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Le protectionnisme au service d’objectifs politiques

Dans le précédent papier publié sur mon blog que le lecteur peut consulter à l’adresse suivante : https://cequejepensemali.blogspot.com/2025/01/temps-de-lecture-5-min-quand-le-47-eme.html, je promettais de répondre à la question suivante : que disent les préceptes de l’économie positive sur l’impact de la mise en place des mesures protectionnistes dans un pays? Dans le présent article la focale concerne les mesures tarifaires et plus spécifiquement les droits de douane sur les importations.

Mesures protectionnistes pour quels objectifs ?

Les mesures protectionnistes peuvent être tarifaires ou non tarifaires. Ces mesures peuvent viser les prix, les volumes ou les qualités des biens et services étrangers qui doivent être introduits sur un territoire national. Durant toute la période des trente glorieuses, les mesures protectionnistes avaient principalement des visées commerciales. Actuellement, ces mesures (surtout tarifaires) peuvent être mobilisées pour atteindre des objectifs politiques ou environnementaux ou écologiques.

La mise en œuvre des mesures tarifaires protectionnistes pour l’atteinte d’objectifs politiques est illustrée par les récentes mesures édictées par l’actuel Président américain à l’encontre du Canada et du Mexique. En voulant imposer toutes les importations américaines de biens et services provenant de ces deux pays frontaliers de 25%, l’administration américaine vise principalement une forte implication de ces deux pays dans la lutte contre l’immigration irrégulière et aussi en sus pour le Mexique une lutte sans merci contre le trafic de la drogue fentanyl qui est en train de faire des ravages aux Etats-Unis. Même si les déficits commerciaux américains vis-à-vis de ces deux pays et de la Chine sont abyssaux sur un déficit total estimé à près de 1.000 de dollars US en fin 2024 ; les mesures protectionnistes prises par l’administration américaine ont principalement des visées plus politiques (lutte contre l’immigration irrégulière) que commerciales ou économiques.

Protectionnisme : impacts

Dans le but de décrire les impacts prévus par l’économie positive suite à l’imposition d’une taxe sur les importations de biens et services étrangers, je considère (1) d’abord une économie ouverte – c’est-à-dire une économie commerçant sans entraves majeures avec le reste monde, comme le cas des Etats-Unis sous l’administration précédente où le taux moyen d’imposition des importations de biens et services était de 3% – (2) l’imposition de la taxe est supposée frapper tous les biens et services étrangers sans aucun ciblage de secteurs ou de filières spécifiques (comme veut le faire l’actuelle administration américaine vis-à-vis du Canada, du Mexique, de la Chine et de l’Union Européenne).

En situation d’économie ouverte (sans entraves majeures), le prix des biens et services sont bas et tendent vers leurs coûts unitaires de production. Dans ce contexte, les marges des entreprises nationales et étrangères sont faibles. La concurrence est rude et les gains des consommateurs sont importants. Le manque à gagner que génère une telle situation par rapport à la situation de référence qu’est la concurrence parfaite est faible. Dans une pareille économie, seules les entreprises efficaces (produisant au minimum de coûts pour le maximum d’outputs) peuvent émarger et rester sur les différents marchés.

L’imposition d’une taxe à l’encontre des importations étrangères peut réduire normalement l’offre étrangère ou si la distribution des élasticités entre offre et demande est plus favorable à l’offre qu’à la demande des biens ou services, les entreprises étrangères peuvent répercuter tout bonnement la hausse de la taxe sur leurs prix de vente. Dans les deux éventualités, cela conduira à une hausse des prix des biens et services à l’intérieur du pays (donc possibilité d’inflation). L’introduction de la taxe peut aussi ressusciter des entreprises nationales inefficaces. Ce réveil fouettera positivement la demande nationale de travail. Cette nouvelle situation réduit significativement les gains des consommateurs tout en restituant une partie des gains perdus par les consommateurs aux producteurs nationaux et étrangers capables de satisfaire la demande nationale qui ne resterait pas inchangée et qui baisserait du fait de l’augmentation du niveau moyen des prix. Un tel transfert de gains des consommateurs vers les producteurs passe par une amélioration des marges des derniers cités. Contrairement à la situation de l’économie ouverte, les manques à gagner de cette économie « fermée » deviennent très importants par rapport à la situation de référence qui est la concurrence parfaite.

Les Etats-Unis ont la faveur des arguments

Cet épisode d’imposition des droits de douane par l’actuelle administration américaine prouve que les taxes aux frontières visant les biens et services importés peuvent être utilisées pour atteindre des objectifs politiques. Mais que la mise en place d’un tel engrenage doit obéir à certaines réalités socio-économiques telles qu’être une puissance économique et militaire, avoir des déficits commerciaux importants vis-à-vis des pays concernés et surtout avoir une possibilité quasi illimitée de diversification de partenaires commerciaux tout en ayant aussi des marges de manœuvres importantes en termes de possibilité de production domestique. Tous ces critères mis bout à bout permettent de comprendre le pourquoi du comment du comportement de l’actuelle administration américaine. En définitive, cet épisode doit aussi permettre de comprendre en creux qu’un pays pauvre ne peut pas s’offrir un luxe de défier sempiternellement par l’usage de droits de douane ses différents partenaires commerciaux.

Madou CISSE

FSEG

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très bon éclaircissement de la situation. Quelles sont les forces et faiblesses de l’AES vis à vis de la CEDEAO

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