Série : Economie en question (N°13)

Coûts comptables ou coûts économiques ?

La concrétisation des activités économiques de consommation et de production exige des dépenses monétaires qui sont appelées charges ou coûts. Ces dépenses mesurées en monnaie sont la principale source des calculs comptables dont la justification passe par l’établissement de divers justificatifs dont des factures.

Les économistes aussi utilisent le même concept de coûts ; sauf qu’en économie, ce concept revêt le plus souvent des dimensions beaucoup plus larges que la seule dimension monétaire mise en avant chez les comptables. C’est pour cette raison que les économistes utilisent le concept de coûts économiques dans le but d’établir une différence nette entre leur acception du concept de coûts et celle des comptables qui s’appuient sur les coûts comptables.

Illustrons nos propos dans le but d’établir un net distinguo entre les deux acceptions du concept « coûts ». Supposons une entreprise A qui offre un bien en supportant des dépenses de montant X pour le fonctionnement normal mensuel de son processus de production. En plus, l’entreprise continue d’utiliser une camionnette de livraison pour laquelle elle ne peut plus faire des provisions pour amortissement (car déjà amortie au plan comptable). Mais les frais de location d’une camionnette équivalente sur le marché font Y.

A partir de l’illustration présentée supra, nous pouvons faire les remarques suivantes : le montant total dépensé par l’entreprise A pour couvrir son fonctionnement mensuel est nommé par les économistes de coûts explicites ; l’entreprise A paie réellement ces dépenses en question en émettant des chèques par exemple. Tandis que pour le montant Y, l’entreprise ne paie pas effectivement, c’est-à-dire elle n’émet pas de chèque. Mais pourtant ce coût existe pour les économistes. C’est pour cela que les économistes l’intègrent dans leurs calculs des coûts de l’entreprise A. Et il porte le nom de coûts implicites. Même s’il n’exige pas de sortie réelle d’argent, ce type de coûts existe. Donc, il faut l’intégrer dans les coûts de l’entreprise A. Le coût économique de l’entreprise A se compose d’un point de vue économique de deux (02) coûts, à savoir les coûts explicites X et les coûts implicites Y. Pendant que les comptables se limiteront exclusivement aux coûts explicites X seuls dans la présente illustration.

Les gains que l’entreprise A ne peut plus engranger pour le fait que l’utilisation dans le fonctionnement mensuel du montant X la prive d’une utilisation alternative dudit montant et combinés aux gains qu’elle devrait aussi avoir dans une utilisation alternative de la camionnette amortie sont nommés coûts d’opportunité.

Si les comptables se limitent aux coûts explicites, les économistes dans leurs analyses vont au-delà des coûts explicites en prenant en compte aussi les coûts implicites s’ils existent. Cela crée une différence majeure entre le concept de coûts selon que l’on soit comptable ou économiste. En plus des coûts explicites et implicites, les économistes tiennent comptent aussi d’un troisième type de coûts à savoir les coûts d’opportunité qui ne doivent être en aucun cas confondus avec les deux autres.

Madou CISSE

FSEG

 

Série : Economie en question (N°12)

Entre vendeurs et acheteurs qui supportent réellement le poids des taxes (la TVA par exemple) ?

Le dictionnaire Larousse définit la taxe comme « [un] Prélèvement à caractère fiscal, destiné à alimenter la trésorerie de l'État, d'une collectivité locale ou d'un établissement public administratif en contrepartie d'un service rendu aux administrés. »

Dans ce blog, je réponds à la question suivante : entre vendeurs et consommateurs qui supportent réellement le poids des taxes appelé dans le jargon financier l’incidence de la taxe ?

La réponse à cette question me semble importante, car elle dissipe des malentendus quant à l’incidence réelle des taxes. Il n’est pas rare d’entendre très souvent que c’est le consommateur final qui supporte l’incidence ou le poids des taxes, spécifiquement la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).

J’utilise la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comme base de démonstration dans le présent papier. Ce choix est motivé par le fait que cette taxe au Mali a représenté en 2021 la principale source des recettes fiscales avec 28% de celles-ci très loin devant les impôts sur les bénéfices des sociétés estimés à la même période à 16% des recettes fiscales. https://www.oecd.org/content/dam/oecd/fr/topics/policy-sub-issues/recettes-fiscales-mondiales/statistiques-recettes-publiques-afrique-mali.pdf .

Beaucoup de personnes, parmi elles des « professionnels » admettent que ce sont les consommateurs finals qui supportent l’incidence de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Effectivement, quand un consommateur achète par exemple un forfait Internet, il le paie toute taxe comprise (TTC). Donc, le montant payé par le consommateur inclut toutes les taxes dont la TVA. Et pour régler son achat de forfait Internet, le consommateur met effectivement la main à la poche. C’est cet acte effectué par le consommateur qui pousse certains observateurs à soutenir que c’est le consommateur final qui supporte toute la totalité de la TVA. Est-ce vrai que ce sont les consommateurs finals qui supportent tout le poids de la TVA ? Le lecteur de ce blog ne doit pas surtout confondre payer une taxe et supporter le poids d’une taxe (incidence). Oui le consommateur paie toute l’entièreté de la taxe facturée par le vendeur du forfait Internet. Mais est-ce que cela implique qu’il supporte la totalité de la TVA ainsi payée ?

Les économistes soutiennent que ce n’est pas celui qui paie la taxe ou qui fait le chèque pour les services des impôts (qu’il soit acheteur ou vendeur) qui supporte réellement l’incidence ou le poids d’une taxe. Ils soutiennent que l’incidence de la taxe dépend en réalité des élasticités prix de l’offre et de la demande des biens ou services soumis à la taxe – une élasticité prix mesure la réaction en pourcentage de la demande ou de l’offre à la variation en pourcentage du prix d’un bien ou d’un service donné.

Dans une telle perspective, le poids de la taxe ou l’incidence de la taxe est supporté principalement par le côté du marché (acheteur ou vendeur) qui enregistre la réaction à la variation du prix du bien ou du service la plus faible. En d’autres termes, le côté du marché qui est le moins élastique qui supportera réellement le poids le plus important de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Ce qui veut dire que les vendeurs ne peuvent pas répercuter tout le montant de la TVA sur le prix de vente si la demande du bien ou du service vendu est plus élastique que son offre. Dans une telle éventualité, le vendeur supportera une partie de la TVA en réduisant sa propre marge. Par contre dans le cas contraire (si la demande est moins élastique que l’offre), le vendeur dispose les coudées franches lui permettant de répercuter une frange importante de la TVA sur le prix de vente. Dans ce cas, c’est le consommateur qui supportera significativement la TVA. Dans tous les cas, il extrêmement rare de rencontrer des cas réels dans lesquels, seul le consommateur final supporte entièrement la totalité de la TVA. Cas qui ne se réaliseront que quand la demande est parfaitement inélastique (la demande du bien ou du service reste inchangée à toute variation du niveau du prix du bien ou du service).

Le développement présenté supra permet d’affirmer que : (1) penser que ce sont les consommateurs finals qui supportent la totalité de la TVA est un argument spécieux. (2) Celui paie la taxe n’est pas toujours celui qui supporte réellement le poids de la taxe. (3) Les autorités ne peuvent pas non plus imputer le poids d’une taxe de manière spécifique à un côté du marché (vendeurs ou acheteurs). (4) En définitive, l’incidence de la taxe dépend principalement de la distribution effective des élasticités prix de l’offre et de la demande sur les marchés.

