Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Processus de création monétaire

Dans cette 2ème partie l’objectif est de déterminer comment et par qui la monnaie est créée puis d’étudier dans quelle mesure il existe des limites à cette création monétaire.

Des notions telles que : les crédits font les dépôts, la création monétaire illimitée, les réserves obligatoires seront développés lorsqu’on va opposer le multiplicateur de crédit (classiques) au diviseur de crédit (Keynésiens)

Mécanisme de la création monétaire

La création monétaire (injection de la monnaie dans l’économie) consiste à accroitre la quantité de monnaie détenue par les agents non financiers (ANF). Ce pouvoir de création est exclusivement réservé aux institutions financières monétaires (Banque Commerciale, Banque Centrale et Trésor Public).- Création monétaire au niveau des banques commerciales

Les banques sont des établissements de crédit habilitées à recevoir les dépôts des particuliers (ménages, entreprises) et ayant le pouvoir de créer de la monnaie. Cette opération a lieu lors d’opérations de crédits de la banque vers ses clients. C’est pourquoi les économistes classiques (néoclassiques) disent que les crédits font les dépôts. La création de la monnaie par les banques est un jeu d’écriture. Les banques créent de la monnaie scripturale en créditant les comptes de ses clients.

Exemple : à la date t2020, la Banque B2 accorde un crédit de 100 F à l’entreprise X : c’est la phase de création monétaire. Les bilans de l’entreprise X et de la banque B2 se présentent comme suit : Compte courant(CC)

-          A l’actif du bilan, où sont enregistrées les créances de la banque, est inscrit le crédit accordé à l’entreprise X : + 100 ;

-          Au passif du bilan, où figure l’ensemble des dettes de la banque, le compte bancaire de l’entreprise Alpha est crédité du montant du crédit : + 100. L’inscription au passif de la banque correspond à une dette de la banque B2 vis- à-vis de l’entreprise X. En effet, l’entreprise X peut utiliser la monnaie dont elle dispose sur son compte pour effectuer les transactions souhaitées.

En théorie, et c’est le cas ici, le processus de création monétaire est illimité. La banque peut créer autant de monnaie qu’elle le souhaite. Il suffit qu’elle continue à accorder des crédits. Le processus de création monétaire a également lieu quand la banque autorise un découvert (compte bancaire débiteur), achète un actif réel (un immeuble par exemple) ou un actif financier (une action, une obligation, etc.). Quelle que soit la nature de lactif acquis par la banque, il y a création monétaire lorsque la banque crée de la monnaie en monétisant des actifs qui ne sont pas de la monnaie.

Cette création monétaire a une contrepartie. Puisqu’elle a lieu lors d’une opération de crédit, la contrepartie est une promesse de remboursement signée par l’emprunteur. A la date t+1(2021), l’entreprise X rembourse son crédit et son compte est débité de 100F: on parlera alors de destruction monétaire. A t+1, les bilans de deux agents se présentent ainsi:

Création monétaire au niveau de la Banque Centrale

La banque centrale crée de la monnaie sous forme fudiciaire. L’ensemble de la monnaie créée par la banque centrale est appelé monnaie de Banque centrale ou monnaie centrale.

La Banque centrale crée de la monnaie lors des opérations suivantes :

La demande de billets des agents non financiers auprès des banques commerciales (lorsqu’un agent non financier retire des billets au GAB (Guichet Automatique de Billets) de sa banque, il oblige cette dernière à se procurer de la monnaie fiduciaire auprès de la Banque centrale, seule émettrice de billets).

-          Lors de l’achat d’actifs réels, financiers ou de devises.

-          Lors des opérations de refinancement des banques commerciales auprès de la Banque centrale

La Banque Centrale crée de la monnaie scripturale qui est inscrite dans les comptes des banques commerciales dans les livres de la Banque centrale. Cette monnaie s’appelle monnaie Banque centrale ou base monétaire (par opposition à la monnaie de banque créée par les banques commerciales).

Si le montant en Monnaie Banque Centrale détenu par une banque commerciale devient insuffisant, cette banque doit immédiatement acheter de la monnaie Banque Centrale en cédant par exemple des titres, soit à d’autres banques commerciales, soit à la Banque Centrale : c’est l’opération de refinancement.

Création monétaire au niveau du Trésor Public

Lorsque le Trésor Public reçoit ordre d’effectuer un paiement, il a trois solutions. Il peut payer par pièces (monnaie divisionnaire) dont il a le monopole d’émission. Il peut aussi payer par crédit du compte du créancier, si ce dernier possède soit un compte au trésor, soit un compte à une banque commerciale. La troisième solution est que le trésor paye par débit de son compte auprès de la banque centrale. En pratique, le créancier reçoit un chèque au nom du trésor sur la banque centrale ou reçoit un virement de la banque centrale sur son compte (le cas pour le paiement des salaires des fonctionnaires).

Le Trésor Public peut également se refinancer auprès de la Banque centrale lorsque l’Etat a besoin d’un financement (par exemple pour financer la croissance économique).

