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L’augmentation de la TARTOP peut-elle être répercutée par les opérateurs maliens de télécommunication ?

Les Etats, qu’ils soient monarchiques, despotiques ou républicains ont de tout temps lever des impôts et des taxes pour assurer leurs obligations régaliennes et tutélaires.

Le « pouvoir » hors norme du marché en matière de taxe

L’économie positive soutient que la mise en œuvre d’une taxe exige la maîtrise de quatre « pouvoirs » qui sont : (1) la détermination du taux de la taxe ; (2) la détermination de l’assiette de la taxe ; (3) la désignation de l’agent économique qui doit payer le montant de la taxe (4) la détermination l’incidence de la taxe.

En suivant les préceptes de l’économie positive, il est admis et démontré que les Etats disposent les coudées franches quand il s’agit de fixer le taux, de déterminer l’assiette et l’agent qui doit payer les taxes qu’ils mettent en place. Malheureusement, pour les Etats, ils ne disposent d’aucun pouvoir quant à la fixation de l’incidence des taxes qu’ils mettent en place. En d’autres termes, aucun Etat ne peut fixer préalablement de manière certaine la répartition du poids d’une taxe entre les deux participants aux transactions économiques à savoir les acheteurs et les vendeurs. Ce pouvoir échoit principalement aux forces du marché, en une phrase aux lois de l’offre et de la demande. Seules les forces du marché déterminent qui des consommateurs ou des producteurs supporteront quels poids ou incidence d’une taxe instaurée.

Le marché pour déterminer l’incidence d’une taxe s’appuie sur l’élasticité de la demande du bien ou du service – la sensibilité de la quantité demandée d’un bien ou d’un service à la variation de son prix unitaire de 1% toutes choses égales par ailleurs – soumis à la taxe. Si la demande est élastique au prix les producteurs supporteront plus le poids de la taxe que les acheteurs. Dans une telle éventualité, les premiers cités ne peuvent répercuter qu’une infime partie de la taxe sur leurs prix de ventes. Ils supportent l’incidence en réduisant leurs marges bénéficiaires. (dans le cas théorique extrême des demandes parfaitement élastiques, les producteurs supporteront l’entièreté de la taxe qui sera ponctionnée dans leurs marges). Par contre, si la demande est inélastique au prix du bien ou du service, l’incidence de la taxe est supportée majoritairement par les acheteurs (dans le cas théorique extrême des demandes parfaitement inélastiques, les acheteurs supporteront l’entièreté de la taxe). Dans le cas théorique d’élasticité de la demande prix unitaire, les vendeurs et les acheteurs supporteront l’incidence de la taxe fifty-fifty.

Quid de la TARTOP ?

Dans le communiqué du Conseil des Ministres du 05 février 2025 (CM N°2025-06/SGG), les autorités de la transition du Mali sur un rapport du Ministre de l’Economie et des Finances, ont adopté un projet de loi portant modification de la Loi n°06-067 du 29 décembre 2006, modifiée, portant Code général des Impôts. Spécifiquement, le Conseil des Ministres a adopté un projet d’ordonnance qui modifie le Code général des Impôts en augmentant de 2% le taux de la Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications Ouvert au Public (TARTOP) initialement fixé à 5%.

En fixant ce nouveau taux de la TARTOP à 7%, comme le prévoient les préceptes de l’économie positive, les autorités maliennes ont usé des trois (03) pouvoir dont elles sont détentrices en matière de fiscalité, à savoir (1) fixer à 7% le taux de la TARTOP ; (2) déterminer l’assiette de ladite taxe (le chiffre d’affaire global hors taxes des opérateurs télécom) (3) l’agent économique qui doit faire le chèque ou le virement bancaire pour le fisc : elles ont désigné les opérateurs télécom pour cela. Ce que les autorités de la transition a priori ne peuvent fixer, c’est l’incidence de cette taxe c’est-à-dire qui entre consommateurs et opérateurs doivent supporter combien pourcent des 7% de la TARTOP. Seuls les marchés des télécoms (voix, Internet, sms) ont ce pouvoir dans un contexte de marché soumis à la concurrence.

Les marchés des télécoms au Mali

Le marché des télécoms compte trois (03) opérateurs de réseaux mobiles (Orange Mali, SOTELMA et ALPHA TELECOM). Ces opérateurs évoluent tous sur le marché de la télécommunication voix mobile, sur celui du fixe et sur celui de l’Internet mobile et fixe et du SMS. En fin 2022, le chiffre d’affaire global toutes taxes comprises qu’ils ont déclaré auprès de l’autorité de régulation faisait 586 milliards. Ce chiffre d’affaire est archi dominé par les recettes issues du marché de la télécommunication voix mobile à hauteur de 94%.

Le prix du marché de la voix mobile est régulé et fixé par l’autorité malienne de régulation des télécoms à 80 F CFA la minute (prix plafond). Celui de l’Internet est libre.

Dans un tel contexte, une augmentation de la TARTOP ne peut induire aucune nouvelle incidence pour les consommateurs sur le marché de la voix mobile car le plafonnement du prix unitaire sur ce marché rend impossible toute répercussion sur le prix de ce service. Le plafonnement du prix unitaire de la communication voix mobile suspend automatiquement le pouvoir que peut avoir le marché de répartir le poids de la TARTOP entre les consommateurs maliens et les opérateurs télécom.

C’est sur le maché de l’Internet que les opérateurs peuvent avoir une certaine latitude de répercuter une partie de l’augmentation de la TARTOP sur les prix des forfaits. Même là, comme les préceptes de l’économie positive le présentent clairement, seules les forces du marchés à travers l’élasticité prix de la demande de ce service fixent le niveau des incidences pour les opérateurs télécoms et les consommateurs maliens.

Madou CISSE

FSEG

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