Selon vous, une taxe exceptionnelle de 30% appliquée en même temps sur le prix du litre de l’essence et sur le ticket de concert de Faty Niamè KOUYATE peut-elle impacter les consommateurs dans les mêmes proportions ? Pourquoi ?

Madou CISSE

FSEG

 

Série : Economie en question (N°11)

Marché mondial de l’or : la quantité demandée a -t-elle augmenté ? ou c’est la demande qui a augmenté ?

Quand les économistes analysent les phénomènes économiques relatifs aux marchés, ils utilisent très souvent les expressions suivantes : « augmentation ou diminution de la demande » ; « augmentation ou diminution de la quantité demandée » ; « augmentation ou diminution de l’offre » et « augmentation ou diminution de la quantité offerte ».

Variation du prix une force motrice mais pas la seule

Si les économistes sont attentifs en s’exprimant, ils savent que ces expressions décrivent des réalités économiques distinctes. Ils vont toujours dire « augmentation ou diminution de la quantité demandée » respectivement « augmentation ou diminution de la quantité offre » pour décrire les conséquences d’une variation (augmentation ou diminution) du prix d’un bien ou d’un service sur les marchés réels. Tandis qu’ils vont dire « augmentation ou diminution de la demande » respectivement « augmentation ou diminution de l’offre » pour dépeindre l’impact de la variation de tout autre déterminant de la demande ou de l’offre d’un bien ou d’un service sur les marchés réels. Les conséquences ultimes de ce dernier type de déplacement peuvent conduire soit à un renchérissement du prix du marché soit à une diminution du prix du bien ou du service concerné.

De manière métaphorique, la variation du prix d’un bien ou d’un service peut être considérée comme un déplacement le long de la courbe de demande ou de celle de l’offre. Alors que le changement dans les autres déterminants (excepté le prix) se traduit par un déplacement parallèle soit de la courbe de demande soit de celle de l’offre pour tout niveau de prix donné.

Un déplacement sur le marché mondial de l’or

Actuellement le prix mondial du métal jaune est en train de battre tous les précédents records déjà établis. Le prix de l’once (soit 31,104 grammes) tutoie les 2.500 dollars US (soit 1.250.000 F CFA). Pourquoi une telle hausse ?

La hausse actuelle du prix mondial de l’or est principalement entretenue par une augmentation de la demande de ce métal occasionnée par les banques centrales du sud global (spécifiquement celles de la Russie, de la Chine et de l’Inde) qui sont en train de dédollariser leurs actifs au profit de l’or.

Un économiste qui interprète cette hausse inédite du prix mondial de l’once d’or présume d’abord qu’une telle hausse se fait à offre constante. Donc, la hausse du prix mondial est à chercher du côté de la demande. La préférence des banquiers centraux pour une « dédollarisation » de leurs actifs va être traduite par l’économiste comme un déplacement parallèle de « la courbe » de demande de l’or. Ensuite, l’économiste soutiendra qu’avec le même niveau d’or offert et le même prix de vente, toute hausse de la demande se traduira par une augmentation du prix du bien ou du service. C’est exactement ce qui s’est produit sur le marché mondial de l’or. Dans une telle situation, il dira tout simplement qu’une augmentation de la demande (et non une augmentation de la quantité demandée) due à un changement dans la préférence des banquiers centraux du Sud Global vis-à-vis du dollar a conduit à une hausse du prix du métal jaune.

En étant attentif, aucun économiste de métier ne dira que la hausse actuelle du prix mondial de l’once d’or est le résultat d’une augmentation de la quantité demandée d’or (c’est-à-dire un déplacement le long de la courbe de demande), mais plutôt un déplacement parallèle de la courbe de demande du métal jaune.

Madou CISSE

FSEG

 

La Constitution du 22 juillet 2023 du Mali dit stop à l’idéologie économique ultra libérale.

Je reviens dans ce papier sur les implications économiques de la nouvelle Constitution du 22 juillet 2023, un peu plus d’une année après son adoption.

La Constitution du 22 juillet 2023 : ses implications économiques

La lecture de la Constitution du 22 juillet 2023 permet de soutenir que les préoccupations économiques sont présentées de manière claire et précise. Déjà dans son préambule, la Constitution considère que la corruption et l’enrichissement illicite compromettent les efforts de développement du pays. A la suite de cette assertion, et toujours dans le préambule, l’objectif économique suprême y est précisé à savoir : promouvoir le bien-être social. Cet objectif est en parfaite conformité avec le contenu de l’article 30 où, il y est stipulé que le Mali est une République sociale. La concrétisation d’une telle république dans les faits passera logiquement par une implémentation réelle des dispositions contenues dans le 33ème article de l’actuelle Constitution qui considère que l’État prend les mesures nécessaires à l’effet d’assurer les principes de solidarité, d’égalité, de justice, de protection et d’intégration qu’impose la conception d’une République sociale.

Les libertés d’entreprise et de circulation des Hommes sont toutes garanties respectivement par les 13ème et 17ème articles.

Les modalités d’intervention de l’Etat dans les activités économiques octroyées par la Constitution du 22 juillet 2023 sont spécifiées par l’article 116. Cet article précise que par le truchement de la loi, les nationalisations d'entreprises, les dénationalisations et le transfert de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé ainsi que l'organisation de la production deviennent possibles au Mali.

L’analyse sous l’angle économique la Constitution du 22 juillet 2023 basée sur son contenu permet de soutenir que (1) le capitalisme n’est pas remis en cause ; (2) le libéralisme économique – se traduisant par la libre circulation des Hommes (du travail), des biens et services et du capital – est aussi accepté ; (3) l’interventionnisme étatique dans les activités économiques est envisageable ; et enfin (4) l’intégration économique n’est pas aussi remise en cause.

Une telle analyse la Constitution doit interpeller quant à l’ancrage philosophique et moral de l’idéologie économique prônée dans ladite Constitution.

Les idéologies économiques – physiocratie, mercantilisme, communisme, libéralisme, ultra-libéralisme etc. – ont toujours eu des fondements philosophiques et moraux. Le plus souvent, pour la même idéologie économique, il peut y avoir une diversité d’approches imputable au choix de la pierre de touche servant de mesure de la valeur de l’opportunité de la mise en œuvre ou pas d’une politique économique. Pour revenir à la Constitution du Mali, il y ressort clairement que la pierre de touche retenue est le « bien-être social » mis en évidence dès le préambule.

Le « bien-être social » sert d’étalon de mesure de toutes les politiques économiques pouvant être mises en œuvre au Mali, conformément à la Constitution définitivement adoptée le 22 juillet 2023. Le choix d’un tel étalon de mesure de l’efficacité des politiques économiques permet de soutenir que la Constitution du Mali prône une idéologie économique identique à celle du « libéralisme classique » défendue par A. Smith, J. Bentham et D. Ricardo. Des libéraux qui ont toujours prôné la libre circulation (des marchandises, du travail et du capital) et la nécessité de l’intervention étatique tant que ces politiques économiques sont susceptibles d’améliorer « le bonheur collectif ». Le choix du « bien-être social » comme référentiel de jugement de toutes les politiques économiques dans la Constitution du Mali écarte d’emblée l’idéologie ultra-libérale prônée par F. C. Bastiat, L. V Mises, F. Hayek et M. Friedman dont la pierre de touche est la « liberté économique » rendant du coup l’interventionnisme étatique exceptionnel, car ce type de comportement induit par un Etat peut restreindre les différentes libertés surtout celles conférées aux marchés selon les tenants de l’idéologie ultra libérale.