Les limites à la création monétaire

Si le processus de création monétaire peut paraître, en théorie, illimité, ce n’est cependant pas le cas. Les banques commerciales doivent, en effet, faire face à des contraintes qui limitent et encadrent le pouvoir de création monétaire.
Afin d’assurer une gestion saine et prudente de leurs bilans, la banque centrale exige des banques de second rang qu’elles détiennent une part de leurs dépôts sur un compte auprès d’elle. Ce dépôt constitue les réserves obligatoires qui sont considérées comme une première limite au pouvoir de création monétaire des banques de second rang. La seconde limite vient par le comportement des ménages et entreprises qui demandent de crédits. Celles-ci sont limitées pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le pouvoir d’achat des agents est une donnée connue et il n’est pas illimité. Le besoin d’emprunts reste donc limité par l’évolution du pouvoir d’achat des agents. Ensuite, les entreprises attendent que leurs équipements soient amortis pour s’équiper à nouveau. Le niveau des taux d’intérêt est considéré comme agissant significativement sur la demande de crédits. Des taux d’intérêt élevés réduisent le volume de crédits accordés, car le montant à rembourser devient trop élevé pour les emprunteurs. Autrement dit, pour les agents économiques, les emprunts ont un prix, et lorsque ce prix augmente, les agents renoncent à emprunter.

M. Abdoulaye CAMARA

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Système bancaire et processus de création monétaire (1ère partie)

La banque est une très vieille institution, probablement l’une des plus anciennes. D’après les historiens, on trouve des témoignages d’activités bancaires remontant à environ 3500 ans avant Jésus Christ (J.C) avec les prêtres du Temple rouge d’Ourouk (actuel Delta du Tigre et de l’Euphrate dans la région de la Mésopotamie en Irak à l’époque sumérienne), période pendant laquelle brillait déjà la civilisation pharaonique en Egypte.

Un bref aperçu de l’histoire de l’évolution du système bancaire

Vers 2000 avant J-C, un vaste réseau de banques privées s’étendait de la Mésopotamie à tout l’Orient méditerranéen avec la pratique des prêts sur les marchandises (les graines). C’est dans le code d’Hammourabi, roi de la 1ère dynastie Babylonienne que l’on trouve la plus ancienne règlementation du dépôt de marchandise et du prêt sans usure.

L’histoire de la banque est intimement liée à celle de la monnaie qui a fait son apparition vers le 7è siècle avant J-C, où les opérations bancaires étaient principalement les opérations de caisse, rarement le crédit.

Les opérations de prêts et de dépôts en monnaie font leur apparition et prennent de l’ampleur avec les prêtres religieux ; au fil des siècles, ces prêtres furent remplacés par les laïcs qui seront à leur tour, relevés par les professionnels du métier.

Les historiens et les experts s’accordent sur la création de la première banque à Venise (en Italie) vers 1151 (11e siècle après (J.C) et la ville de Florence devenait une importante place bancaire.

C’est le début d’une véritable révolution au plan bancaire avec le développement du commerce et des affaires d’abord en Europe, mais aussi entre l’Europe et l’Orient, puis dans le reste du monde (Amérique, Asie et bien plus tard en Afrique).

Ainsi, les banquiers ont introduit des innovations dans l’exercice de leur métier avec la naissance de nouveaux instruments financiers dont :

-          L’introduction de la lettre de paiement, remplacée plus tard par la lettre de change qui se transmet entre créanciers par simple endossement pour parer aux risques liés au transport d’importantes sommes d’argent et d’or ;

-          L’apparition des Sociétés par Action (S.A.) et la spécialisation des activités bancaires ont fortement contribué à la naissance de véritables entreprises multinationales : les Fugger à Augsbourg (Allemagne), les Médicis, les Alberti ou les Strozzi à Florence (Italie).

La plus ancienne action connue, est celle de la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales qui date de 1606.

-          La naissance du chèque et l’introduction de la comptabilité en partie double ont favorisé la tenue des comptes ;

-          L’avènement et la circulation des certificats de papier remboursables en pièces d’or, vont contribuer à plus de création monétaire.

-          Les activités des orfèvres en Angleterre favorisent la création du billet à ordre à travers l’octroi de prêt en or.

-          Le maintien de l’or dans les banques constitue le système de réserves à la base des systèmes bancaires actuels.

Le système bancaire et son mode de fonctionnement

Le développement des activités économiques et la mondialisation nécessitent une quantité de plus en plus croissante de monnaie et de moyens de paiement dans les économies. Cette offre de monnaie émane principalement des activités de système bancaire et financier. Il s’avère dès lors important de s’intéresser à l’organisation et au mode de fonctionnement de ce système bancaire et financier.

Le système bancaire et financier est composé de trois types d’institutions :

-          les institutions bancaires et assimilées,

-          les institutions financières spécialisées,

-          le trésor public.

Les institutions bancaires et assimilées ont le privilège de recevoir les dépôts des particuliers et elles consentent des crédits. Les institutions financières spécialisées n’ont pas la possibilité d’accepter les dépôts mais accordent des crédits spécialisés ou gèrent l’épargne de leurs clients. Enfin, la troisième catégorie est constituée par le Trésor Public. Chacune de ces trois catégories est à son tour composée de nombreux éléments.

Les institutions bancaires et assimilées comprennent  la Banque Centrale (BC) encore appelée la Banque des banques.

 Aujourd’hui, tout pays ou toute union (UEMOA, UE…), quelle que soit sa taille, possède une banque centrale. La BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) est la banque centrale de la zone UEMOA. Cette banque centrale remplit trois fonctions essentielles. Elle agit comme banquier des banques commerciales, fournit la quantité de monnaie nécessaire au développement non inflationniste des transactions et gère les réserves de changes.

