Temps de lecture : 5 min

Série : Economie en question (N°22)

Comprendre comment l’élasticité prix de la demande élucide l’impact des nouvelles taxes

L’instauration des taxes de 10% et de 1% sur les services de télécommunication et de FinTech au Mali a été répercutée logiquement et intégralement sur les prix nominaux des services concernés par les opérateurs. Face à un tel constat, une interrogation demeure. Dans quelle mesure les demandes des services ainsi imposés réagiront-elle aux différentes hausses de prix imposées ?

Pour répondre à cette interrogation, les économistes utilisent un outil d’analyse très puissant et incontournable dans le cas d’espèce, qui se nomme « élasticité prix de la demande ».

Cet outil mesure la sensibilité de la quantité demandée mesurée en pourcentage consécutive à une variation (augmentation ou diminution) de 1% du prix du bien ou du service en question toutes choses étant égales par ailleurs.

L’élasticité prix de la demande devient positive (dans des cas on ne peut plus rares) pour les biens ou services « atypiques » ; c’est-à-dire des biens ou des services pour lesquels la loi de la demande n’est pas respectée.

L’élasticité prix de la demande devient négative (dans les cas les plus fréquents) pour les biens ou services « typiques » ; c’est-à-dire des biens ou des services pour lesquels la loi de la demande est respectée (prix et quantité demandée évoluant en sens opposé).

En réalité, la sensibilité de la quantité demandée consécutive à la variation en pourcentage du prix d’un bien ou d’un service dépend de plusieurs éléments dont les principaux sont :

-          le niveau de rareté ou d’abondance du bien ou du service concerné par la variation de prix ;

-          l’importance ou pas du bien ou du service dans le maintien de la vie des consommateurs (bien ou service indispensable) ;

-          l’existence de biens ou de services substituables au bien ou service ayant subi la hausse de prix (niveau de concurrence présent sur le marché en question).

Si par exemple, un bien ou un service dont le prix a enregistré une variation est un bien ou service indispensable pour les consommateurs, l’élasticité prix de la demande prendra dans ce cas une valeur absolue comprise entre zéro et un. Pour ce type de bien ou service, les économistes disent que la demande est inélastique au prix ou elle répond peu à la variation du prix du bien du service.

Si par contre, le bien ou le service n’est pas indispensable pour les consommateurs par exemple, la valeur absolue de l’élasticité prix de la demande sera dans ce cas plus grande que l’unité. La demande dans un tel contexte est considérée par les économistes comme élastique au prix. En d’autres termes, les économistes soutiendront que la demande répond de manière substantielle à la variation du prix.

Si la valeur absolue de l’élasticité prix de la demande est unitaire (égale à un), alors la demande est dite neutre par rapport à la variation du prix.

Dans les deux cas polaires, soit la quantité demandée ne répond pas du tout à la variation du prix (élasticité prix de la demande nulle) soit elle y répond de manière infinie ; suivant le cas, les économistes diront que la quantité demandée répond de manière parfaitement inélastique au prix soit de parfaitement élastique au prix.

Une application de cet outil aux services des recharges voix et forfait Internet dans le cas du Mali – sous hypothèse que ces services soient considérés comme indispensables pour les consommateurs – permet d’inférer que l’augmentation de 10% qu’ont enregistrée leurs prix, entrainera une baisse de la quantité demandée de ces services de moins de 10% toutes choses étant égales par ailleurs. Dans un tel scénario, les économistes admettent que les demandes de ces deux services sont inélastiques à la variation de leurs prix. Quid de l’élasticité prix de la demande des boissons alcoolisées dans la mesure où celles-ci ont été soumises aussi à des taxes pouvant atteindre jusqu’à 15% pour certaines d’entre elles ?

Madou CISSE

FSEG

 Temps de lecture : 5 min

Révision de la charte des partis politiques : les formations politiques sur une ligne de crête ?

La révision de la loi n°05-047 / du 18 août 2005 portant charte des partis politiques occupe actuellement sans surprise toute l’attention des partis politiques maliens qui fourbissent leurs arguments dans le but de préserver l’essentiel de leurs intérêts ; ce qui est tout à fait rationnel de leur part. Leur comportement est d’autant plus justifié que la révision pourrait toucher au nombre des partis politiques et au mode de financement public des activités des partis politiques.