Mesures sociales incontournables

La Constitution du Mali, en érigeant une République sociale axée sur un « libéralisme classique » exige que l’Etat du Mali se revête de tous les attributs d’un Etat social. Les principaux attributs d’une telle organisation sociale sont :

La protection sociale : elle exige la mise en place de filets sociaux de protection qui sont principalement la retraite, les allocations familiales, l’assurance maladie. L’assurance chômage et les minima sociaux dont la mise en place au Mali va consacrer de manière certaine la naissance d’une vraie République sociale.

Les infrastructures et services publics : leurs développements et leurs entretiens continus (pour les infrastructures publiques) et la production de services publics sont les piliers du fonctionnement d’une République sociale. Le Mali, sur ce plan, doit fournir de colossaux efforts pour mériter la qualification d’un Etat social digne de ce nom.

La régulation du marché du travail : dans un Etat social, l’interventionnisme étatique doit conduire à créer les conditions d’épanouissement du travail (surtout pour les ouvriers) ainsi que la protection des travailleurs contre les invectives des propriétaires des capitaux. En plus, son intervention doit logiquement tarir les licenciements abusifs que subissent au quotidien les travailleurs au Mali. Et permettre à tous les travailleurs du secteur formel de bénéficier d’une couverture sociale digne de ce nom.

La protection des industries : dans un tel Etat, la protection des industries nationales contre la concurrence déloyale extérieure doit être de mise.

Les politiques économiques : se déclinant respectivement en politique budgétaire, monétaire et de contrôle de prix, doivent toutes être sous le contrôle du Gouvernement. Inutile de soutenir que dans le cas du Mali, la politique monétaire est entièrement mise en œuvre par une autorité supra nationale et indépendante. Ce qui rend impossible la mise sous tutelle de cette institution et par ricochet rendant quasiment impossible l’utilisation de cette politique dans le but de l’atteinte d’un objectif social quelconque de la part de l’Etat malien. Ce qui est loin d’être le cas pour la politique budgétaire et celle de contrôle des prix qui peuvent être toujours utilisées par l’Etat malien dans le but d’atteindre des visées économiques socialement efficaces.

La Constitution du Mali, en ciblant le « bien-être social » comme la pierre de touche de toute politique économique pouvant être mise en œuvre au Mali cadenasse la porte à l’épanouissement de toute idéologie ultra-libérale. Mais en même temps, dans le vaste champ du « libéralisme classique », il ouvre la porte à un éclectisme en termes d’approches idéologiques.

Madou CISSE

FSEG

 

Série : Economie en question (N°10)

La fin de l’arbitrage entre chômage et inflation : le chômage naturel

Est-ce qu’une économie qui atteint le plein emploi des facteurs de production peut réaliser un taux de chômage nul ? La réponse est non ! Pourquoi ? Parce qu’il existera toujours dans cette économie un chômage dit naturel qui ne peut être résorbé par les politiques économiques (budgétaire et ou monétaire).

Dans le présent blog, j’examine spécifiquement le chômage naturel. L’allusion à ce type de chômage dans la littérature scientifique des économistes américains fut faite pour la première fois par Edmund Phelps en 1967.

C’est le Professeur Milton Friedman en 1968 qui a réellement popularisé ce concept de chômage naturel. Il a toujours soutenu que l’arbitrage entre chômage et inflation n’est pas possible en raison de l’existence du chômage naturel. Contrairement au chômage conjoncturel qui peut être résorbé par une hausse de l’inflation, le chômage naturel ne peut être influencé (ni à la hausse et ni à la baisse) par l’inflation. Pendant les années fastes de l’hétérodoxie (la période des trente glorieuses), les autorités pouvaient arbitrer entre le chômage et l’inflation – relation mise en relief pour la première fois par l’économiste néo-zélandais Alban William Phillips en 1958 –.

Le chômage naturel est la résultante de trois (03) principaux types de chômage. Il s’agit du chômage structurel, du chômage frictionnel et du chômage saisonnier. Ces trois formes de chômage ne peuvent non plus être impactés par l’inflation des prix. Le chômage structurel dépend spécifiquement des structures de production de l’économie telles que la qualification des ressources humaines, le niveau des salaires, le droit du travail etc. Le chômage frictionnel capte le pourcentage des travailleurs (ouvriers et cadres) arrivés pour la première fois sur le marché du travail et ceux qui sont à la recherche d’un nouvel emploi ayant abandonné ou perdu le précédent pour des motifs autres que conjoncturels. Enfin, le chômage saisonnier est la conséquence immédiate de la baisse dans les embauches de travailleurs pour des raisons saisonnières. Par exemple au Mali, certains agents de la Compagnie Malienne de Navigation (COMANAV) doivent attendre la crue du fleuve Niger pour pouvoir travailler. Ces derniers ne travaillent pas durant toute l’année civile. Donc, ils expérimentent le chômage saisonnier.

En simplifiant l’analyse du concept « chômage », je retiens que le chômage est soit conjoncturel (ou chômage involontaire) soit naturel qui incorpore en première ligne le chômage structurel (ou chômage volontaire).

Madou CISSE

FSEG

 Série : Economie en question (N°9)

Récession, expansion, plein emploi et croissance économique, que faut-il retenir ?

Le plus souvent, les discussions économiques tournent autour des concepts de récession économique, d’expansion économique, de croissance économique ou de plein emploi économique. Quels liens peut-on établir entre ces quatre concepts ? En réalité, il n’y a pas de liens directs entre ces quatre concepts. Par contre, ils ont tous une relation directe avec un cinquième concept dans le développement des théories économiques orthodoxes. Ce concept est le produit potentiel d’une économie.

Tout est lié au produit potentiel

La production potentielle ou produit potentiel d’une économique représente la quantité de biens et services (PIB réel) qu’une économie peut produire quand elle utilise normalement tous ses facteurs de production disponibles à une période donnée.

Rembobinons le film pour mieux comprendre ce concept central dans la compréhension des quatre premiers précédemment cités. L’orthodoxie économique part du constat que toute économie dispose à tout moment un stock de facteurs – terre , travail et capital – qu’elle utilise pour produire les biens et services la soutenant dans marche vers le progrès. L’économie en utilisant de manière normale ses facteurs (sans excès et ni déficit) va se situer sur sa frontière de possibilité de production ou production potentielle.

Illustrons nos propos par un exemple. Supposons que tous les facteurs d’une économie hypothétique se limitent à un tricycle (Kata-Kata-ni) représentant tout le capital disponible dans cette économie et le travail fourni par son chauffeur. L’économie en question combine ces deux facteurs (capital et travail) pour offrir du sable qui est transporté sur une distance donnée. En admettant que le temps normal de travail de cette économie est de huit (08) heures par jour. Et une utilisation normale du tricycle pendant cette période de temps permet de livrer exactement sept (07) chargements de sable. La quantité totale de sable (PIB réel) ainsi transportée normalement porte le nom de produit potentiel de l’économie hypothétique en question.

De la récession à la croissance économique

Partant du potentiel de production de l’économie, il est possible d’inférer les quatre autres concepts pour notre économie hypothétique.

 Si l’économie transporte durant la période concernée cinq (05) chargements au lieu de sept (07) chargements. Une telle éventualité, où la production réalisée au sein de l’économie est inférieure à sa production potentielle est qualifiée de récession économique ou contraction des activités économiques. Dans une telle phase, l’économie enregistre des stocks de facteurs non utilisés ; si ce stock est relatif au travail, les économistes parlent de chômage conjoncturel.