Les Banques commerciales ou Banques du 2nd rang, dans la zone UEMOA, ces banques sont au nombre 135 fin décembre 2023 dont elles se répartissent comme suit : Benin (14), Burkina Faso (16), Cote d’Ivoire (28), Guinée Bissau (6), Niger (14), Sénégal (29), Togo (14) et 14 au Mali qui sont : BDM, BIM, BNDA, BCS, BOA – MALI, AFG BANK MALI (AFG ML) ex BICI – M, BANQUE ATLANTIQUE, BMS, BCI – MALI, BSIC – MALI, ECOBANK-Mali, CORIS Bank International-MALI ; UNITED BANK FOR AFRICA - MALI (UBA - MALI).

Les banques commerciales sont marquées par leur diversité et par la multiplicité des fonctions qu’elles remplissent. Ces banques sont définies à partir des opérations qu’elles pratiquent à titre habituel (ou opérations de banque). Elles sont considérées comme les vraies créatrices de monnaie, dans la mesure où elles créent leur propre monnaie (monnaie scripturale) en accordant notamment des crédits aux agents économiques non financiers (Ménage, Entreprises, Etat). Elles collectent les dépôts et assurent en partie le financement de l’économie.

Les institutions financières spécialisées, parmi ces institutions financières spécialisées on distingue les compagnies d’assurance qui gèrent des capitaux importants. Ces capitaux proviennent des primes d’assurance versées par les clients au titre de risques (assurance habitation, automobile, etc…). Ces produits d’assurance constituent le métier initial des assureurs. Par la suite, les assureurs ont élargi leur domaine de compétence en concurrençant les banques sur le terrain de la gestion de l’épargne, d’où l’expression de bancassurance. Et les Organismes de Placement collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM). Leur rôle est l’acquisition et la gestion de portefeuilles composés essentiellement de valeurs mobilières (actions, obligations, titres du marché monétaire…). Ces OPCVM à l’intention des épargnants sont constitués d’une part par les Sociétés d’Investissement à Capital Variable (SICAV), et d’autre part par les Fonds Communs de Placement (FCP) – La société regroupe les capitaux déposés chez elle et gère le portefeuille acquis avec ces fonds. Enfin les sociétés de financement qui comprennent à leur tour les sociétés de crédit à la consommation, elles ont été créées par des entreprises commerciales ou industrielles pour faciliter la diffusion de leurs produits. Les établissements de crédit-bail, Cette forme de crédit (appelée aussi location-vente) est employée par les particuliers et par les entreprises. Les sociétés utilisent cette formule pour acheter biens d’investissement et les particuliers pour acquérir des biens de consommations durables.

Le Trésor Public est le caissier de l’Etat, ce qui signifie que toutes les opérations financières réalisées par l’Etat (recettes fiscales, paiements des fonctionnaires…) passent par lui. Le Trésor Public crée de la monnaie divisionnaire (pièces de monnaie), et peut s’endetter également auprès de la Banque centrale.

M. Abdoulaye CAMARA

 Série : Economie en question (N°17)

Incertitudes et les asymétries d’information

Quand on parle d’incertitude, le clivage est net entre orthodoxes et hétérodoxes. Si les derniers cités soutiennent l’impossibilité de probabiliser les différents états de la nature associés aux activités des agents économiques ; ce qui les pousse à défendre le concept de l’incertitude radicale. Pour les premiers, il est bel et bien possible de probabiliser les différents états du monde associés aux évènements aléatoires des agents. D’où l’existence d’une incertitude probabilisable ou risque pour eux.

Malgré ce dualisme, les deux camps sont d’accord sur un fait : l’existence de l’incertitude n’est pas toujours un frein au fonctionnement optimal des activités économiques. En d’autres termes, les activités économiques fonctionneront de manière optimale même en situation d’incertitude ; qu’elle soit radicale ou risquée, mais à condition qu’elle soit uniformément répartie. C’est-à-dire que si l’incomplétude de l’information est la même pour tous les participants aux activités. Et pourtant, il y a incertitude et il y a incertitude !

Les situations d’incertitude dans lesquelles l’incomplétude de l’information n’est pas uniformément répartie entre les participants ou agents économiques – ce qui suppose qu’un ou plusieurs participants ont accès à certaines informations que les autres n’ont pas – ne conduisent pas à des résultats optimaux. La détention de telles informations est nommée dans le jargon économique « Asymétrie d’information » ou « information privée ». Une telle situation conférera à son détenteur une « rente informationnelle ».

Il y a asymétrie d’information quand des agents qui participent à un jeu (toute situation d’interaction) détiennent des informations cachées. Ce qui renvoie aux jeux dont la structure d’information est incomplète et non uniformément répartie.

Les informations cachées détenue peuvent être relatives soit aux caractéristiques d’une personne, d’un animal ou d’une chose soit aux attitudes ou comportements d’une personne. Dans le premier cas, l’asymétrie d’information peut conduire à des résultats d’antisélection tandis que dans le dernier cas, elle conduira à des aléas moraux.

Si l’incertitude ne conduisant pas à la détention d’information privée n’est point jugée par les économistes comme nuisible au fonctionnement de l’économie du point de vue de l’optimalité ; par contre, celle qui conduit aux asymétries d’information (antisélection et aléa moral) constitue une cause majeure de défaillance de marché. Dans une telle situation, l’intervention extérieure – celle des autorités par exemple – dans le fonctionnement des activités concernées doit être impérativement de mise.

Madou CISSE

FSEG

 Série : Economie en question (N°16)

Politiques monétaires non conventionnelles : l’assouplissement quantitatif

Dans leur ouvrage collectif « Théorie de la régulation, un nouvel état des savoirs » publié en 2023, les régulationnistes, Boyer et alliés définissent le régime monétaire comme étant l’ensemble des règles qui président à la gestion du système de paiement et du crédit. Ces règles sont mises en œuvre par les banques centrales. Dans le processus de mise en œuvre de ces règles, ils existe deux principales mesures à savoir : les mesures conventionnelles et les mesures non conventionnelles.

