Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Temps de lecture : 9 min

Les nouvelles taxes au Mali tuent-elles les taxes ?

Pour se soustraire des aides, des dons de l’extérieur, un nombre croissant de pays africains ont jugé nécessaire de reformer leurs politiques fiscales afin de mobiliser suffisamment de ressources à l’interne pour faire face avec efficacité à leurs obligations régaliennes.

Dans le cas du Mali, les autorités de la transition ont décidé de taxer davantage les services du secteur des télécommunications et des services financiers numériques (le mobile money).

Alors que « la fiscalité joue un rôle central dans le processus de développement des nations », les pays en développement cherchent à accroître le niveau de ces ressources, ce qui entraîne une augmentation de la pression fiscale qui affecte le comportement des contribuables. Ainsi, le développement du comportement de conformité fiscale des contribuables reste également un instrument à privilégier.

De Ibn Khaldoun à Arthur Laffer

L'idée que « trop d'impôt tue l'impôt » ou que « le taux d’imposition mange l'assiette » est ancienne. Elle remonte au 14è siècle avec les écrits d’Ibn Kaldoun qui soutenait que plus le taux d'imposition est élevé moins l'État perçoit de recettes du fait de la non-conformité des contribuables. Au-delà d'un certain niveau, lorsque l'impôt dépasse ce qui est acceptable pour le contribuable, l'impôt devient une charge déraisonnable. M. Friedman (1948) arrivait à la même conclusion, qui affirme qu'une pression fiscale plus élevée réduit directement le revenu disponible du contribuable.

Mais il revient à l'économiste américain Arthur Laffer, dans les années 1970, d'avoir tenté de théoriser ce qu'il nommait « l'allergie fiscale », et de l'avoir popularisée à l'aide de la courbe qui porte son nom. Cette fameuse courbe (qui aurait été tracée par Laffer pour la première fois sur une nappe d’un restaurant) qui porte désormais son nom décrit l'évolution des recettes fiscales en fonction du taux marginal d'imposition (recette supplémentaire générée par une augmentation d’une unité supplémentaire du taux d’imposition). Il montre quun taux d'imposition nul entraîne des recettes fiscales nulles de l’Etat, tandis qu'une augmentation du taux d'imposition marginal entraîne des recettes fiscales supplémentaires. En revanche, lorsque le taux atteint un certain niveau (taux d’imposition optimal) cependant, toute nouvelle majoration réduit les rentrées fiscales. Ce phénomène s'explique par le fait qu'un taux d'imposition élevé constitue un frein important à l'acquisition et à la déclaration de revenus imposables. La réduction du taux marginal d'imposition pourrait par conséquent accroître les recettes fiscales.

Le principal enseignement de la courbe de Laffer soutient que l’augmentation des taux d’imposition ne s’accompagne pas, nécessairement, d’une augmentation des ressources fiscales. Le corolaire d’un tel enseignement conduit à affirmer que des taux de taxation élevés favorisent la fraude et l’évasion fiscale, et par conséquent, donc les contribuables vont être dirigés vers des comportements de corruption. Inversement, un faible recouvrement fiscal conduit à des coûts financiers élevés en termes de contrôle fiscal, et donc un rythme faible de collecte des recettes fiscales.

Une revue de littérature aux résultats ambigus

En Afrique, au cours de ces dernières décennies, les services téléphoniques et argent mobile sont devenus une nouvelle source de recettes fiscales. Actuellement, 15 pays africains ont introduit des taxes sur l’argent mobile et d’autres services financiers numériques (SFN). Ces pays taxent souvent plus lourdement que les autres services financiers et les taux d’impositions varient d’un pays à un autre comme les taux effectifs également liés du montant de la transaction. Dans ces pays africains à faible revenu, les critiques craignent que ces taxes ne freinent la croissance des services téléphonie et argent mobile n’exercent un impact disproportionné sur les ménages aux revenus les plus faibles.

Sous l’effet de pressions budgétaires ou politiques, les taxes sur les SNF ont été conçues à la hâte dans certains pays africains. Sans surprise, les résultats ont souvent été critiqués et ont tous connu des modifications précoces de leurs taxes sur les SFN.

Selon l’étude de Akol et Lees (2021), En juillet 2018, l’Ouganda a instauré une nouvelle taxe sur la valeur des transactions d’argent mobile. Cette taxe a été introduite rapidement, sans suivre le processus habituel d’élaboration des politiques fiscales. Entre autres défauts de conception, le dépôt, l’envoi, la réception et le retrait d’argent étaient initialement taxés séparément, ce qui entraînait de multiples couches d’imposition sur chaque paiement. Cette nouvelle taxe est venue s’ajouter aux taxes générales existantes sur les frais de l’argent mobile, introduites pour la première fois en 2013. Face aux protestations généralisées et à la forte pression politique, le gouvernement a fait marche arrière en novembre 2018, abaissant le taux et limitant l’assiette de la taxe aux retraits.

Pour Noah et Tacneng (2024), au Cameroun, l’Etat a imposé une taxe de 0,2 % uniquement sur la valeur des transactions d’argent mobile, les banques étant exemptées. Malgré un taux d’imposition apparemment modeste, les prestataires d’argent mobile ont connu une baisse significative de leur rentabilité. Cela a été particulièrement le cas pour les agents traitant des montants plus importants d’argent mobile et des valeurs de transaction plus élevées.

Au Ghana l’impact est plutôt mitigé. Selon les études réalisées par Anyidoho et al. (2022) ; Abounabhan et al. (2024) ; Scarpini et al. (2024) ; Carreras et al. (2024), Tout d’abord, les 100 premiers cedis transférés chaque jour par un utilisateur sont exonérés de la taxe. Cela a rendu le prélèvement plus progressif en réduisant son impact sur les personnes à revenu modeste. Cependant, les personnes à faible revenu travaillant dans le secteur informel et devant effectuer des transactions très fréquentes sont toujours fortement touchées, et la connaissance limitée de l’exemption empêche de nombreux utilisateurs d’en tirer le meilleur parti. Ensuite, afin d’encourager une plus grande formalisation, sont exonérés les paiements aux commerçants qui sont enregistrés en tant qu’entreprises à la fois auprès des prestataires d’argent mobile et de l’administration fiscale du Ghana.

Les nouvelles taxes instaurées au Mali sont-elles au-dessus du seuil de taux d’imposition optimal désigné par Laffer comme le niveau d’imposition pouvant assurer le niveau maximal des recettes fiscales ? Seul le temps pourra répondre à cette interrogation. Ce qui est sûr, les nouvelles taxes sont loin de faire l’unanimité au sein de la population malienne quant à leur utilité et leur opportunité.

M. Abdoulaye CAMARA

Temps de lecture : 3min

Série : Economie en question (N°21)

Pourquoi la courbe d’offre de biens et services est-elle inclinée vers le haut ?

Le référentiel sacro-saint de l’économie de marché est le marché tant que faire se peut. Le marché sous-entend la confrontation pérenne entre offre et demande.

L’existence du marché des biens et services exige que la disponibilité à acheter des consommateurs soit toujours supérieure ou égale à la disponibilité à vendre des vendeurs. Sinon, l’existence du marché est entière compromise. Si les économistes admettent qu’en arrière-plan de la demande des biens et services il y a les utilités marginales des consommateurs et que cette présence explique généralement l’allure décroissante des courbes de demandes (le lecteur intéressé peut voir ma publication sur cette thématique à l’adresse suivante : https://cequejepensemali.blogspot.com/2024/11/serie-economie-en-question-n15-pourquoi.html ) ; alors qu’est-ce qui explique l’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services ?