Comment appeler la situation dans laquelle l’économie se voit livrer dix (10) chargements de sable au lieu de sept (production réalisée supérieure à la production potentielle) ? Cette situation est qualifiée d’expansion économique ou de boom économique. Elle se caractérise par une surexploitation des facteurs de production (le Kata-Kata-ni et le travail). Ce qui peut conduire à une envolée des prix des biens et services et à des accidents de travail funestes. C’est pour cela que cette situation et celle relative à la récession sont tant redoutées par les économistes.

Et si l’économie reçoit exactement sept (07) chargements de sable (égalité entre production potentielle et production réalisée) ? Dans cette éventualité, les facteurs de production (le Kata-Kata-ni et le travail) sont normalement utilisée et il n’y a pas de stocks de facteurs non utilisés dans l’économie. Une telle situation porte le qualificatif de plein emploi car tous les facteurs de l’économie sont pleinement utilisés. Et le chômage conjoncturel est nul dans cette situation.

Il y a croissance économique dans notre économie hypothétique quand le nombre de Kata-Kata-ni et le nombre de chauffeur augmentent, et que cette situation conduit à son tour à une augmentation de la quantité de sable transportée et en plus assure le bien-être des chauffeurs et les autres membres de l’économie.

Rencontre entre conjoncture et structure

Le développement fait supra permet de faire le distinguo suivant entre récession économique, expansion économique et plein emploi économique d’une part et la croissance économique d’autre part.

Les trois (03) premiers concepts de la liste sont liés à une évolution conjoncturelle de l’économie d’un pays donné. En entendant par le mot conjoncture à la suite d’Alfred Marshall citant Wagner « l'ensemble des conditions techniques, économiques, sociales et légales qui, dans un état de vie nationale fondé sur la division du travail et la propriété privée déterminent la demande et l'offre des biens.» Pendant que le dernier concept de la liste à savoir la croissance économique est lié à une évolution structurelle de l’économie. Et ce dernier concept est toujours rattaché à l’impact long termiste des facteurs de production sur le bien-être de l’économie.

Madou CISSE

FSEG

 

Série : Economie en question (N°8)

Le chômage est-il volontaire ou involontaire ?

Le clivage entre économistes orthodoxes et économistes hétérodoxes – spécifiquement les post-keynésiens – éclate dans toute sa splendeur quand il s’agit de déterminer la source du chômage. C’est en déterminant la source du chômage que les orthodoxes concluent que le chômage est généralement volontaire. Pendant que les post-keynésiens soutiennent qu’il est principalement involontaire. Pourquoi une telle divergence de conception pour un même phénomène économique ?

Le travail comme une marchandise

Les orthodoxes ont toujours considéré le travail comme une marchandise parmi tant d’autres. Suivant cette logique, le marché du travail devient une institution sociale qui est soumise à la loi de l’offre et de la demande comme tous les autres biens et services marchands. La soumission du travail à une telle loi – celle du marché – doit conduire forcément à l’établissement d’un prix d’équilibre qui devient logiquement le salaire réel du travailleur. Ce niveau de salaire établi sur le marché du travail et conformément à l’idéologie orthodoxe du fonctionnement des marchés, est un salaire concurrentiel.

C’est sur la base d’un tel raisonnement (axé sur le fonctionnement concurrentiel des marchés) que les orthodoxes soutiennent que le niveau de salaire établi sur le marché du travail qui est concurrentiel ne doit faire l’objet d’aucun ajustement d’une force extérieure au marché, même pas celle venant des autorités publiques. Si cette intuition se vérifie, l’intervention d’une force extérieure sur le marché ne fera qu’écarter (soit à la hausse soit à la baisse) le salaire réel du marché du travail de son niveau assurant donc le plein usage de ce facteur de production. Et un tel changement de salaire réel ne peut que conduire à la création d’un stock de travail qui ne peut plus être absorbé par le fonctionnement normal du marché du travail. Ce stock de travail qui est dorénavant non utilisé est appelé par les économistes orthodoxes « chômage volontaire ». Un tel chômage est dit « volontaire » parce qu’il est consécutif à l’invention d’une force extérieure au marché sur ce dernier. Cette force (Etat et ou syndicats) de manière délibérée pour ne pas dire volontaire a décidé d’intervenir sur le marché du travail en fixant par exemple un salaire plancher que d’aucuns appellent le salaire minimum, ou par des charges patronales importantes ou par des allocations de chômage généreuses etc. Le caractère volontaire du chômage peut aussi être dû au refus volontaire d’un ou des travailleurs de travailler au niveau de salaire réel fixé sur le marché à la suite d’un fonctionnement normal du marché de travail car ce ou ces travailleurs peuvent trouver que ce niveau de salaire réel établi sur le marché est faible, donc inférieur à leur disponibilité à offrir leur travail.

Le travail n’est pas une marchandise

Les hétérodoxes soutiennent que le facteur travail ne peut être logé à la même enseigne que les autres facteurs de production. Pour eux, même si marché du travail existe, il n’obéit pas aux conditions des marchés concurrentiels parfaits comme le prétendent les orthodoxes à cause des imperfections ou rigidités dont la principale est l’asymétrie d’information. Du coup, pour les économistes hétérodoxes, le chômage ne peut tirer sa source d’un mauvais fonctionnement du marché du travail. Mais plutôt que le chômage tire sa source d’une atonie du marché des biens et services. Dans une telle perspective, plus la demande des biens et services est importante plus les entreprises embauchent davantage pour faire face à la demande. Ce qui conduit à une baisse du stock de travail disponible dans l’économie. Cette situation de vitalité du marché des biens et services va réduire le chômage. Par contre, si sur ce marché la demande s’amenuise, l’embauche des entreprises s’affaiblit concomitamment ce qui conduit à une augmentation du stock de travail dans l’économie. Dans une telle éventualité, même si les travailleurs décident de travailler pour n’importe quel niveau de salaire, ils n’en trouveraient probablement pas. Donc, le chômage devient involontaire.

Et si… ?

Le chômage volontaire et le chômage involontaire sont deux visions antagonistes expliquant le même phénomène omniprésent dans nos économies contemporaines. Ces deux visions arrivent à deux conclusions diamétralement opposées. Car pour les orthodoxes, une hausse du niveau des salaires réels – toutes choses étant inchangées dans l’économie – conduit à une hausse du chômage en réduisant les emplois ; pour les hétérodoxes une hausse du salaire réel induit une baisse du taux de chômage par le truchement de l’ augmentation du revenu des travailleurs qui boostera par ricochet la consommation des ménages composante essentielle de la demande globale.

Si le chômage involontaire des hétérodoxes peut être qualifié de chômage conjoncturel, le chômage volontaire des orthodoxes est qualifié de chômage structurel. Toutes ces deux conceptions du chômage occultent le chômage frictionnel et le chômage saisonnier. Quelles relations pouvons-nous rétablir entre toutes ces formes de chômage et le chômage naturel ? La réponse à cette question fera l’objet une prochaine publication dans cette même rubrique « Série : Economie en question ».

Madou CISSE

FSEG

 

Contribution

Auteur : Dr Kalifa DIARRA  (Maître-Assistant-FSEG)

Analyse des Causes et Conséquences des Inondations au Mali en 2024 : Une Saison des Pluies Dévastatrice du début de la saison des pluies au mois août 2024.

