali dit stop à l’idéologie économique ultra libérale.
Je reviens dans ce
papier sur les implications économiques de la nouvelle Constitution du 22
juillet 2023, un peu plus d’une année après son adoption.
La Constitution du
22 juillet 2023 : ses implications économiques
La lecture de la Constitution du 22 juillet 2023 permet de
soutenir que les préoccupations économiques sont présentées de manière claire
et précise. Déjà dans son préambule, la Constitution considère que la
corruption et l’enrichissement illicite compromettent les efforts de
développement du pays. A la suite de cette assertion, et toujours dans le
préambule, l’objectif économique suprême y est précisé à savoir : promouvoir
le bien-être social. Cet objectif est en parfaite conformité avec le
contenu de l’article 30 où, il y est stipulé que le Mali est une République
sociale. La concrétisation d’une telle république dans les faits passera
logiquement par une implémentation réelle des dispositions contenues dans le 33ème
article de l’actuelle Constitution qui considère que l’État prend les mesures
nécessaires à l’effet d’assurer les principes de solidarité, d’égalité, de
justice, de protection et d’intégration qu’impose la conception d’une
République sociale.
Les libertés d’entreprise et de circulation des Hommes
sont toutes garanties respectivement par les 13ème et 17ème
articles.
Les modalités d’intervention de l’Etat dans les activités
économiques octroyées par la Constitution du 22 juillet 2023 sont spécifiées par
l’article 116. Cet article précise que par le truchement de la loi, les
nationalisations d'entreprises, les dénationalisations et le transfert de
propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé ainsi que
l'organisation de la production deviennent possibles au Mali.
L’analyse sous l’angle économique la Constitution du 22
juillet 2023 basée sur son contenu permet de soutenir que (1) le capitalisme
n’est pas remis en cause ; (2) le libéralisme économique – se traduisant
par la libre circulation des Hommes (du travail), des biens et services et du
capital – est aussi accepté ; (3) l’interventionnisme étatique dans les
activités économiques est envisageable ; et enfin (4) l’intégration
économique n’est pas aussi remise en cause.
Une telle analyse la Constitution doit interpeller quant à
l’ancrage philosophique et moral de l’idéologie économique prônée dans ladite
Constitution.
Les idéologies économiques – physiocratie, mercantilisme, communisme,
libéralisme, ultra-libéralisme etc. – ont toujours eu des fondements
philosophiques et moraux. Le plus souvent, pour la même idéologie économique,
il peut y avoir une diversité d’approches imputable au choix de la pierre de
touche servant de mesure de la valeur de l’opportunité de la mise en œuvre ou
pas d’une politique économique. Pour revenir à la Constitution du Mali, il y
ressort clairement que la pierre de touche retenue est le « bien-être
social » mis en évidence dès le préambule.
Le « bien-être social » sert d’étalon de
mesure de toutes les politiques économiques pouvant être mises en œuvre au
Mali, conformément à la Constitution définitivement adoptée le 22 juillet 2023.
Le choix d’un tel étalon de mesure de l’efficacité des politiques économiques
permet de soutenir que la Constitution du Mali prône une idéologie économique identique
à celle du « libéralisme classique » défendue par A. Smith, J. Bentham
et D. Ricardo. Des libéraux qui ont toujours prôné la libre circulation (des marchandises,
du travail et du capital) et la nécessité de l’intervention étatique tant que
ces politiques économiques sont susceptibles d’améliorer « le bonheur
collectif ». Le choix du « bien-être social » comme
référentiel de jugement de toutes les politiques économiques dans la
Constitution du Mali écarte d’emblée l’idéologie ultra-libérale prônée par F.
C. Bastiat, L. V Mises, F. Hayek et M. Friedman dont la pierre de touche est la
« liberté économique » rendant du coup l’interventionnisme
étatique exceptionnel, car ce type de comportement induit par un Etat peut
restreindre les différentes libertés surtout celles conférées aux marchés selon
les tenants de l’idéologie ultra libérale.
Mesures sociales incontournables
La Constitution du Mali, en érigeant une République
sociale axée sur un « libéralisme classique » exige que l’Etat du
Mali se revête de tous les attributs d’un Etat social. Les principaux attributs
d’une telle organisation sociale sont :
La protection
sociale : elle exige la mise en place de filets sociaux de protection
qui sont principalement la retraite, les allocations familiales, l’assurance
maladie. L’assurance chômage et les minima sociaux dont la mise en place au
Mali va consacrer de manière certaine la naissance d’une vraie République
sociale.
Les infrastructures
et services publics : leurs développements et leurs entretiens
continus (pour les infrastructures publiques) et la production de services
publics sont les piliers du fonctionnement d’une République sociale. Le Mali,
sur ce plan, doit fournir de colossaux efforts pour mériter la qualification
d’un Etat social digne de ce nom.
La régulation du
marché du travail : dans un Etat social, l’interventionnisme étatique
doit conduire à créer les conditions d’épanouissement du travail (surtout pour
les ouvriers) ainsi que la protection des travailleurs contre les invectives
des propriétaires des capitaux. En plus, son intervention doit logiquement
tarir les licenciements abusifs que subissent au quotidien les travailleurs au
Mali. Et permettre à tous les travailleurs du secteur formel de bénéficier d’une
couverture sociale digne de ce nom.
La protection des
industries : dans un tel Etat, la protection des industries nationales
contre la concurrence déloyale extérieure doit être de mise.
Les politiques
économiques : se déclinant respectivement en politique budgétaire,
monétaire et de contrôle de prix, doivent toutes être sous le contrôle du
Gouvernement. Inutile de soutenir que dans le cas du Mali, la politique
monétaire est entièrement mise en œuvre par une autorité supra nationale et
indépendante. Ce qui rend impossible la mise sous tutelle de cette institution
et par ricochet rendant quasiment impossible l’utilisation de cette politique
dans le but de l’atteinte d’un objectif social quelconque de la part de l’Etat
malien. Ce qui est loin d’être le cas pour la politique budgétaire et celle de
contrôle des prix qui peuvent être toujours utilisées par l’Etat malien dans le
but d’atteindre des visées économiques socialement efficaces.
La Constitution du Mali, en ciblant le « bien-être
social » comme la pierre de touche de toute politique économique
pouvant être mise en œuvre au Mali cadenasse la porte à l’épanouissement de
toute idéologie ultra-libérale. Mais en même temps, dans le vaste champ du
« libéralisme classique », il ouvre la porte à un éclectisme en
termes d’approches idéologiques.
Madou CISSE
FSEG
1 commentaire:
Bonjour cher professeur !
La lecture de cet article nous met en l'aise.
Merci pour l'éclaircissement des idéologies économiques dans ce papier.
Si la constitution mise l'idéologie <> ,
nous pouvons aussi voir d'autres idéologies, comme vous l'avez
Cité dans cet article.
Je pointe carrément sur l'idéologie des libertariens.
Si cette politique nous permettra d'avoir le bien être collectif, ça va chez moi rue n'est mise en cause en ce moment.
Je suis cas même convaincu de quelque chose , l'État Malien devient omniprésent dans tout les activités économiques, il ne fera rien que d'en purer les choses.
Nous avons tous que laisse les gens de faire les activités est mieux de contrôler leurs comportements.
Enregistrer un commentaire