Le vendeur accepte toujours de vendre son bien ou son service tant que le gap entre son prix de vente (ou sa disponibilité à vendre) et les disponibilités à acheter des consommateurs demeure positif ou nul. Généralement, sur les marchés des biens et services libres de toutes entraves, la disponibilité à vendre de chaque unité produite est mise en regard du coût supporté pour produire l’unité en question. Et dans les processus de production (sauf en cas de présence d’économies d’échelle ou d’autres formes de défaillances de marché majeures) le coût de production de chaque unité supplémentairement produite augmente au fur et à mesure que le vendeur augmente son échelle de production. En réalité, c’est cette dynamique d’augmentation de coût de chaque unité supplémentaire que d’aucuns appellent coût marginal de production qui explique l’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services. Car en creux, la disponibilité à vendre du vendeur intègre toujours ce coût marginal de production.

L’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services a comme arrière-plan la croissance du coût marginal de production de chaque unité supplémentaire produite. Tant que ce coût croitra, la courbe d’offre sera toujours inclinée vers le haut. Et par voie de conséquence, le prix de vente du bien ou service augmentera aussi. C’est partant d’une telle liaison entre la quantité produite et le coût marginal de production que les économistes admettent la définition suivante du concept de l’offre de biens et services : les quantités de biens ou de services que les producteurs désirent vendre pour tout niveau de prix donné (donc, de coût marginal donné si le marché est concurrentiel pur et parfait).

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

La création monétaire est-elle endogène ou exogène ?

Au début du 19è siècle, cette question a fait l’objet d’une controverse célèbre à l’occasion du débat entre Currency School (école de la circulation) et Banking School (école de la banque). De nos jours, elle est réapparue dans l’opposition entre le multiplicateur de crédit et diviseur de crédit. Et, plus récemment, dans l’opposition entre l’économie d’endettement et l’économie de marché. Ces deux écoles de pensée économique s’opposent sur la règle d’émission de la quantité de monnaie en circulation par la Banque centrale.

Banking school versus Currency school

Dès la fin du 18è siècle, en Angleterre, deux interrogations principales vont susciter l’attention des économistes et les banquiers :

-          Comment peut-on réguler l’offre de monnaie en Angleterre et in fine dans tous les pays qui connaissent un régime d’étalon or ?

-          De quelle nature est la monnaie ? 

Ces interrogations résultent du Bank Restriction Act de 1797 qui fait naitre la controverse bullioniste dont l’enjeu était le suivant : la suspension de la convertibilité en or des billets de la banque d’Angleterre suite à l’acte de 1797, est-elle responsable de la hausse du prix de l’or (qui devient supérieur à la valeur de la monnaie, en d’autres termes il y a une dépréciation monétaire) et de la hausse du prix des marchandises autrement dit est-elle responsable de l’inflation ? Dès 1810 est publié le Bullion report sur les causes de l’inflation, une controverse s’est développée à propos de l’émission de monnaie dans le cadre du régime de l’étalon-or.

Pour simplifier, ce débat va se poursuivre et se retrouver dans les discussions qui opposent deux écoles : la Currency School représentée par David Ricardo et la Banking School par Thomas Tooke dont leurs positions antagonistes vont aboutir à l’énoncé de deux principes : le principe de la circulation (Currency Principle) et le principe de la banque (Banking Principle)

Le « Currency Principle »

La préoccupation de l’école de la circulation, dont le chef de file est D Ricardo, est de maintenir stable la valeur de la monnaie et donc de contrôler sa création, selon le principe de la Théorie Quantitative de la Monnaie (TQM).

Pour Ricardo et les tenants de « l’école de la circulation » considèrent que la quantité de billets émis par la banque centrale doit être intégralement couverte par des encaisses or. Concrètement, la quantité de billets en circulation doit donc être limitée. La création de monnaie par les banques est donc vue comme pouvant générer le risque d'une inflation. L'émission de monnaie doit être proportionnelle à l’encaisse métallique (principalement l’or) détenue dans les réserves de la Banque Centrale pour éviter le risque d’une dépréciation lorsqu’elle est émise en quantité trop élevée. Dans le contexte du système de libre-convertibilité de l’étalon-or de l’époque, les tenants de cette analyse voyaient aussi le risque que les banques ne puissent répondre à la demande des clients souhaitant échanger leurs billets contre de l'or. L’épisode de la faillite de la banque Law à la fin du XVIIIème siècle a illustré ce type de risque.

De ce principe découle le constant suivant : la monnaie en circulation est mixte. En effet, elle est composée d’or, de billets convertibles en or (c’est-à-dire que ces billets sont émis pour un montant qui reflète les variations du stock d’or), et de billets inconvertibles (qui prennent la forme de papier monnaie émis par l’Etat). Les billets de la banque d’Angleterre sont donc assimilés à de la monnaie métallique : M (la masse monétaire) varie en fonction de la quantité d’or dont dispose le pays. Mais d’où provient cet or dont dispose le pays ? En fait, le raisonnement de ce principe s’applique à des pays ayant chacun un régime d’étalon-or. Si bien que la quantité de métal disponible va dépendre des entrées ou des sorties d’or qui traduisent la situation des échanges extérieurs de la nation.

A l’inverse de cette position, l’économiste britannique Thomas Tooke, remarque dans l’analyse du principe de l’école de la circulation une confusion entre monnaie et crédit. En effet, le currency school considère que la monnaie métallique (l’or) et les billets inconvertibles sont de la monnaie ; mais il considère également que les billets convertibles sont de la monnaie. Or ces derniers sont aussi des instruments de crédit au même titre que les dépôts mobilisables par chèques.

Par ailleurs, les billets convertibles émis en contrepartie d’opérations de crédit (c’est-à-dire pour répondre aux besoins de liquidité de l’économie) doivent ils être soumis aux règles que celles concernant l’émission de la monnaie fiduciaire ? Doivent-ils être soumis au principe de circulation ?

La réponse par la négative à cette question va être caractéristique des partisans de l’école de la Banque qui vont définir le « Banking Principle »

Le « Banking Principle »

Pour Tooke, et les tenants de l’« école de la banque », la hausse des prix en Angleterre ne s’explique pas par la suspension de la convertibilité or des monnaies mais par des causes réelles liées à la guerre avec la France. Cette guerre a en effet interrompu les échanges et perturbé les récoltes. Autrement dit l’économie est perturbée par la guerre qui provoque une augmentation des prix qui s’accompagne quant à elle d’un accroissement de la monnaie en circulation. Pour résumer, l’inflation n’a pas de causes monétaires mais à de causes réelles. C’est un raisonnement inverse à celui de l’école de circulation, car toute hausse de M (masse monétaire) entraine une augmentation de P (niveau général de prix) alors que pour l’école de la banque la causalité est inversée car c’est l’augmentation de P qui s’accompagne d’une hausse de M.

L’école de la circulation estime qu’on ne peut pas faire dépendre l’émission de monnaie de la quantité d’or disponible car cette quantité dépend de facteurs qui ne sont économiques et qui sont liés à l’extraction de l’or et ses aléas. L’émission monétaire doit se faire en fonction des besoins de l’économie c’est-à-dire l’occasion d’opérations de crédit (opérations d’escompte). C’est pour cette raison qu’on admet que l’école de la banque a une conception endogène de l’offre de monnaie.

Il y a donc chez l’école de la banque une véritable distinction entre monnaie et crédit. Seuls l’or et les billets inconvertibles peuvent être considérés comme de la monnaie. De ce fait les billets convertibles et ce qu’on appelle aujourd’hui les dépôts en compte courant utilisés pour les paiements scripturaux ne sont que des instruments de crédit. Ils ne sont émis que parce qu’il y a une demande préalable des agents économiques c’est à dire une demande de crédit. Cette demande est fonction de l’activité économique. Même si la monnaie qui circule est uniquement métallique, il faut faire en sorte que le crédit puisse s’adapter aux besoins de l’économie. Ceci implique que pour les tenants de la Banking school il peut y avoir un contrôle monétaire mais celui doit être adapté à chaque catégorie d’instruments. C’est le principe de banque.

