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Quand le Mali devient une victime collatérale des taxes de l’administration américaine

« Quand deux éléphants se battent l’herbe en souffre. » Ce dicton présente dans toute sa splendeur les impacts négatifs de la bataille commerciale opposant les Etats-Unis à la Chine et les autres pays occidentaux principalement. Cette lutte enclenchée depuis le premier mandat de l’actuel occupant de la maison blanche entre dans sa deuxième « saison » avec une virulence jamais égalée auparavant. Dans cette deuxième « saison » de ce bras de fer commercial, au lieu de faire le sniper, les autorités américaines ont fait sortir le bazooka en tirant sur tout ce qui bouge !

Dans cette deuxième « saison » les autorités américaines ont fait fort ! (1) une taxe plancher de 10% sur tous les produits importés aux Etats-Unis. (2) des taxes majorées fixées en fonction de la tête des clients (au nombre de 175 pays dont 48 pays africains). Les clients les moins taxés sont ceux qui sont frappés à hauteur de 10% comme le Mali et le Niger. Le taux plafond pour ces taxes majorées est de 50% auquel doivent être soumises les importations provenant du territoire Saint-Pierre-et-Miquelon augmentées des 10% la taxe plancher (soit 60% en tout). Quant à la Chine ses importations en direction des Etats-Unis sont majorées de 34% en plus des 20% déjà imposés lors du premier passage de l’actuel président américain dans le bureau ovale. Soit 54%, ce qui fait de la Chine le deuxième partenaire commercial des USA le plus imposé.

Face à une telle salve de tarifs douaniers des Etats-Unis, la question suivante mérite d’être légitiment posée. Quelles sont les raisons sous-jacentes justifiant un tel degré d’agression des fondements du commerce mondial de la part d’un pays qui représente près de 15% des importations mondiales de produits ?

Comme réponse à la question posée ci-dessus, c’est l’atteinte de l’équilibre de la balance commerciale des Etats-Unis qui est brandie par les autorités américaines. Si tel est le but ultime de ces mesures, alors pourquoi ne pas cibler exclusivement les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis qui présentent des balances commerciales bilatérales excédentaires ? Heureusement que ces pays sont même connus. Le top trois de ces pays en 2024 est pour un déficit commercial américain estimé à près de 1.000 de dollars américains : la Chine (+263 milliards de dollars) ; le Mexique (+179 milliards de dollars) ; le Canada (+102 milliards de dollars) à ce podium, les 27 pays de l’Union Européenne peuvent avoir un strapontin avec la réalisation d’un excédent commercial de 161,2 milliards de dollars vis-à-vis des Etats-Unis.

Un pays comme le Mali présente une balance commerciale bilatérale avec les Etats-Unis abyssalement déficitaire. En 2024, ce déficit a été estimé par l’INSTAT Mali à un peu plus de 97 milliards de francs CFA. Si c’est seulement l’équilibre de la balance commerciale qui est l’objectif visé par ces mesures, le Mali et beaucoup d’autres pays africains ne devraient pas être ciblés par les différentes taxes qui font au moins 20% pour tous les 48 pays africains concernés. Mais malheureusement, ils sont tous imposés ! Donc, l’objectif de l’équilibre de la balance commerciale ne me convainc pas. Je pense que la majorité des pays 48 africains ciblés par les taxes majorées et la taxe plancher de 10% sont des victimes collatérales de la guerre commerciale opposant les Etats-Unis et la Chine.

Au-delà des visées d’équilibre commercial, l’actuelle administration américaine vise à torpiller les efforts de développement économique des autorités chinoises. Conscientes de l’importance de la demande américaine dans le PIB chinois, une baisse de celle-ci produira logiquement des effets récessifs importants. Ceci est autant plus logique que l’économie chinoise dont la croissance est principalement tirée par les exportations des produits ne pourra atteindre ces objectifs quand ses produits sont ainsi taxés.

Je pense encore que les autorités américaines, dans le but de rendre aussi inefficace l’installation des entreprises chinoises dans d’autres pays pouvant leur servir de base arrière pour atteindre le marché américain et ainsi échappées aux 54% de taxes imposés n’ont pas hésité d’imposer une taxe plancher de 10% pour tous les pays, accompagnée d’une majoration de taxes de plus en plus élevée en fonction du degré de relations commerciales pouvant exister entre ces pays ciblés et la Chine. Je pense que le Mali fait partie des victimes collatérales par ce truchement. Car en 2024, le premier partenaire non africain du Mali était la Chine avec des importants estimées par l’INSTAT Mali à un plus de 600 milliards de francs CFA.

Non, l’actuelle administration américaine n’est pas anti-mondialisation. Elle connait parfaitement que le libre échange est plus efficace que toutes les autres formes connues d’organisation des activités commerciales ; en plus elle sait pertinemment que ce mode de fonctionnement fait toujours des gagnants et des perdants. Et en connaissance de cause, elle a estimé que les Etats-Unis ont été perdants depuis la libéralisation de l’économie mondiale à partir des années 80 et surtout vis-à-vis de la Chine. Dans le but de faire pencher la balance de leur côté et conformément à l’idéologie MAGA (Make America Great Again) ; l’administration américaine n’a pas dédaigné de secouer le cocotier tout en prenant soin de ne jamais l’arracher afin de pousser tous ses principaux partenaires à des négociations bilatérales. Même si pour le moment, la principale cible à savoir la Chine semble ne pas prête à s’assoir à la table de négociation. Bien au contraire, elle se rebiffe !


Madou CISSE
FSEG

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonne analyse. Merci beaucoup pour la contribution

Anonyme a dit…

Bonjour Professeur
L'analyse est bien faite. Si l'administration américaine ne cible que la Chine, elle doit être réceptive aux négociations bilatérales. Ce qui est une nécessité et non une option.
Mody SIMPARA/ doctorant à la FSEG

Madou Cissé a dit…

Tout à fait d'accord avec Vous.

Madou Cissé a dit…

Merci beaucoup

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