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Une Contribution de M. Abdoulaye CAMARA (enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC)

Approche keynésienne de la demande patrimoniale de la monnaie

Cette voie a été ouverte par JM Keynes en 1936 et prolongée par M Friedman en 1956. De façon générale, si A Marshall expliquait l’encaisse de portemonnaie, J M Keynes explique l’encaisse de portefeuille et M Friedman l’encaisse de patrimoine.

L’analyse de John Maynard Keynes

Keynes s’est toujours préoccupé d’analyse monétaire, et sa pensée a évolué en trois étapes. Mais dans cet écrit on se limitera dans le vocabulaire Keynésien c’est-à-dire la préférence pour la liquidité exposée dans son livre « Théorie Générale ». Ce changement de termes est significatif pour Keynes parce que la monnaie est « l’actif liquide par excellence » et que la demande d’encaisses monétaires s’inscrit dans le cadre de la gestion d’un portefeuille d’actifs monétaires et financiers, traduisant une préférence pour les actifs les plus liquides.

Keynes retient trois motifs pour lesquels les agents désirent détenir des encaisses.

-          Le motif de transaction : ce motif correspond à une demande de monnaie en vue de la réalisation courante des échanges personnels et commerciaux. Il se décompose en deux. Un motif du revenu pour les ménages qui résulte du fait qu’un certain délai s’écoule entre le moment où le revenu est encaissé et le moment où il est décaissé sous forme de dépenses diverses ; pendant ce délai les ménages conservent une certaine quantité de monnaie. Les entreprises ont un motif d’entreprise qui correspond à la nécessité qu’elles ont de détenir une trésorerie pour équilibrer dans le temps les dépenses engagées dans la production et les recettes obtenues de la vente de leurs produits. Le motif de transaction détermine donc une demande d’encaisses actives liée à la fonction intermédiaire des échanges de la monnaie. Cette demande pour le motif de transaction dépend de façon croissante du revenu global. En effet, si le revenu augmente, la demande de monnaie accroit.

Exemple : admettons qu’un agent dépense tout son revenu et que la répartition de sa dépense soit uniforme : il n’y a pas un jour où il dépense plus.

S’il est payé 1000 UM par jour, il ne détient jamais plus de 1000 UM. Son encaisse moyenne sur la journée est de 500 UM. En effet, son encaisse de début de journée est 1000 UM et son encaisse de fin de journée est 0 F. soit (1000F + 0F)/2, soit 500 UM.

S’il est payé 2000 UM par jour, il détiendra en moyenne sur la journée 1000F. L’encaisse moyenne est donc une fonction croissante du revenu.

-          Le motif de précaution : ce motif de la préférence pour la liquidité est dû à l’incertitude pesant sur les revenus futurs et sur les dépenses futures. Comme pour la demande de transaction, la demande d’encaisses de précaution dépend du revenu et du laps de temps entre la perception de ces revenus. Plus le revenu augmente et plus la période s’écoulant entre la perception de deux revenus est importante et plus l’encaisse de précaution augmente.

-          Le motif de spéculation : ce troisième motif de la préférence pour la liquidité s’explique lui aussi par l’incertitude quant au niveau futur du taux de l’intérêt. Les agents économiques détiennent des encaisses spéculatives pour pouvoir acheter des titres, par exemple des obligations, lorsque le prix de ces titres sera avantageux.

Pour un spéculateur, l’achat d’un titre s’impose lorsqu’il pense que la valeur de ce titre va augmenter, c’est à dire lorsqu’il pense que le taux de l’intérêt va diminuer. Or, le taux de l’intérêt a des chances de baisser, s’il est à un niveau élevé ; dans cette hypothèse l’agent va réduire ses encaisses monétaires pour acheter des titres. A l’inverse, si le taux de l’intérêt est bas, l’agent va vendre ses titres et ses encaisses de spéculation seront élevées.

Exemple : soit, un emprunteur, qui émet en to des obligations au prix unitaire P de 1000 UM et rapporte un coupon fixe annuel de 100 UM. Le rendement de cette obligation est donc de 100/1000 soit 10%.

Admettons que le taux d’intérêt s’élevé à 12%. Que se passe-t-il ? D’une part, les détenteurs d’obligations vont essayer de les vendre dans la mesure où celles-ci ne rapportent que 10%, soit 100 alors UM placés à 12% rapporteraient 120 UM.

D’autre part, personne ne désirerait en acheter, puisque 1000 UM peuvent être placés plus avantageusement.

On observe alors une augmentation de l’offre de l’obligation par rapport à sa demande. Cette hausse d’offre va faire baisser le prix de l’obligation sur le marché boursier, jusqu’à ce que toutes les formes de placement procurent un même rendement.

Comme le rendement = (coupon)/Prix, on peut écrire 0,12 = 100/P

D’où P = 100/0,12 = 833,33. Le prix de l’obligation est passé donc de 1000 à 833,33.

Ainsi lorsque le taux d’intérêt augmente, la valeur des titres diminue. Si les agents anticipent une augmentation du taux d’intérêt, d’une part, ceux qui possèdent des titres vont essayer de les vendre, puisque si le taux anticipé est supérieur au taux actuel, le prix courant de leurs titres va diminuer. D’autres part, ceux qui n’en détiennent pas ne vont pas acheter et vont donc préférer constituer des encaisses de spéculation afin de pouvoir en acheter plus tard. Par conséquent, quand le taux d’intérêt est très bas, les encaisses de spéculation sont très importantes.