Au final, l’adoption en 1844 du Bank Charter Act à l’instigation de Sir Robert Peel (act de Peel) consacre des thèses de la Currency School. La Banque d’Angleterre est désormais divisée en deux départements :

Ø  Le département de l’émission ;

Ø  Le département de la banque

Le premier applique le « Currency Principle » et vérifie que les billets qu’il émet sont couverts par les réserves d’or au-delà d’un montant de 14 millions de livres. Lorsque ce plafond est atteint le second département intervient et interrompt l’escompte.

Toutefois, l’opposition d’hier entre Currency School et Banking School s’est toujours perpétuée, puisqu’elle n’a pas été clairement résolue. Il s’agit toujours de savoir la nature de la monnaie. La monnaie est-elle endogène ? exogène ? active ? neutre ? La théorie keynésienne, en mettant la monnaie au cœur de l’analyse du circuit de production, a largement contribué à développer une vision active de la monnaie. M. Friedman, quant à lui, a réactivé la théorie quantitative de la monnaie et insisté sur le risque inflationniste de tout excès de création monétaire.

Ainsi, depuis la crise de 2008, les banques centrales ont mis en œuvre des stratégies très actives de création monétaire très rapide par le biais de rachats d’actifs sur le marché. C’est ce qu’on appelle le quantitative easing (QE). Cette politique monétaire vise à stimuler le crédit et favoriser l’investissement productif et la consommation des ménages. Certains économistes, tels que Patrick Artus et Marie-Paule Virard, dans leur livre La folie des banques centrales, ont estimé que, par ces pratiques, les autorités monétaires ont éloigné la création monétaire de l’économie dite « réelle ».

M. Abdoulaye CAMARA

Temps de lecture : 13 min

Les taxes sur les secteurs de la télécommunication et de la Fintech au Mali, un mal pour un bien

La situation actuelle du Mali a remis au goût du jour la politique budgétaire de rigueur. Cette politique de rigueur consiste à augmenter l’imposition dans le but d’assainir les dépenses publiques. A cet effet, l’ordonnance N°2025-008/PT-RM du 07 février 2025, instituant le Fonds de Soutien aux Projets d’Infrastructures de Base et de Développement Social présente en son 2ème article l’objectif du Fonds de Soutien (FS) dans ces termes « [Qu’il] est destiné à apporter une contribution financière, en cas de nécessité et d’urgence, aux actions socio-économiques initiées par le Gouvernement dans divers secteurs, notamment le secteur énergétique ». Si ces réformes traduisent une volonté d’autonomisation budgétaire, elles provoquent des indignations et des inquiétudes chez les maliens.

Les taxes pour deux secteurs ciblés : un rendement attendu de plusieurs milliards de FCFA

Le fonds social doit être ravitaillé par des prélèvements spécifiques du secteur des télécommunications et celui de la Fintech, spécifiquement le mobile money. Comme toute taxe, les autorités maliennes ont fixé (1) les assiettes des prélèvements, ce sont les valeurs faciales des recharges de communication voix (prépaid) ; les factures de communication voix (postpaid) ainsi que les forfaits Internet prépaid et postpaid et les montants des retraits « mobile money ». (2) les taux applicables qu’elles ont spécifiés sont respectivement 10% pour les valeurs faciales des services du secteur des télécommunications et 1% pour les montants du service de « retraits mobile money ». (3) en usant de leur troisième pouvoir en matière de taxes, les autorités maliennes ont désigné les opérateurs télécoms pour la collecte des montants issus de l’implémentation des différentes taxes spécifiées dans ladite ordonnance.

Télécoms : des recettes fiscales tirées par l’Internet

Le rapport d’activités 2023 de l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications /TIC et des Postes (AMRTP) signalait qu’en fin décembre 2023, le revenu moyen par utilisateur (ARPU = Average Revenue Per User) pour les communications voix fixe et mobile faisaient respectivement 1.104 F CFA et 1.518 F CFA. Le même rapport mentionnait qu’à la même période, le parc total de la communication voix mobile faisait 25.259.489 SIM actives pendant que celui du fixe a été estimé à 347.704 clients. Une analyse de ces chiffres permet d’inférer que si la taxe était appliquée en 2023, le secteur des communications voix mobile et fixe permettrait de collecter une somme annuelle moyenne de près de 3,88 milliards de F CFA. La contribution moyenne du secteur de la voix mobile dans ce résultat total serait de 3,83 milliards et un plus de 38 millions pour le segment de la communication fixe.

L’ARPU du segment Internet dominé à 98% par l’accès en situation mobile faisait 7.513 F CFA en fin 2023. La contribution moyenne de ce segment au renflouement de la caisse du Fonds de Soutien sur la base des données de 2023 permettrait de collecter dans une fourchette moyenne près de 10,07 milliards de F CFA auprès d’un parc de 13.409.405 clients.

La contribution de la Fintech dans le Fonds de Soutien

Le Fonds Social doit normalement bénéficier aussi de la contribution du secteur de la Fintech, spécifiquement le service « retrait mobile money ». A cet effet, partant toujours des données de 2023, sur ce secteur, pour un chiffre d’affaire total estimé à 83,7 milliards de F CFA ; les retraits ont culminé à près de 51 milliards. Une application de 1% de la taxe sur ce montant permettrait aux autorités maliennes de collecter 507 millions de F CFA.

Il ressort de l’analyse présentée supra, en prenant l’année 2023 comme une année de référence, tous les prélèvements (télécommunications et Fintech) apporteraient en moyenne, environ 14 milliards de F CFA annuellement au Fonds de Soutien.

Incidence des prélèvements spécifiques pour qui ?

La problématique de l’incidence d’une taxe pose la question de savoir qui supporte réellement le poids de la taxe ? En guise de réponse à cette interrogation, les préceptes économiques sont formels. Aucune autorité ne peut décider de cela. Ce pouvoir est exclusivement détenu par les forces du marché. C’est elles seules qui peuvent répartir le poids d’une taxe entre vendeurs et acheteurs. L’article 7 de l’ordonnance tente d’aller à l’encontre de ce principe en ciblant préalablement les consommateurs des services taxés. Partant d’une interprétation rigide de l’esprit de cet article, le résultat de la communication gouvernementale est devenu on ne plus poussif.

Venons aux faits. En appliquant une taxe de 1% aux services « retrait » du secteur de la FinTech (faisant abstraction de l’article 7 de l’ordonnance) ; personne ne peut prévoir dans ces conditions qui des consommateurs maliens ou des opérateurs supporteront l’entièreté de la taxe. L’application de la nouvelle taxe portera les frais de retrait à 2% toutes choses égales par ailleurs. Ce pourcentage de retrait n’est pas inédit au Mali. Les frais de retraits variaient entre au moins 2,5% et 10% des montants retirés, avant d’être fixés par l’opérateur leader du marché à 1% après trois changements successifs de grilles tarifaires en décembre 2021.

Le marché malien du mobile money est un oligopole à la Stackelberg avec un leader détenant 78% de part de marché en fin décembre 2023 et trois suiveurs (Moov money, Sama Money et Wave). Sur ce marché, pendant que le leader applique un taux de retrait de 1% comme Wave ; les frais de retrait de Moov Money et de Sama Money font respectivement 0,9% et 0,5% en février 2025. Sur un tel marché, rien ne prédit que l’instauration d’une nouvelle taxe de 1% va être automatique répercutée sur les frais de retrait (donc supportés exclusivement par les consommateurs). Bien au contraire, cette nouvelle taxe pourrait être une opportunité pouvant redessiner la configuration du marché malien de la Fintech permettant ainsi l’entrée ou l’éclosion sur ledit marché d’opérateurs plus efficaces.