Faut-il limiter le nombre de partis politiques au Mali ?

Pour répondre efficacement à la question libellée ci-dessus, il serait judicieux de répondre clairement à celle-ci : pourquoi faut-il limiter le nombre des partis politiques au Mali ? Si la réponse à la première question peut être oui ou non ; celle qu’exige la seconde semble être moins simple.

Le principal objectif des formations politiques est la conquête du pouvoir (municipal, législatif (Assemblée et Sénat), Présidentiel et Exécutif), en tout cas dans les nations et territoires démocratiques. L’atteinte de cet objectif par les formations politiques passe préalablement par la fixation de leurs ancrages idéologiques politiques respectifs qui sous-tendent leurs programmes de société.

Les idéologies politiques forment un continuum partant de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par les idéologies centristes. Les deux principaux fondements contribuant à assoir les principales limites de chacune des formes d’idéologies politiques sont le degré de liberté économique et le degré de liberté individuelle acceptés par chaque formation politique. Si, les partis politiques d’extrême gauche prônent plus de liberté individuelle et moins de liberté économique ; ceux positionnés à l’extrême droite de l’échiquier politique sont moins enclins à la liberté individuelle tout en acceptant plus de liberté économique.

A cet effet, vouloir, un instant limiter le nombre des partis politiques dans un pays revient à s’attaquer frontalement à la liberté de pensée des citoyens. Car chaque formation politique est l’incarnation d’une idéologie politique singulière. Même s’il n’est pas rare de voir dans un pays plusieurs partis politiques partageant le même substratum idéologique tels que les partis socialistes, les partis républicains, les partis centristes, etc. C’est partant d’une telle considération que les « pères » du mouvement démocratique malien ont judicieusement opté pour le multipartisme intégral.

Partis politiques et pognon de l’Etat

Au premier article du chapitre V de la charte des partis politiques du Mali datée du 18 août 2005, il est écrit ceci : « Les partis politiques bénéficient d'une aide financière de l'Etat inscrite au budget de l'Etat à raison de 0,25 % des recettes fiscales. ». Sur la base de cet article (le 29ème de ladite charte), sous certaines conditions spécifiées dans le deuxième alinéa dudit article, l’Etat malien contribue financièrement au fonctionnement des formations politiques.

Question : la nouvelle charte doit-elle garder cet article ? Ma réponse est non. Cet article doit purement et simplement être supprimé. D’aucuns peuvent soutenir qu’un tel dispositif existe dans les pays occidentaux majeurs tels que la France, les Etats-Unis, l’Allemagne etc. Ma réponse demeure la même, les pays ne se valent pas ! En plus, la quasi absence de vertu politique au Mali annihile toute gestion vertueuse des financements reçus au sein des formations politiques. Enfin, la suppression du financement public des « activités des partis politiques » contribuera sûrement à réguler de manière sous-jacente l’épineuse problématique du nombre des partis politiques au Mali. En stoppant de manière définitive et irréversible ce financement, les partis politiques « zombies » seront frappés au portefeuille, ce qui sonnera le glas de leur existence.

Si limiter le nombre de partis politiques est une pratique liberticide ; par contre, arrêter le financement des partis politiques dans un pays comme le Mali ne peut être considéré comme une pratique contribuant significativement à rendre l’environnement socio-politique malien beaucoup plus ataraxique.

Madou CISSE

FSEG

 

Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Temps de lecture : 9 min

Les nouvelles taxes au Mali tuent-elles les taxes ?

Pour se soustraire des aides, des dons de l’extérieur, un nombre croissant de pays africains ont jugé nécessaire de reformer leurs politiques fiscales afin de mobiliser suffisamment de ressources à l’interne pour faire face avec efficacité à leurs obligations régaliennes.

Dans le cas du Mali, les autorités de la transition ont décidé de taxer davantage les services du secteur des télécommunications et des services financiers numériques (le mobile money).

Alors que « la fiscalité joue un rôle central dans le processus de développement des nations », les pays en développement cherchent à accroître le niveau de ces ressources, ce qui entraîne une augmentation de la pression fiscale qui affecte le comportement des contribuables. Ainsi, le développement du comportement de conformité fiscale des contribuables reste également un instrument à privilégier.