Le Mali, un pays sahélien déjà confronté à de multiples défis socio-économiques, a été gravement touché en 2024 par une série d'inondations catastrophiques. Ces événements ont bouleversé la vie de milliers de Maliens, exacerbant les conditions de vie dans un contexte de vulnérabilité climatique accrue. L’année 2024 a marqué un tournant dans la perception de la gestion des risques au Mali, avec une saison des pluies qui s'est transformée en un cauchemar pour de nombreuses communautés.

Dans cet article j’explore les causes profondes de ces inondations récurrentes, leurs conséquences dévastatrices sur la population et sur l'économie, ainsi que les réponses apportées par le gouvernement pour faire face à cette situation d'urgence.

Causes des Inondations : Un ensemble complexe des causes de facteurs naturels et humains

Les inondations qui ont ravagé le Mali en 2024 résultent de la conjonction de plusieurs facteurs, à la fois naturels et anthropiques. Ces causes, bien qu'interconnectées, montrent l'ampleur du défi auquel le pays est confronté dans sa lutte contre les catastrophes naturelles.

-          Le Changement Climatique : Une Menace Croissante

Le changement climatique est sans doute l'un des principaux moteurs des inondations au Mali. Les modèles climatiques montrent que les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les pluies torrentielles, deviennent de plus en plus fréquents et intenses. En 2024, le Mali a subi des précipitations exceptionnellement abondantes, dépassant les moyennes saisonnières. Ces pluies intenses, combinées à des températures élevées, ont provoqué un ruissellement excessif des eaux de surface, saturant les sols et engorgeant les systèmes de drainage. Le changement climatique modifie également la répartition spatiale et temporelle des pluies, rendant difficiles la prévision et la gestion de ces événements.

-          Gestion Inadéquate des Infrastructures : Un Défi Structurel

La gestion des infrastructures au Mali, notamment dans les zones urbaines en pleine expansion, reste un défi majeur. Le développement rapide des villes, en particulier la ville de Bamako, a souvent été réalisé sans planification adéquate, entraînant une prolifération de constructions dans des zones à risque. Les systèmes de drainage existants sont souvent obsolètes ou mal entretenus, incapables de gérer les volumes d'eau générés par les fortes pluies. Les canaux de drainage bouchés, les routes mal conçues, et les habitations construites sur des terrains inondables contribuent tous à amplifier les impacts des inondations.

-          Pratiques d'Occupation du Sol : Une Déforestation et une Urbanisation Mal Gérées

Les pratiques d'occupation du sol au Mali jouent également un rôle crucial dans l'aggravation des inondations. La déforestation, principalement due à l'exploitation du bois et à l'agriculture extensive, a considérablement réduit la couverture forestière du pays. Les forêts, qui absorbent naturellement l'eau de pluie, ont été remplacées par des terres nues ou des cultures, augmentant le ruissellement et réduisant la capacité d'infiltration des sols. De plus, l'urbanisation rapide a conduit à l'occupation de zones autrefois non bâties, perturbant les écoulements naturels des eaux et augmentant les risques d'inondation.

Conséquences des Inondations : Un Impact Profond sur la Société et l'Économie

Les inondations de 2024 ont eu des répercussions profondes sur le plan humanitaire et économique au Mali. Les conséquences de cette catastrophe ont touché tous les aspects de la vie des Maliens, laissant des cicatrices durables dans les communautés affectées.

-          Conséquences Humaines : Des Vies Perdues et des Populations Déplacées

Les inondations ont touché 122 localités à travers 17 régions du Mali, ainsi que le District de Bamako. Environ 47 374 personnes ont été affectées, dont 7 077 ménages. Parmi ces victimes, 30 décès sont à déplorer, avec des chiffres particulièrement élevés à Ségou, Gao, et Bamako. Ces pertes humaines sont souvent le résultat d'effondrements de maisons, de noyades, ou de blessures causées par des débris emportés par les eaux. Outre les morts, 104 personnes ont été blessées, et de nombreux survivants ont été contraints de quitter leurs foyers, augmentant le nombre de déplacés internes dans un pays déjà fragilisé par des conflits.

-          Conséquences Économiques : Des Dégâts Matériels et des Pertes Agricoles

Sur le plan économique, les inondations ont causé des dommages considérables aux infrastructures, aux habitations, et aux terres agricoles. Des maisons ont été détruites, des routes coupées, et des ponts emportés par les eaux. Les pertes agricoles sont particulièrement préoccupantes, car elles menacent la sécurité alimentaire dans un pays où l'agriculture est la principale source de subsistance. Les cultures ont été submergées, les sols érodés, et les moyens de production anéantis, augmentant ainsi la dépendance du pays aux importations alimentaires et aggravant la pauvreté.

Réponse du Gouvernement : Une Mobilisation Institutionnelle et Financière

Face à l'ampleur de la catastrophe, le gouvernement malien a mis en place plusieurs mesures pour atténuer les effets des inondations et venir en aide aux populations sinistrées. Cette réponse s'articule autour de deux axes principaux : la mobilisation des institutions de gestion des crises et le soutien financier aux victimes.

-          Mobilisation des Dispositifs de Gestion des Crises

Le gouvernement a rapidement activé le Comité interministériel de Gestion des Crises et de Catastrophes, qui joue un rôle central dans la coordination des efforts de secours. Le Centre de Coordination et de Gestion des Crises, l'outil opérationnel du Comité, a été activé par la décision n°2024-000435/MSPC-SG du 30 mai 2024. Ce centre a permis de coordonner efficacement l'aide d'urgence, notamment en fournissant des vivres, des biens non alimentaires, et des abris temporaires aux ménages déplacés.

-          Soutien Financier et Logistique

En plus de la mobilisation institutionnelle, le gouvernement a débloqué 128 millions 595 mille 800 francs CFA pour l'assistance directe aux victimes, ainsi que 4 milliards de francs CFA supplémentaires pour renforcer le stock national de sécurité alimentaire et couvrir les besoins immédiats des sinistrés. Cette aide financière a été complétée par le relogement de 903 ménages dans des écoles, offrant ainsi un abri temporaire aux familles dont les maisons ont été détruites.

Les inondations de 2024 au Mali ont été un rappel brutal de la vulnérabilité du pays aux catastrophes naturelles, en particulier dans le contexte du changement climatique. Si le gouvernement a pris des mesures importantes pour répondre à l'urgence, ces événements soulignent la nécessité d'un renforcement des capacités de résilience à long terme. Cela implique non seulement une meilleure gestion des infrastructures et de l'urbanisation, mais aussi une adaptation des pratiques agricoles et une protection renforcée des écosystèmes naturels. Le Mali doit désormais s'engager dans une voie de développement plus durable, qui intègre la gestion des risques climatiques comme une priorité nationale pour éviter que de telles catastrophes ne se répètent à l'avenir.

 

Série : Economie en question (N°7)

Problème économique: Point de vue économique, une application au fonctionnement des universités privées et publiques du Mali.

Les historiens de l’économie font dater la science économique, malgré les précurseurs (mercantilisme et physiocratie), à la publication du livre d’Adam SMITH (philosophe et économiste écossais) en 1776 intitulé : « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations » mais plus connu sous le nom de la richesse des nations. Ce livre de SMITH va constituer une référence pour toute une génération des économistes. C’est ainsi que le 18è et 19è siècle se voient la succession de différentes théories économiques et des écoles de pensée (classiques, marxistes, keynésiens etc.) et depuis la question sur les problèmes économiques est devenue une préoccupation permanente, des explications alternatives sont apportées. Mais, les désaccords persistent parce que ces explications n’apportent pas toujours des réponses tranchées. Ces points de désaccord sont aux frontières de l’économie.