Les opérateurs efficaces pourraient supporter toute ou partie de la nouvelle taxe en imitant la start-up américaine Wave lors de son implantation au Mali en 2021. L’instauration de la nouvelle taxe « recrée » simplement les mêmes conditions de marché quasiment identiques à celles qui ont prévalu avant l’entrée de Wave en 2021 sur le marché malien de la Fintech. A cette époque et contrairement à la nouvelle donne qu’imposera la nouvelle taxe, tous les frais de retraits (entre au moins 2,5% et 10%) étaient captés exclusivement par les opérateurs. Donc, soutenir que l’incidence de la nouvelle taxe de 1% imposée sur le service de « retrait mobile money » sera exclusivement à la charge des consommateurs maliens n’a aucun fondement de sciences économiques.

En plus, une autre faiblesse de la taxe de 1% sur le service de « retrait  mobile money » réside aussi dans le choix de l’assiette. Le marché de la Fintech, spécifiquement, la filière « mobile money » propose en plus du service « retrait » les services de « transfert » et de « paiements électroniques ». le chiffre d’affaire réalisé en 2023 par les sociétés émettrices de la monnaie électronique (EME) a été estimé par l’AMRTP à 83,74 milliards. Le service « retrait » a contribué à ce chiffre d’affaire à hauteur de 60,5% en ayant enregistré une progression annuelle de 35% par rapport à 2022. Les services « transfert » et « paiements électroniques » ont contribué à hauteur de près de 20% chacun. Mais en termes de progression sur une année, c’est le service « paiements électroniques » qui a réalisé la plus forte progression avec 68%. Une telle progression de ce service permet d’inférer que les consommateurs peuvent significativement éviter la nouvelle taxe de 1% imposée sur le service « retrait » en substituant à ce dernier le service « paiement électronique ». Cet évitement devrait être envisagé avant la mise en place de la nouvelle taxe.

La taxe de 10% sur le secteur des télécommunications voix et Internet souffre aussi des mêmes lacunes que celles déjà signalées relativement au service de retrait mobile money. L’article 7 a voulu faire porter par le consommateur l’incidence de cette nouvelle taxe. Ce qui ne peut être fait malheureusement à partir d’un bureau.

L’imposition de 10% sur les valeurs faciales des recharges voix et Internet devrait être seulement notifiée à la population malienne. Les deux services n’étant pas soumis aux mêmes conditions réglementaires – libre administration des prix pour l’Internet et prix plafond pour la voix – a priori, les autorités devraient faire confiance au fonctionnement du marché pour la répartition de l’incidence de cette nouvelle taxe. En cas de présence de faillances majeures constatées ex post, elles pourraient intervenir. Je suis sûr que c’est sur le marché de la voix qu’une telle intervention allait être « peut-être » nécessaire pour aider les opérateurs à travers une hausse marginale du prix plafond de la communication voix. Et une telle intervention allait aussi par ricochet améliorer les recettes de la TRATOP.

Que faire ?

Retenir qu’aucun législateur ou technocrate ne peut décider de l’incidence des taxes depuis un parlement ou d’un bureau ! Et en s’obstinant dans une telle voie, le législateur ou le technocrate devient comparable à un physicien qui décide de défier la loi de la gravitation universelle. Cette mission (fixation de l’incidence des taxes) doit être confiée aux forces du marché. Dans le cas d’espèce, faire en sorte que le décret d’application de l’ordonnance ne limite pas l’implémentation desdites taxes dans le temps. En ne fixant pas de deadline, cela pourrait donner les incitations nécessaires aux opérateurs (surtout ceux qui sont les plus efficaces) de faire des efforts en termes d’efficacité de production, ce qui pourrait leur permettre de réduire leurs coûts unitaires donc, de réduire significativement le poids des taxes imposées par l’ordonnance sur les consommateurs maliens.

En définitive, ces taxes au lieu d’être vues comme un frein au développement des secteurs ciblés peuvent contribuer à les rendre plus concurrentiels tout en mettant des ressources à la disposition des autorités maliennes, même si, je trouve que leurs estimations des ressources futures que peuvent générer les nouvelles taxes semblent être déconnectées de la réalité que dépeignent les chiffres disponibles actuellement.

Madou CISSE

FSEG

 Temps de lecture : 8min

L’augmentation de la TARTOP peut-elle être répercutée par les opérateurs maliens de télécommunication ?

Les Etats, qu’ils soient monarchiques, despotiques ou républicains ont de tout temps lever des impôts et des taxes pour assurer leurs obligations régaliennes et tutélaires.

Le « pouvoir » hors norme du marché en matière de taxe

L’économie positive soutient que la mise en œuvre d’une taxe exige la maîtrise de quatre « pouvoirs » qui sont : (1) la détermination du taux de la taxe ; (2) la détermination de l’assiette de la taxe ; (3) la désignation de l’agent économique qui doit payer le montant de la taxe (4) la détermination l’incidence de la taxe.

En suivant les préceptes de l’économie positive, il est admis et démontré que les Etats disposent les coudées franches quand il s’agit de fixer le taux, de déterminer l’assiette et l’agent qui doit payer les taxes qu’ils mettent en place. Malheureusement, pour les Etats, ils ne disposent d’aucun pouvoir quant à la fixation de l’incidence des taxes qu’ils mettent en place. En d’autres termes, aucun Etat ne peut fixer préalablement de manière certaine la répartition du poids d’une taxe entre les deux participants aux transactions économiques à savoir les acheteurs et les vendeurs. Ce pouvoir échoit principalement aux forces du marché, en une phrase aux lois de l’offre et de la demande. Seules les forces du marché déterminent qui des consommateurs ou des producteurs supporteront quels poids ou incidence d’une taxe instaurée.

Le marché pour déterminer l’incidence d’une taxe s’appuie sur l’élasticité de la demande du bien ou du service – la sensibilité de la quantité demandée d’un bien ou d’un service à la variation de son prix unitaire de 1% toutes choses égales par ailleurs – soumis à la taxe. Si la demande est élastique au prix les producteurs supporteront plus le poids de la taxe que les acheteurs. Dans une telle éventualité, les premiers cités ne peuvent répercuter qu’une infime partie de la taxe sur leurs prix de ventes. Ils supportent l’incidence en réduisant leurs marges bénéficiaires. (dans le cas théorique extrême des demandes parfaitement élastiques, les producteurs supporteront l’entièreté de la taxe qui sera ponctionnée dans leurs marges). Par contre, si la demande est inélastique au prix du bien ou du service, l’incidence de la taxe est supportée majoritairement par les acheteurs (dans le cas théorique extrême des demandes parfaitement inélastiques, les acheteurs supporteront l’entièreté de la taxe). Dans le cas théorique d’élasticité de la demande prix unitaire, les vendeurs et les acheteurs supporteront l’incidence de la taxe fifty-fifty.

Quid de la TARTOP ?

Dans le communiqué du Conseil des Ministres du 05 février 2025 (CM N°2025-06/SGG), les autorités de la transition du Mali sur un rapport du Ministre de l’Economie et des Finances, ont adopté un projet de loi portant modification de la Loi n°06-067 du 29 décembre 2006, modifiée, portant Code général des Impôts. Spécifiquement, le Conseil des Ministres a adopté un projet d’ordonnance qui modifie le Code général des Impôts en augmentant de 2% le taux de la Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications Ouvert au Public (TARTOP) initialement fixé à 5%.

En fixant ce nouveau taux de la TARTOP à 7%, comme le prévoient les préceptes de l’économie positive, les autorités maliennes ont usé des trois (03) pouvoir dont elles sont détentrices en matière de fiscalité, à savoir (1) fixer à 7% le taux de la TARTOP ; (2) déterminer l’assiette de ladite taxe (le chiffre d’affaire global hors taxes des opérateurs télécom) (3) l’agent économique qui doit faire le chèque ou le virement bancaire pour le fisc : elles ont désigné les opérateurs télécom pour cela. Ce que les autorités de la transition a priori ne peuvent fixer, c’est l’incidence de cette taxe c’est-à-dire qui entre consommateurs et opérateurs doivent supporter combien pourcent des 7% de la TARTOP. Seuls les marchés des télécoms (voix, Internet, sms) ont ce pouvoir dans un contexte de marché soumis à la concurrence.