L’adoption du régime monétaire basé sur la confiance des nouveaux keynésiens à partir des années 1990 par les banques centrales a définitivement imposé le ciblage du taux d’inflation comme la principale règle de gestion des banques centrales dans le monde.

En cas d’écart positif (respectivement négatif) entre le taux d’inflation observé et la cible retenue, les autorités monétaires adoptent les mesures conventionnelles pour corriger l’écart constaté. Ces mesures utilisent un outil (le taux de refinancement) et elles ont des canaux de transmission qui sont le taux d’intérêt interbancaire (fixé sur le marché monétaire) et le taux de crédit bancaire (fixé sur le marché du capital).

Concrètement, pour la mise en œuvre des mesures conventionnelles, les autorités monétaires augmentent (respectivement diminuent) le taux de refinancement qui contracte (respectivement augmente) par ricochet l’offre de monnaie centrale ou monnaie fiduciaire (les billets et les jetons). Car une telle mesure impacte significativement à la hausse (respectivement à la baisse) le taux interbancaire qui à son tour impactera à la hausse (respectivement à la baisse) le taux du marché du crédit bancaire. Ce qui impactera à son tour la demande globale et en bout de chaine le niveau général des prix des biens et services donc réinstaure la cible d’inflation fixée.

Les mesures conventionnelles ainsi décrites sont des mesures appliquées quand l’évolution de l’économie est jugée « normale ». Une situation caractérisée par des taux d’inflation positifs et un taux de refinancement positif.

Malheureusement, dans les périodes de crises financières aiguës comme celles de 2007-2008 qu’ont connues les Etats-Unis et l’Europe pour ne citer que ces deux zones, les taux d’inflation peuvent devenir négatifs (situation de déflation) et le taux de refinancement tendant vers zéro. Dans de telles situations exceptionnelles, les mesures conventionnelles deviennent inefficaces. D’où la nécessité d’adopter de nouvelles mesures appelée mesures non conventionnelles.

Les autorités monétaires assurent la stabilité financière en jouant le rôle de prêteur et de teneur en dernier ressort système financier. Dans cette vision, elles peuvent mettre en œuvre des mesures non conventionnelles de politique monétaire dont la principale est l’assouplissement quantitatif ou détente quantitative (quantitative easing en anglais). Les objectifs ultimes de telles mesures étant la relance de l’économie et la hausse du niveau général des prix (lutte contre la déflation).

Quand la crise financière conduit à la trappe à liquidité (taux de refinancement quasi nul) combinée à une déflation économique, les banques centrales peuvent en ce moment intervenir directement sur le marché financier (marché primaire et secondaire) en achetant les obligations (étatiques et privés). Par un tel comportement, les banques centrales vont augmenter la demande de ce type d’actif. Ce qui conduit à une diminution de la rémunération de cet actif financier tout en injectant de la liquidité dans l’économique. En optant pour une telle mesure (injection de liquidité), les banques centrales peuvent relancer l’économie en renflouant les institutions financières menacées de faillite et aussi redynamiser les activités économiques de consommation et d’investissement. In fine, elle booste la demande globale.

Une autre variante de la détente quantitative consiste de la part des banques centrales d’octroyer des prêts en quantité quasi illimitée aux banques de second rang pour des durées significativement plus longues atteignant souvent des années que la semaine habituellement requise lors des opérations de refinancement (comme ce fut le cas de la Banque Centrale Européenne à travers les « Long Term Refinancing Operations » LTRO).

A la suite de Deng Xiaoping, qui disait en 1962, je cite « Peu importe qu'un chat soit noir ou blanc, s'il attrape la souris, c'est un bon chat » ; je soutiens : peu importe que la politique monétaire soit conventionnelle ou non conventionnelle, qu’elle soit capable d’instaurer la confiance des agents économiques tout en relançant les activités économiques, elle est une bonne politique économique.

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Banque centrale et monnaie : que retenir des agrégats monétaires ?

L’opération de mesure de la quantité de monnaie existante dans un pays relève de la mission des autorités monétaires (Banque Centrale). D’abord, les autorités monétaires doivent veiller au bon fonctionnement de l’ensemble des paiements et surveiller le système bancaire et financier. Ensuite, elles doivent définir et mettre en œuvre la politique monétaire.

Dans la zone UEMOA, la BCEAO (Banque centrale) dispose un ensemble d'agrégats monétaires harmonisés : Ml, M2 et M3. Ces agrégats permettent de calculer la quantité de monnaie en circulation dans la zone UEMOA. La part de chaque pays de la zone est aussi calculée.

La construction des agrégats monétaires dans la zone UEMOA

On appelle agrégat monétaire au sens strict l’ensemble des moyens de paiement ou de règlement détenus par les agents non financiers d’un pays donné. Cette monnaie peut avoir deux formes : fudiciaire et scripturale. Cette définition ne tient pas compte d’autres actifs financiers qui, sans être parfaitement liquides et utilisables en tant que tels comme moyens de règlements, sont très facilement transformables en monnaie au sens strict. Mais vont donc être inclus dans des agrégats au sens large, en plus de la monnaie au sens strict, l’ensemble des actifs financiers qui sont facilement et rapidement convertibles en moyens de paiements.

