Contribution
Auteur : Dr Kalifa DIARRA (Maître-Assistant-FSEG)
Analyse des
Causes et Conséquences des Inondations au Mali en 2024 : Une Saison des Pluies
Dévastatrice du début de la saison
des pluies au mois août 2024.
Le Mali, un pays sahélien déjà confronté à de multiples défis
socio-économiques, a été gravement touché en 2024 par une série d'inondations
catastrophiques. Ces événements ont bouleversé la vie de milliers de Maliens,
exacerbant les conditions de vie dans un contexte de vulnérabilité climatique
accrue. L’année 2024 a marqué un tournant dans la perception de la gestion des
risques au Mali, avec une saison des pluies qui s'est transformée en un
cauchemar pour de nombreuses communautés.
Dans cet article j’explore
les causes profondes de ces inondations récurrentes, leurs conséquences
dévastatrices sur la population et sur l'économie, ainsi que les réponses
apportées par le gouvernement pour faire face à cette situation d'urgence.
Causes des
Inondations : Un ensemble complexe
des causes de facteurs naturels et humains
Les inondations qui ont ravagé le
Mali en 2024 résultent de la conjonction de plusieurs facteurs, à la fois
naturels et anthropiques. Ces causes, bien qu'interconnectées, montrent
l'ampleur du défi auquel le pays est confronté dans sa lutte contre les
catastrophes naturelles.
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Le
Changement Climatique : Une Menace Croissante
Le changement climatique est sans doute l'un des principaux moteurs des
inondations au Mali. Les modèles climatiques montrent que les phénomènes
météorologiques extrêmes, tels que les pluies torrentielles, deviennent de plus
en plus fréquents et intenses. En 2024, le Mali a subi des précipitations
exceptionnellement abondantes, dépassant les moyennes saisonnières. Ces pluies
intenses, combinées à des températures élevées, ont provoqué un ruissellement
excessif des eaux de surface, saturant les sols et engorgeant les systèmes de
drainage. Le changement climatique modifie également la répartition spatiale et
temporelle des pluies, rendant difficiles la prévision et la gestion de ces
événements.
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Gestion
Inadéquate des Infrastructures : Un Défi Structurel
La gestion des infrastructures au Mali, notamment dans les zones
urbaines en pleine expansion, reste un défi majeur. Le développement rapide des
villes, en particulier la ville de Bamako, a souvent été réalisé sans
planification adéquate, entraînant une prolifération de constructions dans des
zones à risque. Les systèmes de drainage existants sont souvent obsolètes ou
mal entretenus, incapables de gérer les volumes d'eau générés par les fortes
pluies. Les canaux de drainage bouchés, les routes mal conçues, et les
habitations construites sur des terrains inondables contribuent tous à
amplifier les impacts des inondations.
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Pratiques
d'Occupation du Sol : Une Déforestation et une Urbanisation Mal Gérées
Les pratiques d'occupation du sol au Mali jouent également un rôle
crucial dans l'aggravation des inondations. La déforestation, principalement
due à l'exploitation du bois et à l'agriculture extensive, a considérablement
réduit la couverture forestière du pays. Les forêts, qui absorbent
naturellement l'eau de pluie, ont été remplacées par des terres nues ou des
cultures, augmentant le ruissellement et réduisant la capacité d'infiltration
des sols. De plus, l'urbanisation rapide a conduit à l'occupation de zones
autrefois non bâties, perturbant les écoulements naturels des eaux et
augmentant les risques d'inondation.
Conséquences
des Inondations : Un Impact Profond sur la Société et l'Économie
Les inondations de 2024 ont eu des répercussions profondes sur le plan
humanitaire et économique au Mali. Les conséquences de cette catastrophe ont
touché tous les aspects de la vie des Maliens, laissant des cicatrices durables
dans les communautés affectées.
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Conséquences
Humaines : Des Vies Perdues et des Populations Déplacées
Les inondations ont touché 122 localités à travers 17 régions du Mali,
ainsi que le District de Bamako. Environ 47 374 personnes ont été affectées,
dont 7 077 ménages. Parmi ces victimes, 30 décès sont à déplorer, avec des
chiffres particulièrement élevés à Ségou, Gao, et Bamako. Ces pertes humaines
sont souvent le résultat d'effondrements de maisons, de noyades, ou de
blessures causées par des débris emportés par les eaux. Outre les morts, 104
personnes ont été blessées, et de nombreux survivants ont été contraints de
quitter leurs foyers, augmentant le nombre de déplacés internes dans un pays
déjà fragilisé par des conflits.
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Conséquences
Économiques : Des Dégâts Matériels et des Pertes Agricoles
Sur le plan économique, les inondations ont causé des dommages
considérables aux infrastructures, aux habitations, et aux terres agricoles.
Des maisons ont été détruites, des routes coupées, et des ponts emportés par
les eaux. Les pertes agricoles sont particulièrement préoccupantes, car elles
menacent la sécurité alimentaire dans un pays où l'agriculture est la
principale source de subsistance. Les cultures ont été submergées, les sols
érodés, et les moyens de production anéantis, augmentant ainsi la dépendance du
pays aux importations alimentaires et aggravant la pauvreté.
Réponse du
Gouvernement : Une Mobilisation Institutionnelle et Financière
Face à l'ampleur de la catastrophe, le gouvernement malien a mis en
place plusieurs mesures pour atténuer les effets des inondations et venir en
aide aux populations sinistrées. Cette réponse s'articule autour de deux axes
principaux : la mobilisation des institutions de gestion des crises et le
soutien financier aux victimes.
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Mobilisation
des Dispositifs de Gestion des Crises
Le gouvernement a rapidement activé le Comité interministériel de
Gestion des Crises et de Catastrophes, qui joue un rôle central dans la
coordination des efforts de secours. Le Centre de Coordination et de Gestion
des Crises, l'outil opérationnel du Comité, a été activé par la décision
n°2024-000435/MSPC-SG du 30 mai 2024. Ce centre a permis de coordonner
efficacement l'aide d'urgence, notamment en fournissant des vivres, des biens
non alimentaires, et des abris temporaires aux ménages déplacés.
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Soutien
Financier et Logistique
En plus de la mobilisation
institutionnelle, le gouvernement a débloqué 128 millions 595 mille 800 francs
CFA pour l'assistance directe aux victimes, ainsi que 4 milliards de francs CFA
supplémentaires pour renforcer le stock national de sécurité alimentaire et
couvrir les besoins immédiats des sinistrés. Cette aide financière a été
complétée par le relogement de 903 ménages dans des écoles, offrant ainsi un
abri temporaire aux familles dont les maisons ont été détruites.
Les inondations de 2024 au Mali ont été un rappel brutal de la
vulnérabilité du pays aux catastrophes naturelles, en particulier dans le
contexte du changement climatique. Si le gouvernement a pris des mesures
importantes pour répondre à l'urgence, ces événements soulignent la nécessité
d'un renforcement des capacités de résilience à long terme. Cela implique non
seulement une meilleure gestion des infrastructures et de l'urbanisation, mais
aussi une adaptation des pratiques agricoles et une protection renforcée des
écosystèmes naturels. Le Mali doit désormais s'engager dans une voie de
développement plus durable, qui intègre la gestion des risques climatiques
comme une priorité nationale pour éviter que de telles catastrophes ne se
répètent à l'avenir.
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