Les marchés des télécoms au Mali

Le marché des télécoms compte trois (03) opérateurs de réseaux mobiles (Orange Mali, SOTELMA et ALPHA TELECOM). Ces opérateurs évoluent tous sur le marché de la télécommunication voix mobile, sur celui du fixe et sur celui de l’Internet mobile et fixe et du SMS. En fin 2022, le chiffre d’affaire global toutes taxes comprises qu’ils ont déclaré auprès de l’autorité de régulation faisait 586 milliards. Ce chiffre d’affaire est archi dominé par les recettes issues du marché de la télécommunication voix mobile à hauteur de 94%.

Le prix du marché de la voix mobile est régulé et fixé par l’autorité malienne de régulation des télécoms à 80 F CFA la minute (prix plafond). Celui de l’Internet est libre.

Dans un tel contexte, une augmentation de la TARTOP ne peut induire aucune nouvelle incidence pour les consommateurs sur le marché de la voix mobile car le plafonnement du prix unitaire sur ce marché rend impossible toute répercussion sur le prix de ce service. Le plafonnement du prix unitaire de la communication voix mobile suspend automatiquement le pouvoir que peut avoir le marché de répartir le poids de la TARTOP entre les consommateurs maliens et les opérateurs télécom.

C’est sur le maché de l’Internet que les opérateurs peuvent avoir une certaine latitude de répercuter une partie de l’augmentation de la TARTOP sur les prix des forfaits. Même là, comme les préceptes de l’économie positive le présentent clairement, seules les forces du marchés à travers l’élasticité prix de la demande de ce service fixent le niveau des incidences pour les opérateurs télécoms et les consommateurs maliens.

Madou CISSE

FSEG

 

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Le protectionnisme au service d’objectifs politiques

Dans le précédent papier publié sur mon blog que le lecteur peut consulter à l’adresse suivante : https://cequejepensemali.blogspot.com/2025/01/temps-de-lecture-5-min-quand-le-47-eme.html, je promettais de répondre à la question suivante : que disent les préceptes de l’économie positive sur l’impact de la mise en place des mesures protectionnistes dans un pays? Dans le présent article la focale concerne les mesures tarifaires et plus spécifiquement les droits de douane sur les importations.

Mesures protectionnistes pour quels objectifs ?

Les mesures protectionnistes peuvent être tarifaires ou non tarifaires. Ces mesures peuvent viser les prix, les volumes ou les qualités des biens et services étrangers qui doivent être introduits sur un territoire national. Durant toute la période des trente glorieuses, les mesures protectionnistes avaient principalement des visées commerciales. Actuellement, ces mesures (surtout tarifaires) peuvent être mobilisées pour atteindre des objectifs politiques ou environnementaux ou écologiques.

La mise en œuvre des mesures tarifaires protectionnistes pour l’atteinte d’objectifs politiques est illustrée par les récentes mesures édictées par l’actuel Président américain à l’encontre du Canada et du Mexique. En voulant imposer toutes les importations américaines de biens et services provenant de ces deux pays frontaliers de 25%, l’administration américaine vise principalement une forte implication de ces deux pays dans la lutte contre l’immigration irrégulière et aussi en sus pour le Mexique une lutte sans merci contre le trafic de la drogue fentanyl qui est en train de faire des ravages aux Etats-Unis. Même si les déficits commerciaux américains vis-à-vis de ces deux pays et de la Chine sont abyssaux sur un déficit total estimé à près de 1.000 de dollars US en fin 2024 ; les mesures protectionnistes prises par l’administration américaine ont principalement des visées plus politiques (lutte contre l’immigration irrégulière) que commerciales ou économiques.

Protectionnisme : impacts

Dans le but de décrire les impacts prévus par l’économie positive suite à l’imposition d’une taxe sur les importations de biens et services étrangers, je considère (1) d’abord une économie ouverte – c’est-à-dire une économie commerçant sans entraves majeures avec le reste monde, comme le cas des Etats-Unis sous l’administration précédente où le taux moyen d’imposition des importations de biens et services était de 3% – (2) l’imposition de la taxe est supposée frapper tous les biens et services étrangers sans aucun ciblage de secteurs ou de filières spécifiques (comme veut le faire l’actuelle administration américaine vis-à-vis du Canada, du Mexique, de la Chine et de l’Union Européenne).

En situation d’économie ouverte (sans entraves majeures), le prix des biens et services sont bas et tendent vers leurs coûts unitaires de production. Dans ce contexte, les marges des entreprises nationales et étrangères sont faibles. La concurrence est rude et les gains des consommateurs sont importants. Le manque à gagner que génère une telle situation par rapport à la situation de référence qu’est la concurrence parfaite est faible. Dans une pareille économie, seules les entreprises efficaces (produisant au minimum de coûts pour le maximum d’outputs) peuvent émarger et rester sur les différents marchés.

L’imposition d’une taxe à l’encontre des importations étrangères peut réduire normalement l’offre étrangère ou si la distribution des élasticités entre offre et demande est plus favorable à l’offre qu’à la demande des biens ou services, les entreprises étrangères peuvent répercuter tout bonnement la hausse de la taxe sur leurs prix de vente. Dans les deux éventualités, cela conduira à une hausse des prix des biens et services à l’intérieur du pays (donc possibilité d’inflation). L’introduction de la taxe peut aussi ressusciter des entreprises nationales inefficaces. Ce réveil fouettera positivement la demande nationale de travail. Cette nouvelle situation réduit significativement les gains des consommateurs tout en restituant une partie des gains perdus par les consommateurs aux producteurs nationaux et étrangers capables de satisfaire la demande nationale qui ne resterait pas inchangée et qui baisserait du fait de l’augmentation du niveau moyen des prix. Un tel transfert de gains des consommateurs vers les producteurs passe par une amélioration des marges des derniers cités. Contrairement à la situation de l’économie ouverte, les manques à gagner de cette économie « fermée » deviennent très importants par rapport à la situation de référence qui est la concurrence parfaite.

Les Etats-Unis ont la faveur des arguments

Cet épisode d’imposition des droits de douane par l’actuelle administration américaine prouve que les taxes aux frontières visant les biens et services importés peuvent être utilisées pour atteindre des objectifs politiques. Mais que la mise en place d’un tel engrenage doit obéir à certaines réalités socio-économiques telles qu’être une puissance économique et militaire, avoir des déficits commerciaux importants vis-à-vis des pays concernés et surtout avoir une possibilité quasi illimitée de diversification de partenaires commerciaux tout en ayant aussi des marges de manœuvres importantes en termes de possibilité de production domestique. Tous ces critères mis bout à bout permettent de comprendre le pourquoi du comment du comportement de l’actuelle administration américaine. En définitive, cet épisode doit aussi permettre de comprendre en creux qu’un pays pauvre ne peut pas s’offrir un luxe de défier sempiternellement par l’usage de droits de douane ses différents partenaires commerciaux.

Madou CISSE

FSEG

 

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Quand le 47ème Président américain trouvait un monde déjà protectionniste

Le libéralisme économique s’est imposé comme la clé de voute des systèmes économiques de par le monde à partir des années 80. L’idéologie du libéralisme économique s’appuie sur la mise en œuvre du triptyque de la libre circulation des hommes (le travail), des capitaux (le détournement des ressources de la consommation présente vers la production et la consommation future) et des biens et services (les outputs).