Le principal problème conceptuel, dans la construction des agrégats monétaires, est celui de la frontière entre monnaie proprement dite et autres actifs financiers plus ou moins liquides. En pratique, la construction des agrégats utilise plusieurs critères. Tout d’abord un critère fonctionnel qui consiste à distinguer entre ce qui est un moyen de paiement proprement dit et ce qui ne l’est pas, et à classer ces seconds éléments selon un degré de liquidité décroissant. Mais ce critère ne suffit pas à ordonner la grande variété des actifs financiers intégrables dans les agrégats.

Un critère institutionnel est également utilisé : les actifs vont être distingués selon la nature de l’institution (banques, trésor, entreprises, etc.) qui les gère ou les émet. Ces deux critères sont appliqués dans beaucoup de pays, mais le critère de durée de l’actif est aussi adopté dans d’autres pays.

Enfin, beaucoup de pays adoptent le principe de l’emboitement, c’est-à-dire que tout agrégat est inclus dans un autre agrégat de rang supérieur jusqu’à un rang maximum.

Le contenu actuel des agrégats de la zone UEMOA

La masse monétaire (quantité de monnaie en circulation dans une économie) regroupe les actifs liquides, y compris les actifs négociables sans risque en capital. Ce regroupement s’effectue en 3 étapes, définissant chacune un agrégat incorporant des actifs de moins en moins liquides et dénommés respectivement M1, M2 et M3.

a°) L’agrégat M1, est le plus étroit. Il correspond aux disponibilités monétaires ou ensemble des « moyens de paiement » et comprend la monnaie divisionnaire (les pièces), la monnaie fiduciaire (les billets) et la monnaie scripturale (les dépôts à vue appelés comptes courants) détenues par les agents non financiers résidents dans la zone UEMOA.

b°) L’agrégat M2, appelé agrégat monétaire intermédiaire, comprend de l’agrégat M1, auquel s'ajoute les éléments intégrés dans (M2-M1), c'est-à- dire toutes les autres formes de dépôts. L'agrégat M2 regroupe donc l'ensemble des actifs monétaires disponibles à vue ou avec un préavis inférieur ou égal à trois mois, rémunérés ou non, ou à terme mais d'une durée inférieure à deux ans qui sont détenus par les agents non financiers résidents et qui sont les plus directement liés aux transactions sur biens et services.

c°) L’agrégat M3, agrégat monétaire au sens large, est constitué de M2 auquel s'ajoutent les éléments intégrés dans (M3-M2), c'est-à-dire des instruments négociables émis par les institutions financières monétaires. Il s'agit des pensions, des fonds de placement commun, des titres de créance d'une durée initiale inférieure  à deux ans et des titres du marché monétaire. L'agrégat M3 est donc constitué en ajoutant à l'agrégat M2 les placements à court ou moyen terme pour lesquels la liquidité avant le terme du placement fait courir un risque de perte sur le montant nominal du placement qui est nul (cas des bons non négociables par exemple) ou probablement limité (les titres de créances négociables sur le marché monétaire etc. et les fonds de placement commun).

M. Abdoulaye CAMARA

Série : Economie en question (N°15)

Pourquoi la demande des biens et services est généralement une fonction décroissante de leurs prix ?

S’il y a une question en science économique dont la réponse semble être triviale même pour les économistes « apprentis », c’est celle relative à l’allure de la courbe de la demande des biens et services. La réponse qui est systématiquement donnée fait référence à la loi de la demande (une loi qui établit une relation inverse entre la quantité demandée des biens ou des services et leurs niveaux de prix).

La réponse devient moins systématique, même parmi les économistes de « métiers » face à la question tentant maintenant à déterminer le fondement de la loi de la demande !

Si la loi de la demande peut être assimilée au plan, le mécanisme qui la fonde peut être assimilée à l’arrière-plan pour reprendre l’expression utilisée par P. A. Samuelson dans son livre L’Economique (Tome 1).

Le triomphe du marginalisme à partir de la fin du 19ème siècle a imposé le concept de l’utilité totale et son corollaire logique le concept de l’utilité marginale comme les principes déclencheurs de la demande des biens et des services. Suivant les préceptes de cette école de pensée, au fur et à mesure que la consommation d’un bien ou d’un service augmente (suite à une disponibilité accrue dudit bien / service), les quantités successivement consommées apportent des niveaux d’utilité supplémentaires de plus en plus faibles. Donc, c’est la décroissance de l’utilité marginale qui fonde la loi de la demande. Comment ?

Comme les économistes aiment très souvent à le dire, l’économie, c’est la subtilité. Si l’utilité totale obtenue à la suite de la consommation d’un bien ou d’un service représente la valeur de ce bien ou de ce service pour le consommateur ; et cette utilité étant obtenue par le cumul de l’utilité marginale qui est décroissante au fur et à mesure que la quantité consommée augmente. Partant d’une telle conception, il est logique d’admettre que plus la quantité disponible d’un bien ou d’un service augmente, moins ce bien ou ce service serait désiré par les consommateurs. Dans une telle perspective, le consommateur ne serait plus prêt à mettre autant de valeur dans ledit bien / service quand sa quantité disponible devient importante.

La présentation faite supra conduit à conclure que l’élément fondateur de la loi de la demande est le principe de la décroissance de l’utilité marginale qui est en arrière-plan de la fameuse loi de la demande. Ce qui permet de soutenir que la fonction de la demande va mettre en relation en ce moment, les quantités disponibles des biens et services et les différents niveau d’utilités supplémentaires (utilités marginales) que chaque unité consommée du bien ou du service génère. En estimant monétairement chaque niveau d’utilité marginale par le prix, il est possible dans ce cas, de mettre en relation les quantités demandées d’un bien / service et les niveaux de prix. Ce qui conduit à l’établissement des fonctions de demande régulières ou typiques.