De Ibn Khaldoun à Arthur Laffer

L'idée que « trop d'impôt tue l'impôt » ou que « le taux d’imposition mange l'assiette » est ancienne. Elle remonte au 14è siècle avec les écrits d’Ibn Kaldoun qui soutenait que plus le taux d'imposition est élevé moins l'État perçoit de recettes du fait de la non-conformité des contribuables. Au-delà d'un certain niveau, lorsque l'impôt dépasse ce qui est acceptable pour le contribuable, l'impôt devient une charge déraisonnable. M. Friedman (1948) arrivait à la même conclusion, qui affirme qu'une pression fiscale plus élevée réduit directement le revenu disponible du contribuable.

Mais il revient à l'économiste américain Arthur Laffer, dans les années 1970, d'avoir tenté de théoriser ce qu'il nommait « l'allergie fiscale », et de l'avoir popularisée à l'aide de la courbe qui porte son nom. Cette fameuse courbe (qui aurait été tracée par Laffer pour la première fois sur une nappe d’un restaurant) qui porte désormais son nom décrit l'évolution des recettes fiscales en fonction du taux marginal d'imposition (recette supplémentaire générée par une augmentation d’une unité supplémentaire du taux d’imposition). Il montre quun taux d'imposition nul entraîne des recettes fiscales nulles de l’Etat, tandis qu'une augmentation du taux d'imposition marginal entraîne des recettes fiscales supplémentaires. En revanche, lorsque le taux atteint un certain niveau (taux d’imposition optimal) cependant, toute nouvelle majoration réduit les rentrées fiscales. Ce phénomène s'explique par le fait qu'un taux d'imposition élevé constitue un frein important à l'acquisition et à la déclaration de revenus imposables. La réduction du taux marginal d'imposition pourrait par conséquent accroître les recettes fiscales.

Le principal enseignement de la courbe de Laffer soutient que l’augmentation des taux d’imposition ne s’accompagne pas, nécessairement, d’une augmentation des ressources fiscales. Le corolaire d’un tel enseignement conduit à affirmer que des taux de taxation élevés favorisent la fraude et l’évasion fiscale, et par conséquent, donc les contribuables vont être dirigés vers des comportements de corruption. Inversement, un faible recouvrement fiscal conduit à des coûts financiers élevés en termes de contrôle fiscal, et donc un rythme faible de collecte des recettes fiscales.

Une revue de littérature aux résultats ambigus

En Afrique, au cours de ces dernières décennies, les services téléphoniques et argent mobile sont devenus une nouvelle source de recettes fiscales. Actuellement, 15 pays africains ont introduit des taxes sur l’argent mobile et d’autres services financiers numériques (SFN). Ces pays taxent souvent plus lourdement que les autres services financiers et les taux d’impositions varient d’un pays à un autre comme les taux effectifs également liés du montant de la transaction. Dans ces pays africains à faible revenu, les critiques craignent que ces taxes ne freinent la croissance des services téléphonie et argent mobile n’exercent un impact disproportionné sur les ménages aux revenus les plus faibles.

Sous l’effet de pressions budgétaires ou politiques, les taxes sur les SNF ont été conçues à la hâte dans certains pays africains. Sans surprise, les résultats ont souvent été critiqués et ont tous connu des modifications précoces de leurs taxes sur les SFN.

Selon l’étude de Akol et Lees (2021), En juillet 2018, l’Ouganda a instauré une nouvelle taxe sur la valeur des transactions d’argent mobile. Cette taxe a été introduite rapidement, sans suivre le processus habituel d’élaboration des politiques fiscales. Entre autres défauts de conception, le dépôt, l’envoi, la réception et le retrait d’argent étaient initialement taxés séparément, ce qui entraînait de multiples couches d’imposition sur chaque paiement. Cette nouvelle taxe est venue s’ajouter aux taxes générales existantes sur les frais de l’argent mobile, introduites pour la première fois en 2013. Face aux protestations généralisées et à la forte pression politique, le gouvernement a fait marche arrière en novembre 2018, abaissant le taux et limitant l’assiette de la taxe aux retraits.