Désaccords des économistes : qui dit vrai ?

Dans les débats à la télévision, aux conférences, aux journaux, surtout dans les livres de sciences économiques, les économistes prennent position sur des questions de politique publique. Leurs désaccords portent sur leur perception du fonctionnement du monde, sur la façon dont ils décrivent l’économie et sur les conséquences qu’ils anticipent de certaines actions.

Généralement, les thématiques sur les problèmes politiques économiques reviennent régulièrement et débattues sont telles que : le libre-échange, le chômage, l’inflation, la croissance. Les décisions gouvernementales sont longuement discutées : on est pour ou contre la privatisation des entreprises étatiques, l’augmentation des impôts ou la modification du régime de pensions de vieillesse. Des experts commentent l’évolution des prix comme tels que les salaires, le taux d’intérêt, ou du taux de change.

Le néophyte s’y perd souvent dans ces discussions : les batailles de chiffres et d’experts sont rarement conçues pour l’aider à comprendre. L’organisation même de ces débats est déroutante puisque des vues opposées sont habituellement mises en présence. Un éminent invité avance plusieurs arguments en faveur du libre-échange tandis qu’un autre trouve autant de raison de s’y opposer ; la privatisation d’une société d’Etat est approuvée par un spécialiste et contestée par un autre intervenant réputé. Qui dit vrai ? Comment distinguer les opinions neutres, impartiales, objectives, des prises de position visant à défendre les intérêts d’un groupe de pression ?

Une familiarité minimale avec les concepts économiques peut aider la personne attentive à départager les intérêts en présence et à se former une opinion éclairée. Depuis des siècles, les économistes sont confrontés à des types de questions, presque toujours les mêmes et ils ont développé une approche originale pour y voir plus clair. Comment abordent-ils une question ? Quelles sont les forces et les faiblesses de leur grille d’analyse ? Quels en sont les concepts de base ? Un exemple simple fournit une amorce de réponse à ces questions et permet un premier contact avec le point de vue économique. Un problème économique commun : la rareté des ressources.

Tout problème économique découle de ce fait: les ressources sont rares et polyvalentes, satisfaire tous les désirs de tous est impossible. Il faut faire des choix d’allocation des ressources, qui excluent tout gaspillage (choix OPTIMAL).

A l’université de Bamako comme dans d’autres universités de la place, la confection de l’emploi du temps des étudiants est une source permanente de mécontentement. Peu d’étudiants ont un emploi du temps idéal, plusieurs ayant des cours du matin et tard le soir pendant toute la semaine (lundi au samedi). Pourtant, les responsables font de leur mieux. Comment expliquer une telle situation ?

La raison est très simple : le nombre d’amphithéâtre ou salles de cours est limité. Dans le langage des économistes, on dit que les ressources sont rares. Alors, il est impossible de satisfaire tout le monde en même temps. Faute d’amphithéâtres ou de salles de cours, la population étudiante ne peut pas suivre tous ses cours durant les périodes les plus en demande et on doit prévoir des cours à des heures qui conviennent peu. La rareté (le nombre insuffisant) des locaux contraint l’administration à faire des choix qui affectent le bien-être des étudiants à des degrés différents. C’est la présence de cette contrainte qui fait de la confection de l’emploi du temps un problème à caractère économique. Le problème de choix n’existerait pas si l’université disposait d’un nombre illimité d’amphithéâtres ou salles de cours ; la population étudiante pourrait alors suivre tous ces cours durant les périodes les plus convoitées. Le problème économique est de même nature : les ressources disponibles sont insuffisantes pour produire tous les biens que la société désire. Il faut choisir les biens qui seront produits et renoncer aux autres. Sans la contrainte des ressources rares, le problème économique disparait. La tâche des responsables de la confection de l’emploi du temps consiste à tirer le meilleur parti possible des locaux disponibles, à en faire une utilisation intelligente afin de maximiser le bien-être de la population étudiante.

La tâche de l’économiste est similaire : il veille à ce que la société exploite les ressources disponibles de manière à en retirer le maximum de satisfaction. Cette tâche comporte toutefois une difficulté majeure: il faut préciser ce qu’on entend par « satisfaction de la collectivité », qu’il s’agisse de la population étudiante ou de la société en général. L’analyse de politique repose sur une évaluation de leurs effets sur le bien-être collectif ?

M. Abdoulaye CAMARA

FSEG

 

Série : Economie en question (N°6)

Les principales causes de défaillance des marchés réels

Les autorités doivent-elles intervenir sur les marchés réels ? La réponse à cette question a toujours divisé les économistes. Pour J. E. Stiglitz le marché n’a pas de profil intrinsèque. Pendant que P. Krugman soutient que le marché est un bon organisateur des activités économiques. Dans ce cas, que faut-il alors retenir ?

L’économie mainstream quant à elle répond à la question soulevée supra par un grand non et un petit oui. L’orthodoxie économique soutient que l’immixtion des autorités dans le fonctionnement des marchés ne peut être justifiée que quand il y a défaillance de marché. Un marché est dit défaillant quand son fonctionnement ne permet pas d’atteindre le même niveau d’allocation des ressources qu’assurerait une structure de marché concurrentielle. Ce qui veut dire que le marché qui est défaillant fonctionne de manière inefficace – une moindre quantité produite à un coût supérieur au minimum du coût unitaire de production – par conséquent il crée toujours des manques à gagner par rapport au fonctionnement concurrentiel du marché.

Les principales causes de défaillance de marché ont été pleinement documentées dans la littérature économique. Elles sont au nombre de quatre (04). Ce sont elles qui contribuent à écarter significativement la structure de certains marchés spécifiques de l’organisation concurrentielle des marchés. Il s’agit de :

(1)   Les économies d’échelle. Quand le processus de production sur un marché donné obéit à la décroissance du coût unitaire de production. Il est préférable dans un tel cas de confier l’exploitation de ce marché à une seule entreprise qui portera le nom de monopole naturel. Comme une telle structure de marché s’écarte logiquement de la concurrence, il ne serait pas inopportun pour les autorités d’intervenir sur un tel marché dans le but d’améliorer l’efficacité d’un tel marché. Ce faisant, elles peuvent réduire la taille du manque à gagner qu’un tel marché génère par rapport à une structure concurrence parfaite.

(2)   Les externalités. Quand le comportement positif ou négatif d’un agent économique impacte d’autres agents pour lequel il n’y a pas de compensation. L’absence d’un mécanisme de compensation conduit toujours à créer un écart entre les coûts privés (supportés pour la production) et les coûts sociaux (supportés par la communauté). Dans une telle situation l’intervention dans le fonctionnement du marché est défendue par l’économie mainstream.

(3)   Les asymétries d’information. Quand il y a détention d’information privée par un ou des agents. Dans cette situation aussi, le marché s’écarte du fonctionnement concurrentiel. Et l’intervention extérieure devient salutaire pour la bonne marche du marché vers l’atteinte d’une certaine efficacité économique.

(4)   Les biens ou services publics/communs/de club. Quand la ressource concernée par l’analyse n’est pas privée (c’est-à-dire rivale et excluable) alors le fonctionnement du marché qui lui est associé ne peut plus être efficace. Dans ce cas aussi, l’intervention extérieure est permise.