L’application par les différents pays de l’idéologie libérale dans sa version la plus drue est loin d’être la règle. Dans les faits, les pays limitent – à l’exception des zones économiquement intégrées – généralement la circulation inter-Etat du travail en imposant le principe de l’immigration régulière. Souvent les pays contrôlent les mouvements des capitaux. Enfin, les interdictions contre les mouvements des biens et services sont imposées régulièrement par les différents pays. Ce type d’interdictions conduit au protectionnisme pour ne pas dire au prohibitionnisme. Cette forme d’interdictions devient de plus en plus courante depuis l’éclatement de la crise financière en 2008. Pour preuve, le site Internet https://globaltradealert.org/ a recensé près de 60.000 mesures protectionnistes mises en place par les différents pays depuis 2009.

Le protectionnisme qui vise à limiter ou prohiber l’entrée de biens et services étrangers sur le territoire national peut être mis en œuvre par l’usage de mesures tarifaires (les droits de douane, les subventions, les aides à l’exportation) et ou des mesures non tarifaires (les quotas, les normes, etc.). Ces différentes mesures visent respectivement les prix des biens et services étrangers, leurs quantités ou leurs qualités. Même si l’imposition des droits de douane est médiatiquement retentissante et retient l’attention du grand public, il est important de noter que les subventions et les aides à l’export prennent la part du lion des mesures protectionnistes de ces dernières années. Toujours selon les données du site Internet https://globaltradealert.org/, depuis 2009, les droits de douane représentaient seulement environ 7% des mesures protectionnistes mises en place dans le monde contre 56,5% pour les subventions et 16% pour les aides à l’export et 4,3% pour les restrictions à l’importation (aussi appelées les quotas) ; pendant que les normes renforçaient le niveau de protectionnisme des différents pays à hauteur de 9% environ.

Même si l’élection du 47ème Président américain a permis au monde entier de parler encore plus de protectionnisme ; la présentation faite ci-dessus fait ressortir que les mesures protectionnistes sont monnaie courante dans le monde. Qu’elles sont l’apanage de tous les pays et surtout qu’elles deviennent de plus en plus vivaces depuis l’avènement de la crise des subprimes à partir de 2008. Face à une telle recrudescence des mesures protectionnistes, il ne serait pas inopportun de répondre à la question suivante : que disent les préceptes de l’économie positive sur l’impact de la mise en place des mesures protectionnistes dans un pays ? Dans une série d’articles qui seront publiés sur ce blog, j’apporterai des éléments de réponses à l’interrogation ainsi posée.

Madou CISSE

FSEG

 Série : Economie en question (N°18)

Que faut-il entendre par l’expression « perte sèche » ?

Du point de vue de l’économie positive, la meilleure structure de marché est le marché concurrentiel dont l’extension théorique conduit à la structure de marché de concurrence pure et parfaite (CPP). Une telle organisation de l’offre et de la demande est supérieure aux autres formes de marché parce qu’elle conduit à la fixation d’un prix d’équilibre tendant vers le coût marginal de production – ce coût est le coût supporté par le producteur quand il produit une unité supplémentaire.

Le marché de concurrence par opposition aux structures relevant de la concurrence imparfaite – monopole, oligopoles à produits homogènes / hétérogènes et la concurrence monopolistique – conduit à une maximisation des gains ou surplus des consommateurs et des producteurs (pour ces derniers il s’agit de leurs bénéfices). Une caractéristique fondamentale du fonctionnement de ce type de marché se résume à l’absence de perte sèche.

La perte sèche est le manque à gagner mesuré en unité monétaire qu’enregistre un marché donné par rapport à une organisation concurrentielle de celui-ci. Car sur les structures de marché de concurrence imparfaite, les prix fixés sont normalement plus grands que le coût marginal de production. Une fois que le prix d’équilibre s’écarte de sa position concurrentielle, la quantité produite deviendrait plus faible que celle qui serait réalisée si l’organisation du marché était concurrentielle. Et par voie de conséquence, le prix d’équilibre obtenu deviendrait supérieur à celui de la concurrence. D’où l’existence de la perte sèche pour l’économie deviendrait inévitable.

C’est munis de ces préceptes de l’économie positive tirés de l’analyse de la structure du marché de concurrence pure et parfaite que les orthodoxes préviennent les autorités de toute intervention sur les marchés remplissant les principaux critères d’une structure de marché concurrentiel qui sont : l’atomicité des acteurs côté demande et côté offre, l’homogénéité des produits offerts, une quasi perfection de l’information et l’existence d’un niveau de barrières plus faible à l’entrée comme à la sortie du marché. Dans ces conditions, toute intervention des autorités visant les prix d’une telle structure de marché soit à travers des politiques de contrôle des prix (prix plancher ou prix plafond) soit à travers des taxes ne font qu’écarter davantage le prix du marché du prix de concurrence qui assure le gain maximal pour l’économie. Donc, une telle intervention ne fera que créer un réel manque à gagner pour les consommateurs. Parce que le prix final sera dans tous les cas supérieurs au prix de concurrence que l’intervention des autorités tente de combattre.

Me basant sur ces conclusions de l’économie positive « immuables », je pense qu’à l’orée de cette période de ramadan, les interventions des autorités sur les marchés de l’huile, du sucre, du riz, du lait en poudre et de la farine par l’instauration des prix plafonds doivent être évitées. Par contre, leurs interventions doivent être orientées vers des politiques de l’offre visant à impacter positivement les offres des produits déjà cités. Au-delà des politiques de subvention habituellement mises en œuvre, les autorités doivent impacter positivement par d’autres moyens les conditions d’offre desdits produits. Une piste de réflexion à explorer dans ce sens peut viser à faciliter davantage les conditions d’octroi de crédit aux entreprises durant toute la période ciblée, ce qui boostera leurs capacités d’acquisition à l’international des produits en question (tout en évitant autant que faire se peut les effets d’aubaine et les détournements). En plus, dans le même sillage, les autorités doivent ouvrir entièrement pour toutes les entreprises désireuses les importations desdits produits de grande consommation.

Madou CISSE

FSEG

 

Contribution de Dr Falingué KEITA Economiste-Consultant-Formateur, Enseignant à la FSEG, UIE, ESGIC, INTEC SUP, INSTITUT VITO’S, ECOSUP.

La Digitalisation des Services Publics au Mali : Qu’en est-il des dépôts des dossiers pour le concours de recrutement dans la fonction publique « Plateforme E-Concours » ?

La digitalisation des services publics est un sujet d'actualité dans de nombreux pays, y compris au Mali, où Son Excellence, le Général d’Armée, Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat de la république du Mali a donné des directives, le 22 juin 2024, lors de sa visite à Sikasso pour la digitalisation des services administratifs du Mali notamment celle des paiements dans les services publics. La finalité de cette transformation digitale est d'améliorer l'efficacité, la transparence et l'accessibilité des services publics pour les citoyens maliens.

Manifestement, la digitalisation des services publics, comme la mise en place d'une plateforme « E-Concours », s'inscrit dans une logique économique et sociale justifiée par plusieurs théories économiques. En effet, la théorie de la modernisation de Rostow (1960) met en avant que la transition numérique reflète une étape clé dans la modernisation des institutions publiques, essentielle pour le développement économique d’un pays. La théorie de la gouvernance publique d'Elinor Ostrom (1990) appuie l'idée que la digitalisation favorise la transparence, l'équité et l'efficacité dans la gestion des services publics. Ces perspectives théoriques renforcent la pertinence et l'urgence d'adopter des solutions digitales comme « E-Concours » au Mali.

L'idée de cet article de presse m'est venue suite à un événement tragique qui a touché mon jeune frère de lait courant l’année 2024. Celui-ci a été victime d'un grave accident de la circulation alors qu'il se rendait pour déposer physiquement ses dossiers de candidature au recrutement des soldats du feu, autrement appelés « sapeurs-pompiers ». L'accident a provoqué une fracture grave du genou droit, nécessitant une intervention chirurgicale. Cet incident met en lumière les dangers et les difficultés inhérentes à la nécessité de se déplacer pour faire le dépôt physique de ses dossiers pour les différents recrutements pourtant évitables dans un contexte de digitalisation croissante.