Si c’est la décroissance de l’utilité marginale qui fonde la loi de la demande et conduit par voie de conséquence aux fonctions de demande typiques, comment expliquer alors l’existence des fonctions de demande atypiques ?

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

La monnaie (3ème et dernière partie) : approche conceptuelle de la monnaie

Apres les deux premières parties consacrées aux formes et aux fonctions que remplit la monnaie, cette troisième partie va aborder l’approche conceptuelle que l’analyse économique a proposée de la monnaie. L’approche conceptuelle recouvre trois conceptions de la monnaie qui en font soit un bien, soit un actif, soit une institution.

La conception de la monnaie comme un bien

La monnaie est-elle un bien ? Ainsi, une série de questions est évoquée sur le type de biens auquel la monnaie doit être rattachée. S’agit-il d’un bien de consommation ou d’un bien de production ? S’agit-il d’un bien privé ou d’un bien public ? Des réponses apportées à ces questions dépendent de l’appréhension du phénomène monétaire

-          Bien de consommation ou bien de production

Il appartient à ces deux économistes néo-classiques de renoms M. Friedman et Don Patinkin d’avoir adopté et développé cette conception. La monnaie n’est pas directement confondue avec ces deux types de biens mais ce sont les services rendus par sa détention qui sont formellement assimilées aux services rendus par les biens de consommation ou par les biens de production. En outre, il ne s’agit pas de choisir entre l’une ou l’autre de ces assimilations, mais de retenir le bien de consommation pour les ménages, et le bien de production pour les entreprises.

-          Bien privé ou bien public

La monnaie revêt à la fois les caractéristiques d'un bien privé et d'un bien public. La monnaie est un bien privé au sens où elle est fait l'objet d'une offre et d'une demande et que sa détention a un prix (sinon un coût d'opportunité : elle coûte ce qu'elle ne rapporte pas, à savoir le taux d'intérêt qui rémunère d'autres actifs moins liquides et plus risqués). Mais elle est aussi un bien public ou collectif, au sens où sa disponibilité, sa circulation et la préservation de sa valeur sont indispensables au bon fonctionnement des échanges et donc à celui de l'économie dans son ensemble. Son usage relève ainsi de l'intérêt général. Cette nature collective de la monnaie justifie l'attention que lui portent les pouvoirs publics en réglementant les acteurs qui la créent : banque centrale (la banque de premier rang) et banques de second rang (ensemble des banques commerciales qui gèrent des dépôts et octroient des crédits).La monnaie, détenue par chacun en tant que bien privé, a les caractéristiques d'un bien exclusif et rival : la quantité de monnaie que je détiens m'appartient exclusivement, c'est une partie infime de la quantité totale de monnaie en circulation (appelée masse monétaire) qui, tant que je ne la dépense pas, ne pourra pas être utilisée par quelqu'un d'autre…

La conception de la monnaie comme actif

« La monnaie détenue par un agent économique est un élément de sa richesse ». Ainsi sont fournies les raisons qui permettent de considérer la monnaie comme un actif. La monnaie est un actif parce qu’elle remplit la fonction de réserve de valeur, la monnaie entre dans le patrimoine des agents aux cotés des actifs financiers et d’actifs monétaires.

Pourquoi la monnaie, plus précisément l’actif monétaire se distingue des autres actifs présents dans le patrimoine ?

L’actif le plus liquide : la monnaie se distingue parce qu’elle ne représente pas de risque en principe. Sa valeur nominale est stable : absence de risque de capital. Il est immédiatement disponible pour le règlement des transactions : absence de risque d’illiquidité. « La monnaie est la liquidité par excellence ». Le concept de monnaie est ainsi remplacé par celui de liquidité. On déplace alors le problème de la définition de la monnaie vers le problème de la définition de la liquidité et les actifs peuvent être classés suivant leur degré de liquidité.

L’actif qui ne rapporte pas d’intérêt : Sa distinction des autres actifs se fait par le non-paiement d’un intérêt au débiteur. Pour J Hicks ce non-rendement est dû à une structure monopolistique ou oligopolistique de l’émission de la monnaie. Cependant la monnaie peut être détenue pour elle-même à cause des coûts de transactions de la quasi monétaire, du taux d’intérêt (arbitrage), coût d’opportunité (subjectivistes).

Les propriétés de la monnaie qui en font l’actif le plus liquide, expliquent pourquoi les agents cherchent à détenir une partie de leur patrimoine sous forme de monnaie et c’est en vue d’expliquer ce comportement que des économistes comme Keynes ont élaboré différentes théories. Keynes l’intitule la théorie de la préférence pour la liquidité.

La conception de la monnaie comme une institution

Menger dans son analyse sur l’émergence de la monnaie va privilégier les caractéristiques marchandes des biens et leur échangeabilité pour expliquer leur aptitude à être sélectionnés comme moyens d’échange, à leurs caractéristiques physiques. Il explique cette émergence comme celle d’une institution sociale organique résultant de l’action humaine, sans être pour autant le produit d’un dessein spécifique.

Pour Menger, comme pour Wicksell, la nature décentralisée des échanges exige de procéder à des échanges indirects et donc à utiliser des intermédiaires d’échange. Au fur et à mesure de l’expansion des marchés, les intermédiaires les plus avantageux sont ceux dont les propriétés marchandes sont les plus grandes. Leur échangeabilité fonde leur acceptabilité en tant que moyen d’échange, et la généralisation de cette acceptabilité résulte d’un processus d’imitation des individus. Les moyens d’échange sont étroitement liés au fonctionnement et au développement des marchés.