En l’absence de ces causes de défaillance, l’intervention extérieure sur un marché réel n’est plus opportune. En intervenant malgré tout, non seulement l’objectif d’efficacité économique ne sera pas atteint, en plus l’intervention extérieure ne fera qu’empirer la situation. Le tableau dramatique que l’intervention extérieure dessinera se résumera à des hausses de prix consécutives à une baisse de la quantité offerte ; à un gaspillage des ressources de l’économie dont la principale est le temps et enfin, l’intervention conduira au développement de marché noir ce qui aboutira inéluctablement à une baisse des recettes de l’Etat interventionniste.

Ceci étant posé, pensez-vous que les autorités maliennes doivent-elles toujours intervenir sur les marchés de détails du sucre en poudre, du lait en poudre et de l’huile en fixant des prix plafonds ?

Madou CISSE

FSEG

Digitalisation des moyens de paiement : cas de la police, mieux vaut inciter que contrôler

Pendant que les économistes hétérodoxes à la suite de John Maynard KEYNES (1936) soutiennent que les agents économiques baignent dans des situations d’incertitude radicale – c’est-à-dire des situations d’incertitude non probabilisable – les économistes orthodoxes à l’image de Frank Knight (1921) pensent que les agents économiques évoluent plutôt dans des situations d’incertitude probabilisable ou risque.

Il y a incertitude et il y a incertitude

L’incertitude qu’elle soit radicale ou qu’elle soit probabilisable (ou risque) est unanimement acceptée par les économistes de tous les bords comme faisant partie des éléments à prendre en compte dans les analyses économiques. D’ailleurs, les conclusions de l’économie positive à ce sujet sont formelles. L’existence de l’incertitude n’annihile point la marche de l’économie vers l’efficacité productive ! Mais comme le dirait l’autre, le diable niche dans les détails. En réalité, toutes les situations d’incertitude ne se valent pas d’un point de vue purement économique. Certains types d’incertitude peuvent sérieusement perturber l’efficacité productive de l’économie.

Si l’incertitude ne handicape pas le fonctionnement normal des activités économiques, il s’agit bien évidemment des situations où l’incertitude est uniformément répartie entre les agents économiques. Ce qui supposerait qu’aucun agent ne dispose un avantage informationnel sur un autre. Dans une telle situation, tous les agents évoluent dans un contexte où l’information qu’ils détiennent est incomplète pour tout le monde. L’information qui manque aux uns manque exactement aux autres. Si sur le marché du miel, tous les agents (acheteurs et vendeurs) savent qu’il existe sur ce marché des miels de bonne qualité et de mauvaise qualité dans des proportions connues respectivement 60% et 40% par exemple. En plus, aucun agent en face d’une quantité de miel ne peut déterminer la qualité (bonne ou mauvaise). Sur un tel marché il y a incertitude mais uniformément repartie (car tous les agents baignent dans le même contexte informationnel incomplet mais uniformément réparti). Donc, ce marché fonctionnera efficacement d’un point de vue économique même si ceux qui auront la malchance d’avoir une part des 40% des miels de mauvaise qualité auront des regrets (heureusement que le regret ne rentre pas en ligne de compte dans la détermination de l’efficacité économique !)

A supposer maintenant que sur ce marché, les vendeurs connaissent précisément la qualité de leur miel (bonne ou mauvaise) mais pas les acheteurs. Dans cette configuration, l’incertitude existe sur le marché mais elle n’est plus uniformément répartie. Les vendeurs de miel détiennent des avantages informationnels sur les acheteurs ! Chaque vendeur connaît la qualité de son miel. Une telle incertitude n’est point favorable à l’efficacité économique. Et c’est cette forme d’incertitude qui est nocive à l’économie qui est appelée asymétrie d’information ou information privée.

La détention de l’information privée – ou asymétrie d’information – peut être relative aux caractéristiques cachées des biens ou services ou des agents dans de tels cas, les économistes parlent d’anti sélection (comme sur notre marché de miel hypothétique) ; si elle est relative à des comportements cachés (comme les efforts que peuvent fournir les vendeurs pour offrir du miel de bonne qualité), les économistes disent qu’il y a aléa moral.

Ces deux formes d’asymétrie d’information sont analysées par deux principales théories. La théorie du marché des « citrons » ou marché des voitures d’occasion développée par George Akerlof (1970) prend en charge les problèmes d’anti sélection. Tandis que la théorie de l’agence développée en 1976 par Michael C. Jensen et William H. Meckling s’intéresse à l'aléa moral.

La théorie de l’agence ramène le traitement des situations d’aléa moral à la relation qui existe entre un Principal qui confie l’exécution d’une tâche à un Agent.

Digitalisation des moyens de paiement et théorie de l’agence au Mali

La digitalisation est le procédé qui vise à transformer un objet, un outil, un process ou un métier en un code informatique afin de le remplacer et le rendre plus performant. https://www.alphalives.com/digitalisation.

Le vendredi 19 juillet 2024, la digitalisation de certains moyens de paiement a été lancée au Mali. Dorénavant, les maliens peuvent payer certaines prestations rendues par les administrations publiques en utilisant le système mobile money. Ces prestations sont les frais de cartes d’identité, les frais liés à l’octroi des actes d’Etat civil. Et aussi le paiement des contraventions qui sont exécutées par la Police Nationale.

La prise en charge du recouvrement des contraventions par la Police Nationale (idem pour le recouvrement des frais liés à l’octroi des actes d’Etat civil par les agents municipaux) génère des situations d’asymétrie d’information. Dans ce processus de digitalisation des paiements des contraventions, toute l’efficacité du recouvrement reposerait principalement sur les épaules des policiers une fois que toute la matrice de recouvrement au plan technique est mise en place. Ce cas précis des paiements ne se traduisant pas par « zéro contact » entre les usagers et les policiers constitue logiquement une situation d’aléa moral. Les policiers ont normalement un avantage informationnel (information privée) sur les autres acteurs par rapport aux difficultés encourues lors de l’exécution de cette tâche et bien d’autres éléments. Du coup, le comportement des policiers devient crucial dans l’atteinte de l’objectif d’efficacité assigné ! C’est dans un tel contexte d’asymétrie d’information que les préceptes de la théorie de l’agence deviennent opportuns.

Le Principal (les plus Hautes autorités) confie à l’Agent (la Police Nationale) l’exécution d’une tâche (le recouvrement des paiements des contraventions infligées). Alors, que doit faire le Principal pour que l’Agent aille exactement dans son sens de l’efficacité ?

D’emblée, la théorie de l’agence invalide la thèse de l’application de la contrainte ou de la coercition à l’égard de l’Agent. Par contre, le Principal doit mettre en place des mesures incitatives poussant l’Agent à lui mettre à sa disposition toute l’information privée qu’il détient. Dans cette dynamique, la théorie suggère comme solution idéale la franchise. C’est-à-dire que le Principal doit laisser à l’Agent toutes les recettes supplémentaires que ce dernier acquiert à la suite de tout effort supplémentaire fourni quand ce dernier inflige des contraventions au contrevenants. D’aucuns pourraient s’exprimer qu’une telle mesure est ultralibérale. Ils peuvent renchérir que nous ne sommes pas au pays de Javier Milei et que d’ailleurs la mise en œuvre effective d’une telle solution est quasiment impossible. Pardi ! Mais, la théorie garde toutes ses intuitions bienfaisantes ! A défaut d’être dans une stricte application des conclusions de la théorie de l’agence, le Principal doit tout mettre en œuvre pour inciter l’Agent afin de le pousser à agir dans son sens. Et pour cela, je propose la mise en place d’un pourcentage que l’Agent récupère sur chaque paiement de contravention réellement effectué. La mise en place d’une telle mesure incitative soulève d’autres questions telles que : quel est le niveau optimal d’intéressement que le Principal doit laisser à l’Agent ? Comment se fera le partage de ce montant entre les différentes composantes de l’Agent (la Police Nationale) ? Je pense sincèrement que si le Principal veut atteindre l’efficacité dans les paiements des contraventions il doit songer à la mise en place de mesures d’incitation appropriées si elles ne sont effectives.