Pour Noah et Tacneng (2024), au Cameroun, l’Etat a imposé une taxe de 0,2 % uniquement sur la valeur des transactions d’argent mobile, les banques étant exemptées. Malgré un taux d’imposition apparemment modeste, les prestataires d’argent mobile ont connu une baisse significative de leur rentabilité. Cela a été particulièrement le cas pour les agents traitant des montants plus importants d’argent mobile et des valeurs de transaction plus élevées.

Au Ghana l’impact est plutôt mitigé. Selon les études réalisées par Anyidoho et al. (2022) ; Abounabhan et al. (2024) ; Scarpini et al. (2024) ; Carreras et al. (2024), Tout d’abord, les 100 premiers cedis transférés chaque jour par un utilisateur sont exonérés de la taxe. Cela a rendu le prélèvement plus progressif en réduisant son impact sur les personnes à revenu modeste. Cependant, les personnes à faible revenu travaillant dans le secteur informel et devant effectuer des transactions très fréquentes sont toujours fortement touchées, et la connaissance limitée de l’exemption empêche de nombreux utilisateurs d’en tirer le meilleur parti. Ensuite, afin d’encourager une plus grande formalisation, sont exonérés les paiements aux commerçants qui sont enregistrés en tant qu’entreprises à la fois auprès des prestataires d’argent mobile et de l’administration fiscale du Ghana.

Les nouvelles taxes instaurées au Mali sont-elles au-dessus du seuil de taux d’imposition optimal désigné par Laffer comme le niveau d’imposition pouvant assurer le niveau maximal des recettes fiscales ? Seul le temps pourra répondre à cette interrogation. Ce qui est sûr, les nouvelles taxes sont loin de faire l’unanimité au sein de la population malienne quant à leur utilité et leur opportunité.

M. Abdoulaye CAMARA

Temps de lecture : 3min

Série : Economie en question (N°21)

Pourquoi la courbe d’offre de biens et services est-elle inclinée vers le haut ?

Le référentiel sacro-saint de l’économie de marché est le marché tant que faire se peut. Le marché sous-entend la confrontation pérenne entre offre et demande.

L’existence du marché des biens et services exige que la disponibilité à acheter des consommateurs soit toujours supérieure ou égale à la disponibilité à vendre des vendeurs. Sinon, l’existence du marché est entière compromise. Si les économistes admettent qu’en arrière-plan de la demande des biens et services il y a les utilités marginales des consommateurs et que cette présence explique généralement l’allure décroissante des courbes de demandes (le lecteur intéressé peut voir ma publication sur cette thématique à l’adresse suivante : https://cequejepensemali.blogspot.com/2024/11/serie-economie-en-question-n15-pourquoi.html ) ; alors qu’est-ce qui explique l’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services ?

Le vendeur accepte toujours de vendre son bien ou son service tant que le gap entre son prix de vente (ou sa disponibilité à vendre) et les disponibilités à acheter des consommateurs demeure positif ou nul. Généralement, sur les marchés des biens et services libres de toutes entraves, la disponibilité à vendre de chaque unité produite est mise en regard du coût supporté pour produire l’unité en question. Et dans les processus de production (sauf en cas de présence d’économies d’échelle ou d’autres formes de défaillances de marché majeures) le coût de production de chaque unité supplémentairement produite augmente au fur et à mesure que le vendeur augmente son échelle de production. En réalité, c’est cette dynamique d’augmentation de coût de chaque unité supplémentaire que d’aucuns appellent coût marginal de production qui explique l’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services. Car en creux, la disponibilité à vendre du vendeur intègre toujours ce coût marginal de production.

L’allure croissante de la courbe d’offre des biens et services a comme arrière-plan la croissance du coût marginal de production de chaque unité supplémentaire produite. Tant que ce coût croitra, la courbe d’offre sera toujours inclinée vers le haut. Et par voie de conséquence, le prix de vente du bien ou service augmentera aussi. C’est partant d’une telle liaison entre la quantité produite et le coût marginal de production que les économistes admettent la définition suivante du concept de l’offre de biens et services : les quantités de biens ou de services que les producteurs désirent vendre pour tout niveau de prix donné (donc, de coût marginal donné si le marché est concurrentiel pur et parfait).

Madou CISSE

FSEG

Articles les plus consultés