Institution marchande par essence, la monnaie n’a pas été créée par décret. La monnaie est constituée « indépendamment de toute convention et de toute loi », les agents sont conduits par leur propre intérêt, sans accord préalable, sans contrainte législative, et même sans référence à l’intérêt général à adopter l’institution monétaire qui facilite, au sein des économies de marché, la coordination des actions et interactions individuelles. On retrouve ainsi le principe de main invisible d’Adam Smith, et l’ordre spontané d’Hayek.

M. Abdoulaye CAMARA

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

La monnaie (2ème partie) : ses fonctions

Pour définir la monnaie, les économistes s’appuient plus souvent sur une définition fonctionnelle, c’est-à-dire les différentes fonctions qu’elle remplit. L’essence de la monnaie, dans la tradition aristotélicienne, est appréhendée par les trois fonctions

La monnaie comme une unité de compte : est celui de la monnaie comme instrument de mesure de la valeur relative de biens hétérogènes. Prenons l’exemple d’une économie composée de trois biens : tomates, pain et ordinateurs. Dans une telle économie, les prix relatifs correspondent au prix des tomates en termes de pain ; au prix des tomates en termes d’ordinateurs ; au prix du pain en termes d’ordinateurs. Il y a donc trois prix relatifs. Si nous avions étudié une économie avec quatre biens, nous aurions obtenu six prix relatifs, etc. Le nombre de prix relatifs se calcule selon la formule : n (n-1) / 2 (où n est le nombre de produits échangeables).

On voit donc que plus il y a de biens dans l’économie, plus il y a de prix relatifs. D’où l’utilité d’obtenir un dénominateur commun qu’est la monnaie. La monnaie permet en effet d’exprimer les prix des biens avec une seule et même unité (par exemple en euro, en dollar, etc.).

La monnaie comme un Intermédiaire des échanges : La monnaie permet de pallier aux inconvénients du troc en intervenant comme moyen de règlement accepté par tous. Elle permet non seulement d’acquérir n’importe quel bien ou service, mais également de régler n’importe quelle dette. On dit que la monnaie a un pouvoir libératoire.

1.     Les inconvénients du troc

Est qualifié de troc, lorsque les transactions se font en nature, les biens s’échangeant contre les biens. Le système de troc le plus primitif est celui où les agents désireux de procéder à un échange n’ont ni lieu précis, ni date connue d’avance, ni partenaire privilégié pour effectuer leurs transactions. Par ses inconvénients, un tel système peut servir de référence pour comprendre l’apparition d’autres d’organisation des échanges. Ces inconvénients comportent des coûts liés aux échanges.

Les couts du troc : deux types de couts liés aux échanges peuvent être distingués :

-         Les couts de transaction correspondent aux couts engendrés directement par le déplacement de l’individu qui souhaite réaliser un échange ainsi que les couts liés au temps et aux efforts requis pour réaliser la double coïncidence entre les désirs d’échange.

-         Le cout d’information : pour que la transaction puisse avoir lieu, il faut une double coïncidence de volonté, c’est-à-dire l’agent désireux d’échangé par exemple du bien A contre du bien B, devra tout d’abord trouver un autre agent qui accepte, lui, d’échanger du bien B contre du bien A.

2.     La réduction des inconvénients du troc :

Le système de troc « primitif », s’il a existé dans des sociétés closes ou les agents et les biens sont en nombre limité. Dans des économies plus complexes, la réduction des inconvénients du troc devient essentielle pour atteindre l’équilibre des échanges. Cette réduction a été assurée par des innovations dans les techniques d’échange dont les deux principales sont :

-         La place d’échange : pour faciliter la rencontre est de créer une place d’échange en un lieu déterminé, ouverte à certaines dates précises, et sur laquelle les agents peuvent se retrouver pour échanger leurs. Ce marché au sens courant du terme, comme les souks des pays arabes ou les foires u Moyen Age, réduit les couts d’information du troc, sans les supprimer totalement.

-         La maison de compensation : la création d’une maison de compensation, d’un organisme de « clearing », permet de desserrer les contraintes du troc. Elle introduit une sorte d’écran entre les agents désireux de modifier leur dotation initiale de biens. Ces agents n’échangent plus directement entre eux, mais passent par l’intermédiaire que constitue la maison de compensation. Chacun y dispose ses biens à échanger, et peut obtenir pour une valeur équivalente des biens disposés par les autres.

La monnaie comme une réserve de valeur : après les fonctions d’évaluation et de transaction, la troisième fonction généralement attribuée à la monnaie est une conservation des valeurs. Enoncer que la monnaie remplit la fonction de réserve de valeur correspond en fait à deux acceptions différentes :

-         Reserve de valeur au sens fort : la monnaie est une réserve de valeur lorsqu’elle est conservée, concurremment aux autres biens capitaux pour constituer le portefeuille ou le patrimoine des agents.

-         Reserve de valeur au sens faible : lorsqu’elle est détenue temporairement, non comme élément constitutif d’un patrimoine, mais en tant que « moyen d’échange futur ».

Au sens faible comme au sens fort, l’aspect réserve de valeur de l’intermédiaire général des échanges supposent que la monnaie soit détenue par les agents et que soient donc constituées des encaisses monétaires.