Le « patriote » peut s’insurger contre de telles dispositions en proférant ses litanies préférées comme « mais l’Agent à un salaire non ? il doit avoir pitié de ce pays bon sang ! il est même déjà beaucoup payer pour le peu de travail qu’il exécute ». Ce même « Patriote » une fois confronté à la réalité de la circulation Bamakoise, et à supposer qu’il ait commis l’infraction suivante : « Non-respect du sens imposé à la circulation » et devant payer 2.500 F CFA (art. 10 décret 99-134) et qu’il propose 1.000 F CFA pour échapper à l’application « patriotique » de la loi ! Dans une telle situation que doit faire l’Agent ? Le « patriote » qui ne vit plus dans le virtuel n’est plus qualifié pour demander à l’Agent l’application de loi ! C’est en ce moment qu’il comprendra que « le patriotisme » est important, mais savoir que le monde réel est soumis à des forces naturelles importantes dont l’une d'elles se nomme aléa moral doivent aussi être prises en compte pour atteindre les objectifs fixés.

Série : Economie en question (N°5)

Théorie de la valeur : pourquoi le diamant a plus de valeur économique que l’eau ?

Le paradoxe de l’eau et du diamant a tenu en haleine les philosophes et autres penseurs de l’antiquité jusqu’à son dénouement définitif à la fin du 19ème siècle. Comment expliquer que l’eau qui est d’une utilité incontournable dans la vie des êtres organiques (plantes, animaux et Hommes) ait moins de valeur économique face au diamant qui n’a pas une si grande importance dans le maintien de la vie organique ? Voilà à travers cette interrogation toute la teneur du paradoxe ainsi posée ! Même avec la découverte de la valeur d’usage et de la valeur d’échange dont la paternité aurait été attribuée à Aristote l’énigme de la valeur économique des biens et services restera sans solution scientifiquement admise jusqu’à la naissance de l’école de pensée marginaliste.

Alors qu’est-ce qui fonde économiquement parlant la valeur d’un bien ou d’un service ?

Une approche objective de la valeur

Dans un premier temps, les économistes ayant été dans l’incapacité de trancher le paradoxe de l’eau et du diamant ont adopté une approche objective de la détermination de la valeur. Elle met l’accent sur une conception vénale de la valeur. Ce qui suppose qu’un bien ou un service qui n’est pas marchand n’a pas de valeur économique. Dans une telle perspective, c’est la valeur d’échange qui prime sur la valeur d’usage.

Les mercantilistes (16ème – 18ème siècles) sont les premiers penseurs à s’inscrire dans la défense de la valeur objective des biens et services au plan économique. Pour eux, la valeur des biens et services dépend principalement de la quantité de métaux précieux (or ou argent) qu’ils permettent d’acquérir. Les physiocrates (1750 – 1770) réfutant la théorie de la valeur des mercantilistes soutenaient que le principal fondement de la valeur des biens et services est la terre à travers l’agriculture qui était considérée par eux comme la source de toute valeur. Toujours en défendant l’approche objective de la valeur, A. Smith en 1776 après avoir réfuté les théories mercantiliste et physiocrate de la valeur dans son livre Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations allait insister sur le fait que seul le travail « direct » fondait la valeur des biens ou services. Pour lui, si par exemple, il faut 6 heures de travail pour produire un bien X et 2 heures pour un bien Y, alors le bien X aura trois fois plus de valeur que le bien Y. A sa suite, David Ricardo dans son ouvrage Des principes de l'économie politique et de l'impôt (1817) ajoutait qu’en plus du travail « direct », le travail « indirect » contribue à déterminer la valeur d’un bien ou d’un service. Par exemple, si pour produire les biens X et Y (cités supra), il faut maintenant respectivement 2 et 14 heures pour produire les capitaux servant à produire lesdits. En tenant compte des quantités de travail « indirect » ainsi retenues, c’est le bien Y qui aura 2 fois plus de valeur que le bien X. C’est cette même approche objective de la valeur qui a été défendue aussi par Karl Marx (1818 – 1883) l’élève de D. Ricardo. L’idéologue du socialisme a défendu lui aussi comme fondement de la valeur le travail des ouvriers face aux détenteurs des capitaux.

Pour boucler la boucle sur cette approche, en 1850, Claude Frédéric Bastiat dans son ouvrage Harmonies économiques tout en restant fidèle à l’approche objective de la valeur y précisait que la valeur dépendait exclusivement de la quantité d’efforts épargnés. Un tel positionnement de cet auteur sur la question du fondement de la valeur n’est pas sans nous rappeler le proverbe suivant « le chanceux vend de l’eau au bord du fleuve ». Ce qui peut être interprété que le chanceux en réalité ne vend pas l’eau, mais les efforts qu’il épargne aux acheteurs, efforts que ces derniers devraient déployer pour se fournir en eau.

Je constate que l’approche objective de la valeur exclut du champ de la valeur tous les biens et services qui ne sont pas marchands. Par exemple l’air pur, l’ensoleillement, les fleuves, les forêts etc. selon cette approche n’ont aucune valeur économique. Cette approche rend impossible l’estimation des biens et services publics qui ne sont pas vénaux. Ce sont ces insuffisances que l’approche subjective de la valeur a corrigées tout en résolvant le paradoxe de l’eau et du diamant.

Une approche subjective de la valeur

Le bal de cette approche a été ouvert par Jean B Say en 1803 dans son Traité d'économie politique. Pour cet auteur, c’est l’utilité qui fonde la valeur d’un bien ou d’un service. Cette conception de la valeur basée sur l’utilité qu’apportent les biens et services permet d’inclure dans la richesse d’une nation tous les biens et services pourvu qu’ils aient une utilité. Le triomphe définitif de cette approche fut atteint après les apports décisifs de l’école de pensée marginaliste.

Cette école y est parvenue en développant la théorie de l’utilité marginale. L’un des pionniers de cette école fut L. Walras. Dans son livre éléments d’économie politique pure (1896), soutenait que l’explication relative au fondement de la valeur à laquelle lui-même adhérait et défendue en premier par son père Antoine Auguste Walras (1801-1866) et Jean-Jacques Burlamaqui, (1694-1748) retenait l’utilité et la rareté. Pour ces auteurs, toujours selon L. Walras, la valeur économique des biens et services est toujours fondée par l’utilité et la rareté. Ce qui permet d’admettre que si deux biens ou services sont tous les deux utiles, celui qui enregistre un niveau de rareté le plus important aura dans ce cas plus de valeur.

En développant la théorie de la valeur utilité basée sur le concept d’utilité marginale, les marginalistes, pour paraphraser Joseph A. Schumpeter (1942), la théorie subjective de la valeur a définitivement enterré l’approche objective de la valeur. Par ricochet, elle résout aussi le paradoxe de l’eau et du diamant. Si le fondement de la valeur devient l’utilité et la rareté, il va de soi que le bien ou le service qui est le plus rare ait une utilité marginale plus élevée et par conséquent aura plus de valeur. Ainsi, l’eau qui est normalement plus abondante que le diamant aura forcément une utilité marginale plus faible que celle du diamant, et aura donc moins de valeur que ce dernier !

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