Série : Economie en question (N°2)

Les valeurs nominales et réelles main dans la main pour expliquer l’économie.

Supposons que deux pays A et B proposent les salaires mensuels nets suivants payés en unité monétaire (UM) : dans le pays A le salaire net fait 100.000 UM et dans le pays B il est fixé à 1.000.000 UM. En admettant que les conditions climatiques et administratives dans les deux pays soient identiques ; lequel des deux pays allez-vous choisir comme lieu de travail si vous avez la possibilité de faire un tel choix ?

Ces niveaux de salaires en réalité ne permettent pas de choisir ! Ils permettent seulement d’un point de vue de l’analyse économique de soutenir que les travailleurs du pays B sont dix fois plus payés que ceux du pays A. Ces salaires sont appelés par les économistes « salaires nominaux ». Pour la prise de décision dans le cas d’espèce, les économistes font appel au concept de salaire réel. Ce salaire sur la base des éléments donnés sur les deux pays A et B permet de trancher définitivement la question !

Si le prix des biens et services dans le pays A fait 10 UM et dans le pays B il est estimé à 1.000 UM. Connaissant ces prix nominaux, il est possible de déterminer maintenant les salaires réels dans les deux pays. Dans le pays A ce salaire fera 10.000 exprimé quantité de biens et services et il sera de 1.000 dans le pays B. Ces niveaux de salaires réels renversent définitivement la conclusion à laquelle pourrait arriver un quidam. Les salaires réels ainsi établis permettent de d’inférer que dans le pays A un travailleur consomme dix fois plus de quantité de biens et services qu’un travailleur du pays B. La réponse à la question posée supra est toute trouvée maintenant : le pays A doit être choisi.

Cette mini illustration hypothético-déductive met en exergue de manière sous-jacente deux approches fondamentalement opposées d’aborder les questions économiques. Si les hétérodoxes, spécifiquement les keynésiens soutiennent que les valeurs nominales servent à la prise de décision, les orthodoxes quant à eux considèrent que les agents économiques décident en tenant compte des valeurs réelles. Et ces différents positionnements conduisent à des propositions centrales en termes de théories économiques pour chaque camp.

C’est en partant de la conception des prix réels – rapport entre prix nominaux – que sur le marché des biens et services les orthodoxes parviennent à conclure que ce sont les biens ou les services qui s’échangent entre eux. Et par voie de conséquence la neutralité de la monnaie est établie. Proposition en soutient de laquelle la théorie quantitative de la monnaie (TQM) est mobilisée. Pendant que les économistes hétérodoxes concluent que la neutralité de la monnaie est un faux débat dans la mesure où pour eux, ce sont les valeurs monétaires des biens et services qui sont considérées par les intervenants sur ce marché.

Pendant que les hétérodoxes admettent que le salaire nominal doit être la variable d’ajustement sur le marché du travail ; les orthodoxes considèrent que c’est le salaire réel – rapport entre salaire nominal et niveau général des prix des biens et services – qui est la principale variable d’ajustement. Dans cette perspective ces derniers considèrent que ce n’est pas le salaire payé par l’employeur qui compte pour le salarié mais plutôt la quantité de biens ou services que le salaire peut réellement acheter sur le marché des biens et services. Donc, ce n’est pas le niveau seul du salaire nominal qui maintient un travailleur à son poste mais un rapport favorable entre salaire nominal et niveau général des prix des biens et services.

La même opposition entre les deux camps continue sur le troisième marché réel à savoir le marché du capital. Sur celui-ci, le taux d’intérêt nominal – taux fixé par les sociétés financières au sens large ou le taux écrit sur les contrats de prêt ou les taux d’épargne – est brandi par l’hétérodoxie comme la variable d’ajustement. La réplique des économistes du courant dominant passe par le taux d’intérêt réel – le taux d’intérêt nominal diminué de l’inflation – qui est considéré par ces économistes comme la principale variable déterminante sur ce marché. La justification de la théorie orthodoxe du taux d’intérêt réel stipule qu’il n’est pas opportun d’avoir des montants importants sous forme d’intérêt si ces montants ne peuvent avoir que des colifichets à cause de l’inflation.

Dans l’optique de réconcilier ces prises de position (hétérodoxie vs orthodoxie) que l’école de pensée de la synthèse animée dans les années 70 par quatre économistes de renom ayant tous eu le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel (appelé « prix Nobel d’économie » par abus de langage) soutenait que les théories sur les variables nominales gardent toute leur validité à court terme. Tandis que les argumentaires orthodoxes basés sur les variables réelles deviennent crédibles à long terme.

Même si ces conclusions ont été bottées en touche par les Post-Keynésiens, elles ont quand même continué à être considérées comme satisfaisantes et enseignées dans toutes les facultés d’économie du monde.

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