Problèmes liés au dépôt physique des dossiers au Mali

Au Mali, le dépôt des dossiers pour les concours publics reste une tâche compliquée et source de nombreux désagréments pour les candidats. Ceux-ci sont souvent obligés de faire de longs déplacements, parfois depuis des zones rurales éloignées, pour se rendre dans les centres de dépôt, ce qui engendre des coûts importants en termes de temps et d'argent. Ces déplacements massifs provoquent également des embouteillages et augmentent les risques d'accidents sur des routes déjà en mauvais état. Une fois sur place, les candidats font face à des files d'attente interminables et à des dysfonctionnements administratifs, comme la perte ou le mauvais traitement des dossiers. Ces problèmes montrent clairement que le système manuel actuel est dépassé et inadapté aux réalités modernes.

En outre, ces déplacements massifs augmentent les risques d'accidents de route, particulièrement dans un pays où les infrastructures routières sont insuffisantes. De plus, les administrations elles-mêmes peinent à gérer efficacement ces flux, ce qui peut entraîner des pertes de dossiers ou des erreurs de traitement. Ces dysfonctionnements rendent le système inadapté aux exigences modernes et inefficaces pour répondre aux besoins croissants des candidats.

Avantages attendus de la digitalisation

La mise en place d'un système numérique pour le dépôt des dossiers, comme la plateforme « E-Concours », offrira de nombreux avantages. Cela permet aux candidats de soumettre leurs dossiers en ligne depuis n'importe quel endroit. La digitalisation favorisera également une meilleure transparence, en limitant les risques de fraude ou de favoritisme. Pour l'administration, un tel système simplifiera le traitement des dossiers, réduira les erreurs et améliorera l'efficacité du processus. De plus, un dépôt numérique s'inscrit dans la dynamique de modernisation des services publics, répondant aux attentes des citoyens tout en rehaussant l'image des institutions.

Propositions pour une mise en œuvre réussie

Pour réussir cette digitalisation, plusieurs actions concrètes doivent être prises. D'abord, il est urgent que les autorités accélèrent le développement et le lancement de la plateforme « E-Concours » en collaboration avec des spécialistes du numérique. Il faut également investir dans des infrastructures modernes et sécurisées pour assurer un bon fonctionnement, même en cas de forte affluence d'utilisateurs. Ensuite, il est nécessaire de former les utilisateurs, en particulier les candidats et les agents administratifs, pour qu'ils soient à l'aise avec les outils numériques. Des campagnes de sensibilisation à travers les radios, la télévision et les réseaux sociaux seront également utiles pour informer la population. Enfin, il sera préférable de créer des centres d'appui dans les zones rurales, équipés de matériel informatique et d'accès à Internet, pour aider ceux qui n'ont pas les moyens techniques de soumettre leurs dossiers en ligne. Avec un suivi régulier, cette transition pourra être améliorée progressivement et devenir un véritable modèle de réussite pour le pays.

Dr Falingué KEITA


L’intervention de l’Etat malien dans les activités de production des biens et services est-elle opportune ?

Il fallait attendre la fin du 18ème siècle pour que le terme idéologie soit utilisé pour la première fois. Dans son essence originelle l’idéologie vise en tant que science générale des idées et des lois, l’objectivité et l’exactitude du raisonnement. L’économie qui amorça son indépendance vis-à-vis de la philosophie à la même période n’a point hésité de s’appuyer sur cet usage positif de l’idéologie. Chemin faisant, l’économie est devenue dorénavant à juste titre une science d’idéologies par excellence.

Economie : deux principales idéologies

Quels rôles économiques un Etat doit-il jouer ? La réponse que peuvent donner les économistes à cette interrogation conduit à étaler au grand jour le clivage idéologique qui existe entre les orthodoxes et les hétérodoxes. Pour les premiers cités, un Etat doit se limiter aux fonctions régaliennes (la défense, la sécurité et la justice) et les grandes infrastructures telles que les routes. Les seconds recommandent sans jambage qu’en plus de ses fonctions régaliennes et tutélaires un Etat doit aussi être vendeur de biens et services.

Ces deux approches idéologies vont conduire dans le temps en termes de fonctionnements des économies modernes à un intervalle fermé partant du communisme au libertarianisme. Ce continuum va donc servir d’assoir une myriade de positionnements idéologiques cherchant à expliquer l’implication d’un Etat dans les activités économiques. Si le communisme prône le TOUT Etat (employeur et producteur) ; le libertarianisme dans sa version extrême défend une totale absence de l’Etat au profit des initiatives individuelles.

Entre ces deux positions extrêmes prennent place des structures d’économies mixtes dans les différents pays du monde. Un observateur attentif des différents pays du globe arriverait sans difficulté au constat que ces derniers font dans des proportions différentes de savants mélanges des préceptes des deux idéologies extrêmes. Ce qui conduit dans les faits à des pays plus libéraux sur le plan économiques (comme les Etats-Unis) et d’autres plus interventionnistes à l’image de la Chine. Une chose demeure patente en ce début de 2025, aucun pays du globe n’est positionné exactement soit à gauche de l’intervalle soit à droite de celui-ci. Donc, les préceptes de l’économie mixte ont la côte.

Le Mali : entre gauche et droite

La République du Mali a été positionnée à l’extrême gauche de l’intervalle fermé par les pères fondateurs. Ce positionnement était aligné sur celui des bolcheviks arrivés au pouvoir en Russie en février 1917. Le Mali a nagé petit à petit vers la droite du continuum à partir du début des années 1970. Ce basculement a atteint son épilogue au début des années 1990. Le Mali entrait de plain-pied à partir de cette date dans l’application des préceptes de l’économie mixte avec un marquage plus à droite de l’intervalle fermé. Ce marquage se caractérisait par la primauté du marché sur l’implication de l’Etat dans les activités économiques.

Ces derniers mois, à travers trois (03) actes majeurs, la montée en puissance d’un Etat producteur devient de plus en plus marquée au Mali. Ces actes sont-ils des signes précurseurs d’un basculement de l’idéologie économique au Mali vers la gauche du continuum ?

Les nostalgiques du bolchevisme, sont dithyrambiques face à cette montée en puissance de l’Etat malien dans les activités économiques. Ils demandent même plus de la part de l’Etat malien. Ils espèrent sur l’établissement de plus de justice sociale dans le pays par le truchement de l’avènement d’un Etat beaucoup plus impliqué dans les activités économiques. Mais est-ce que l’avènement d’un Etat producteur de biens et services au Mali, peut-il rétablir une vraie justice sociale ? Ma réponse est non !

Si les politiques économiques orientées vers la gauche de notre continuum sont censées assurer plus de justice sociale que celles de droites – supposées conduire à plus d’inégalités – la non prise en compte du contexte économique de chaque pays peut conduire à des sophismes. Car sous la plume de Karl Polanyi, je retiens qu’une économie ne doit pas être considérée comme désencastrée de son contexte social.

Le Mali est une république. A la suite de Montesquieu, je soutiens que le principal ressort d’une république est la vertu que je définis comme l’engagement qui pousse un décideur à voir son intérêt personnel dans l’intérêt collectif. Le manque d’un tel engagement chez les décideurs ruine carrément tous les supposés bienfaits attribués aux politiques économiques de gauche. Dans un contexte de manque de vertu, toute tentative de l’Etat visant à être producteur de biens et services ne peut que produire les effets contraires à savoir : le creusement des inégalités (car ceux qui se trouveront au bon moment et au bon endroit se sucreront) ; un appauvrissement général de la population et avec en prime un risque important de disparition de toutes les activités contrôlées majoritairement par l’Etat. D’aucuns peuvent retorquer à ma présentation en soutenant que dans tel pays X, c’est l’Etat qui fournit tel bien ou service Y, et pourtant, ça marché là-bas tout en garantissant un niveau important de justice sociale ! je réponds à ce type d’intervention simplement en disant que les pays ne se valent pas !