M. Abdoulaye CAMARA

Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC

La monnaie (1ère partie): les formes de monnaie 

Contrairement aux lois et aux règlements, la monnaie n’a pas été instituée par aucun comité ou groupe de personnes de manière volontaire. Elle est le fruit d’une imitation. En d’autres termes, la monnaie est le résultat d’un ordre spontané (Kosmos) pour reprendre une expression popularisée par Friedrich August von Hayek (1899-1992) économiste et philosophe.

Lorsque l’on évoque la monnaie en économie, on pense immédiatement aux pièces et aux billets dont on se sert dans la vie de tous les jours. Toutefois, comme nous le verrons, la monnaie est bien plus complexe. Mais avant d’entrer dans les détails des descriptions de la monnaie, il convient, ne serait-ce que pour savoir de quoi l’on parle, de répondre à la question suivante : qu’est-ce que la monnaie ?

La réponse à la précédente question ne peut être immédiate et précise car il existe plusieurs façons d’appréhender la monnaie. La diversité des visions permet de rendre compte de l’aspect multidimensionnel de l’instrument monétaire. Aussi, nous proposons de cerner, tant bien que mal, dans une série de publications dont la première est celle-ci la nature de la monnaie en développant trois approches : les formes de monnaie, les fonctions d’une monnaie et enfin la dimension conceptuelle de la monnaie.

Dans la présente contribution, nous faisons un focus sur les principales formes de monnaie à travers l’évolution histoire.

Des paléomonnaies à la monnaie virtuelle (le bitcoin)

Traditionnellement, la naissance de la monnaie, dans sa forme métallique, est attribuée à la Lydie (Anatolie) au début du VIIè siècle avant Jésus Christ. C’est à cette date que l’on voit apparaitre des pièces d’electrum (mélange or et argent). Mais des formes métalliques de monnaie ont bien existé antérieurement, ce fut le cas de la Chine dont la découverte semble remonter à plus de 1000 ans avant Jésus Christ.

Dans le code d’Hammurabi, on en trouve aussi des traces à plus de 1700 ans avant Jésus Christ. On ne peut donc dater la naissance de la monnaie et considérer, comme pour d’autres inventions, que sa diffusion ait répondu continu et progressif.

Par ailleurs, la monnaie initialement utilisée n’est pas un objet particulier spécifiquement créé pour sa fonction monétaire mais plutôt un objet, notamment une marchandise déjà connue, auquel on va attribuer plus ou moins le rôle de la monnaie. Il s’agit d’un objet accepté par tout le monde comme contrepartie dans les échanges. Si les métaux précieux (or, argent) sont souvent utilisés comme monnaie (c’est le cas de la Grèce antique et chez les Romains) bien d’autres objets (coquillage, barre de sel, épi d’orge, tête de betail…) ont joué ce rôle. On remarquera qu’il s’agissait toujours d’une marchandise, elle-même objet d’échange, d’où le nom de monnaie marchandise.

La forme métallique est la plus fréquente parce qu’elle présente simultanément les caractéristiques suivantes : elle est inaltérable ; facilement divisible ; enfin les métaux précieux sont rares et recherchés.

La monnaie métallique, la forme idéale de la monnaie marchandise, elle a connu plusieurs techniques d’utilisation.

-         la monnaie pesée : le règlement des transactions s’effectue en pesant des lingots d’or et/ou argent. Dans l’empire romain, ce rôle de porteur de balance était tenu par le libripens qui pesait la quantité d’or convenue par les co-contractants. En Chine, en Egypte ancienne, comme dans l’antiquité, existaient des peseurs chargés de garantir le poids de métal correspondant à la valeur de la transaction.

-         la monnaie comptée : les lingots étaient coupés en morceaux de poids prédéfinis, fourré des métaux non précieux en boules et disques aplaties plus commodes et plus sûrs.

-         la monnaie frappée : des autorités, religieuses ou politiques, vont attester, par le seau ou le signe qu’elles frapperont sur les pièces, la valeur de celle-ci (titre, poids).

Un tournant majeur : les monnaies fiduciaire, scripturale et électronique

En dépit du rôle considérable de la monnaie métallique, d’autres formes de monnaie cœxistaient et étaient utilisées comme moyen de paiement : la monnaie fiduciaire (les billets) et la monnaie scripturale (les comptes courant).

-         Monnaie fiduciaire (en latin fudicia signifie confiance) composée des billets de banque et des pièces de monnaie appelées monnaie divisionnaire. La monnaie fiduciaire est donc celle dont la valeur repose sur la confiance qu’ont les individus dans les institutions qui émettent.

-         La monnaie scripturale: Son nom vient du latin « scriptura » qui signifie écriture. Elle est créée par un simple jeu d’écritures dans les comptes de dépôts à vue. La monnaie scripturale s’exprime donc sous la forme d’un jeu d’écritures (crédit ou débit d’un compte bancaire courant) entre deux individus ayant un compte bancaire au sein d’une même banque ou entre deux individus détenant des comptes bancaires dans deux banques distinctes.

-         Monnaie électronique ou monétique: La monnaie électronique peut être définie comme l’ensemble des techniques informatiques, magnétiques, électroniques et télématiques permettant l’échange de fonds sans support de papier. Il s’agit d’une nouvelle façon de gérer la monnaie scripturale. Actuellement, avec le développement de la programmation informatique, les différentes banques centrales commencent à lancer des monnaies numériques de banque centrale (MNBC). L’objectif visé par une telle initiative de la part des banques centrales est de ne pas perdre de terrain face aux nouvelles monnaies numériques qui essaiment la toile mondiale. Dont la principale est le bitcoin.

M. Abdoulaye CAMARA

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