En revanche, si le taux d’intérêt tombe à 8%, le prix de l’obligation va augmenter. En effet, sa demande s’élève dans la mesure où elle rapporte 100 UM soit 10% alors que 1000 UM placés à 8% ne rapportent que 80 UM. Le prix augmente jusqu’à un niveau rendant équivalent toutes les formes de placement. Soit 100/0,08 = 1250.

Ainsi, quand le taux d’intérêt actuel est très haut, une majorité des agents anticipent une baisse de ce taux, ils vont donc acheter des titres car si les taux diminuent, les cours des titres augmenteront. Par conséquent, les encaisses de spéculation vont diminuer.

Pour achever la présentation de la préférence pour la liquidité, il faut préciser que pour Keynes, la liaison inverse entre la demande de monnaie et le taux de l’intérêt est bornée par l’existence d’un taux d’intérêt minimum. A ce niveau minimum, la préférence pour la liquidité est maximum, et selon l’expression de Robertson, les agents tombent dans une trappe à liquidités, la demande d’encaisses de spéculation tendent vers l’infini.

M. Abdoulaye CAMARA

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je trouve que le texte d’Abdoulaye CAMARA présente de manière claire l’approche keynésienne de la demande de monnaie en insistant sur le concept central de préférence pour la liquidité développé dans La Théorie Générale. Keynes distingue trois motifs pour lesquels les agents économiques détiennent de la monnaie : transaction, précaution et spéculation. Chacun de ces motifs répond à une logique spécifique liée soit aux flux de revenus et dépenses, soit à l’incertitude, notamment vis-à-vis des taux d’intérêt. Cette analyse ancre la monnaie dans une gestion active de portefeuille, ce qui rompt avec une vision purement transactionnelle.

L'exemple de l'évolution du prix des obligations selon les taux d’intérêt illustre bien le rôle spéculatif de la monnaie dans une économie incertaine. Keynes montre ainsi que lorsque le taux est très bas, les agents préfèrent détenir de la monnaie plutôt que des titres, d’où l’émergence de la « trappe à liquidité », limite théorique à l’efficacité de la politique monétaire conventionnelle.

L’approche keynésienne de la demande de monnaie trouve des échos pertinents dans l’économie malienne, où l’incertitude économique, l’informalité dominante et la faible bancarisation influencent fortement les comportements monétaires. Le motif de transaction est très marqué : dans un contexte où les revenus sont souvent irréguliers et les dépenses quotidiennes, les ménages et petites entreprises conservent une encaisse liquide pour faire face aux besoins immédiats. Le recours limité aux instruments financiers modernes rend la monnaie fiduciaire essentielle pour les échanges, illustrant pleinement la préférence pour la liquidité au sens keynésien.

Par ailleurs, face à l’instabilité macroéconomique (inflation, faible croissance, incertitude politique), le motif de précaution est crucial : beaucoup de Maliens conservent des encaisses monétaires plutôt que d’investir, par prudence. Enfin, le marché financier étant peu développé, la spéculation sur les taux d’intérêt ou les titres reste marginale, limitant la portée du troisième motif. Cela montre que dans le contexte malien, la liquidité est avant tout recherchée pour sa fonction de sécurité et de flexibilité.

Anonyme a dit…

Je trouve que le texte d’Abdoulaye CAMARA présente de manière claire l’approche keynésienne de la demande de monnaie en insistant sur le concept central de préférence pour la liquidité développé dans La Théorie Générale. Keynes distingue trois motifs pour lesquels les agents économiques détiennent de la monnaie : transaction, précaution et spéculation. Chacun de ces motifs répond à une logique spécifique liée soit aux flux de revenus et dépenses, soit à l’incertitude, notamment vis-à-vis des taux d’intérêt. Cette analyse ancre la monnaie dans une gestion active de portefeuille, ce qui rompt avec une vision purement transactionnelle.

L'exemple de l'évolution du prix des obligations selon les taux d’intérêt illustre bien le rôle spéculatif de la monnaie dans une économie incertaine. Keynes montre ainsi que lorsque le taux est très bas, les agents préfèrent détenir de la monnaie plutôt que des titres, d’où l’émergence de la « trappe à liquidité », limite théorique à l’efficacité de la politique monétaire conventionnelle.

L’approche keynésienne de la demande de monnaie trouve des échos pertinents dans l’économie malienne, où l’incertitude économique, l’informalité dominante et la faible bancarisation influencent fortement les comportements monétaires. Le motif de transaction est très marqué : dans un contexte où les revenus sont souvent irréguliers et les dépenses quotidiennes, les ménages et petites entreprises conservent une encaisse liquide pour faire face aux besoins immédiats. Le recours limité aux instruments financiers modernes rend la monnaie fiduciaire essentielle pour les échanges, illustrant pleinement la préférence pour la liquidité au sens keynésien.

Par ailleurs, face à l’instabilité macroéconomique (inflation, faible croissance, incertitude politique), le motif de précaution est crucial : beaucoup de Maliens conservent des encaisses monétaires plutôt que d’investir, par prudence. Enfin, le marché financier étant peu développé, la spéculation sur les taux d’intérêt ou les titres reste marginale, limitant la portée du troisième motif. Cela montre que dans le contexte malien, la liquidité est avant tout recherchée pour sa fonction de sécurité et de flexibilité.

M. Guillaume-Pascal KASSOGUÉ
kas.gpa@gmail.com

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