Si l’avènement de l’Etat producteur est problématique surtout dans les pays en panne de vertu, pour les raisons déjà évoquées, il faut obligatoirement renforcer l’absence de l’Etat dans la production des biens et services tout en encourageant la présence des entreprises privées dans ce domaine. Pourquoi ?

Il est vrai, qu’une telle orientation pourrait conduire à une exacerbation des inégalités mais elle a le vibrant mérite d’augmenter la richesse collective. Cette idéologie met au cœur du fonctionnement des activités économiques les incitations individuelles. Ce qui va permettre in fine de canaliser dans le sens collectif les intérêts individuels. Une fois que la richesse est créée, l’Etat pourrait à travers une fiscalité bien calibrée passer à la caisse pour rétablir plus de justice sociale.

Je pense sincèrement que dans un pays comme le Mali, en prenant en compte le contexte social, l’Etat aura beaucoup à gagner en intervenant moins dans les activités économiques qu’en voulant y être un acteur majeur. Si le secteur est jugé « stratégique », le confier à des géants nationaux privés ne semblerait pas plus risqué que si c’est dans les girons de l’Etat. Car avant tout, « Les [H]ommes sont ce qu’ils sont, et ce qu’ils font c’est leur affaire ».

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Processus de création monétaire

Dans cette 2ème partie l’objectif est de déterminer comment et par qui la monnaie est créée puis d’étudier dans quelle mesure il existe des limites à cette création monétaire.

Des notions telles que : les crédits font les dépôts, la création monétaire illimitée, les réserves obligatoires seront développés lorsqu’on va opposer le multiplicateur de crédit (classiques) au diviseur de crédit (Keynésiens)

Mécanisme de la création monétaire

La création monétaire (injection de la monnaie dans l’économie) consiste à accroitre la quantité de monnaie détenue par les agents non financiers (ANF). Ce pouvoir de création est exclusivement réservé aux institutions financières monétaires (Banque Commerciale, Banque Centrale et Trésor Public).- Création monétaire au niveau des banques commerciales

Les banques sont des établissements de crédit habilitées à recevoir les dépôts des particuliers (ménages, entreprises) et ayant le pouvoir de créer de la monnaie. Cette opération a lieu lors d’opérations de crédits de la banque vers ses clients. C’est pourquoi les économistes classiques (néoclassiques) disent que les crédits font les dépôts. La création de la monnaie par les banques est un jeu d’écriture. Les banques créent de la monnaie scripturale en créditant les comptes de ses clients.

Exemple : à la date t2020, la Banque B2 accorde un crédit de 100 F à l’entreprise X : c’est la phase de création monétaire. Les bilans de l’entreprise X et de la banque B2 se présentent comme suit : Compte courant(CC)

-          A l’actif du bilan, où sont enregistrées les créances de la banque, est inscrit le crédit accordé à l’entreprise X : + 100 ;

-          Au passif du bilan, où figure l’ensemble des dettes de la banque, le compte bancaire de l’entreprise Alpha est crédité du montant du crédit : + 100. L’inscription au passif de la banque correspond à une dette de la banque B2 vis- à-vis de l’entreprise X. En effet, l’entreprise X peut utiliser la monnaie dont elle dispose sur son compte pour effectuer les transactions souhaitées.

En théorie, et c’est le cas ici, le processus de création monétaire est illimité. La banque peut créer autant de monnaie qu’elle le souhaite. Il suffit qu’elle continue à accorder des crédits. Le processus de création monétaire a également lieu quand la banque autorise un découvert (compte bancaire débiteur), achète un actif réel (un immeuble par exemple) ou un actif financier (une action, une obligation, etc.). Quelle que soit la nature de lactif acquis par la banque, il y a création monétaire lorsque la banque crée de la monnaie en monétisant des actifs qui ne sont pas de la monnaie.

Cette création monétaire a une contrepartie. Puisqu’elle a lieu lors d’une opération de crédit, la contrepartie est une promesse de remboursement signée par l’emprunteur. A la date t+1(2021), l’entreprise X rembourse son crédit et son compte est débité de 100F: on parlera alors de destruction monétaire. A t+1, les bilans de deux agents se présentent ainsi:

Création monétaire au niveau de la Banque Centrale

La banque centrale crée de la monnaie sous forme fudiciaire. L’ensemble de la monnaie créée par la banque centrale est appelé monnaie de Banque centrale ou monnaie centrale.

La Banque centrale crée de la monnaie lors des opérations suivantes :

La demande de billets des agents non financiers auprès des banques commerciales (lorsqu’un agent non financier retire des billets au GAB (Guichet Automatique de Billets) de sa banque, il oblige cette dernière à se procurer de la monnaie fiduciaire auprès de la Banque centrale, seule émettrice de billets).

-          Lors de l’achat d’actifs réels, financiers ou de devises.

-          Lors des opérations de refinancement des banques commerciales auprès de la Banque centrale

La Banque Centrale crée de la monnaie scripturale qui est inscrite dans les comptes des banques commerciales dans les livres de la Banque centrale. Cette monnaie s’appelle monnaie Banque centrale ou base monétaire (par opposition à la monnaie de banque créée par les banques commerciales).

Si le montant en Monnaie Banque Centrale détenu par une banque commerciale devient insuffisant, cette banque doit immédiatement acheter de la monnaie Banque Centrale en cédant par exemple des titres, soit à d’autres banques commerciales, soit à la Banque Centrale : c’est l’opération de refinancement.

Création monétaire au niveau du Trésor Public

Lorsque le Trésor Public reçoit ordre d’effectuer un paiement, il a trois solutions. Il peut payer par pièces (monnaie divisionnaire) dont il a le monopole d’émission. Il peut aussi payer par crédit du compte du créancier, si ce dernier possède soit un compte au trésor, soit un compte à une banque commerciale. La troisième solution est que le trésor paye par débit de son compte auprès de la banque centrale. En pratique, le créancier reçoit un chèque au nom du trésor sur la banque centrale ou reçoit un virement de la banque centrale sur son compte (le cas pour le paiement des salaires des fonctionnaires).

Le Trésor Public peut également se refinancer auprès de la Banque centrale lorsque l’Etat a besoin d’un financement (par exemple pour financer la croissance économique).

Les limites à la création monétaire

Si le processus de création monétaire peut paraître, en théorie, illimité, ce n’est cependant pas le cas. Les banques commerciales doivent, en effet, faire face à des contraintes qui limitent et encadrent le pouvoir de création monétaire.
Afin d’assurer une gestion saine et prudente de leurs bilans, la banque centrale exige des banques de second rang qu’elles détiennent une part de leurs dépôts sur un compte auprès d’elle. Ce dépôt constitue les réserves obligatoires qui sont considérées comme une première limite au pouvoir de création monétaire des banques de second rang. La seconde limite vient par le comportement des ménages et entreprises qui demandent de crédits. Celles-ci sont limitées pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le pouvoir d’achat des agents est une donnée connue et il n’est pas illimité. Le besoin d’emprunts reste donc limité par l’évolution du pouvoir d’achat des agents. Ensuite, les entreprises attendent que leurs équipements soient amortis pour s’équiper à nouveau. Le niveau des taux d’intérêt est considéré comme agissant significativement sur la demande de crédits. Des taux d’intérêt élevés réduisent le volume de crédits accordés, car le montant à rembourser devient trop élevé pour les emprunteurs. Autrement dit, pour les agents économiques, les emprunts ont un prix, et lorsque ce prix augmente, les agents renoncent à emprunter.

M. Abdoulaye CAMARA

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