Série : Economie en question (N°16)
Politiques
monétaires non conventionnelles : l’assouplissement quantitatif
Dans leur ouvrage collectif « Théorie de la
régulation, un nouvel état des savoirs » publié en 2023, les
régulationnistes, Boyer et alliés définissent le régime monétaire comme étant l’ensemble
des règles qui président à la gestion du système de paiement et du crédit. Ces
règles sont mises en œuvre par les banques centrales. Dans le processus de mise
en œuvre de ces règles, ils existe deux principales mesures à savoir : les
mesures conventionnelles et les mesures non conventionnelles.
L’adoption du régime monétaire basé sur la confiance des
nouveaux keynésiens à partir des années 1990 par les banques centrales a
définitivement imposé le ciblage du taux d’inflation comme la principale règle
de gestion des banques centrales dans le monde.
En cas d’écart positif (respectivement négatif) entre le
taux d’inflation observé et la cible retenue, les autorités monétaires adoptent
les mesures conventionnelles pour corriger l’écart constaté. Ces mesures utilisent
un outil (le taux de refinancement) et elles ont des canaux de transmission qui
sont le taux d’intérêt interbancaire (fixé sur le marché monétaire) et le taux
de crédit bancaire (fixé sur le marché du capital).
Concrètement, pour la mise en œuvre des mesures
conventionnelles, les autorités monétaires augmentent (respectivement
diminuent) le taux de refinancement qui contracte (respectivement augmente) par
ricochet l’offre de monnaie centrale ou monnaie fiduciaire (les billets et les jetons).
Car une telle mesure impacte significativement à la hausse (respectivement à la
baisse) le taux interbancaire qui à son tour impactera à la hausse
(respectivement à la baisse) le taux du marché du crédit bancaire. Ce qui
impactera à son tour la demande globale et en bout de chaine le niveau général
des prix des biens et services donc réinstaure la cible d’inflation fixée.
Les mesures conventionnelles ainsi décrites sont des
mesures appliquées quand l’évolution de l’économie est jugée
« normale ». Une situation caractérisée par des taux d’inflation
positifs et un taux de refinancement positif.
Malheureusement, dans les périodes de crises financières
aiguës comme celles de 2007-2008 qu’ont connues les Etats-Unis et l’Europe pour
ne citer que ces deux zones, les taux d’inflation peuvent devenir négatifs (situation
de déflation) et le taux de refinancement tendant vers zéro. Dans de telles
situations exceptionnelles, les mesures conventionnelles deviennent inefficaces.
D’où la nécessité d’adopter de nouvelles mesures appelée mesures non
conventionnelles.
Les autorités monétaires assurent la stabilité financière en
jouant le rôle de prêteur et de teneur en dernier ressort système financier.
Dans cette vision, elles peuvent mettre en œuvre des mesures non
conventionnelles de politique monétaire dont la principale est l’assouplissement
quantitatif ou détente quantitative (quantitative easing en anglais).
Les objectifs ultimes de telles mesures étant la relance de l’économie et la
hausse du niveau général des prix (lutte contre la déflation).
Quand la crise financière conduit à la trappe à liquidité (taux
de refinancement quasi nul) combinée à une déflation économique, les banques
centrales peuvent en ce moment intervenir directement sur le marché financier (marché
primaire et secondaire) en achetant les obligations (étatiques et privés). Par
un tel comportement, les banques centrales vont augmenter la demande de ce type
d’actif. Ce qui conduit à une diminution de la rémunération de cet actif
financier tout en injectant de la liquidité dans l’économique. En optant pour
une telle mesure (injection de liquidité), les banques centrales peuvent
relancer l’économie en renflouant les institutions financières menacées de
faillite et aussi redynamiser les activités économiques de consommation et
d’investissement. In fine, elle booste la demande globale.
Une autre variante de la détente quantitative consiste de
la part des banques centrales d’octroyer des prêts en quantité quasi illimitée aux
banques de second rang pour des durées significativement plus longues
atteignant souvent des années que la semaine habituellement requise lors des
opérations de refinancement (comme ce fut le cas de la Banque Centrale
Européenne à travers les « Long Term Refinancing Operations » LTRO).
A la suite de Deng Xiaoping, qui disait en 1962, je cite «
Peu importe qu'un chat soit noir ou blanc, s'il attrape la souris, c'est un bon
chat » ; je soutiens : peu importe que la politique monétaire soit
conventionnelle ou non conventionnelle, qu’elle soit capable d’instaurer la
confiance des agents économiques tout en relançant les activités économiques,
elle est une bonne politique économique.
Madou CISSE
FSEG
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