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L’augmentation de la TARTOP peut-elle être répercutée par les opérateurs maliens de télécommunication ?

Les Etats, qu’ils soient monarchiques, despotiques ou républicains ont de tout temps lever des impôts et des taxes pour assurer leurs obligations régaliennes et tutélaires.

Le « pouvoir » hors norme du marché en matière de taxe

L’économie positive soutient que la mise en œuvre d’une taxe exige la maîtrise de quatre « pouvoirs » qui sont : (1) la détermination du taux de la taxe ; (2) la détermination de l’assiette de la taxe ; (3) la désignation de l’agent économique qui doit payer le montant de la taxe (4) la détermination l’incidence de la taxe.

En suivant les préceptes de l’économie positive, il est admis et démontré que les Etats disposent les coudées franches quand il s’agit de fixer le taux, de déterminer l’assiette et l’agent qui doit payer les taxes qu’ils mettent en place. Malheureusement, pour les Etats, ils ne disposent d’aucun pouvoir quant à la fixation de l’incidence des taxes qu’ils mettent en place. En d’autres termes, aucun Etat ne peut fixer préalablement de manière certaine la répartition du poids d’une taxe entre les deux participants aux transactions économiques à savoir les acheteurs et les vendeurs. Ce pouvoir échoit principalement aux forces du marché, en une phrase aux lois de l’offre et de la demande. Seules les forces du marché déterminent qui des consommateurs ou des producteurs supporteront quels poids ou incidence d’une taxe instaurée.

Le marché pour déterminer l’incidence d’une taxe s’appuie sur l’élasticité de la demande du bien ou du service – la sensibilité de la quantité demandée d’un bien ou d’un service à la variation de son prix unitaire de 1% toutes choses égales par ailleurs – soumis à la taxe. Si la demande est élastique au prix les producteurs supporteront plus le poids de la taxe que les acheteurs. Dans une telle éventualité, les premiers cités ne peuvent répercuter qu’une infime partie de la taxe sur leurs prix de ventes. Ils supportent l’incidence en réduisant leurs marges bénéficiaires. (dans le cas théorique extrême des demandes parfaitement élastiques, les producteurs supporteront l’entièreté de la taxe qui sera ponctionnée dans leurs marges). Par contre, si la demande est inélastique au prix du bien ou du service, l’incidence de la taxe est supportée majoritairement par les acheteurs (dans le cas théorique extrême des demandes parfaitement inélastiques, les acheteurs supporteront l’entièreté de la taxe). Dans le cas théorique d’élasticité de la demande prix unitaire, les vendeurs et les acheteurs supporteront l’incidence de la taxe fifty-fifty.

Quid de la TARTOP ?

Dans le communiqué du Conseil des Ministres du 05 février 2025 (CM N°2025-06/SGG), les autorités de la transition du Mali sur un rapport du Ministre de l’Economie et des Finances, ont adopté un projet de loi portant modification de la Loi n°06-067 du 29 décembre 2006, modifiée, portant Code général des Impôts. Spécifiquement, le Conseil des Ministres a adopté un projet d’ordonnance qui modifie le Code général des Impôts en augmentant de 2% le taux de la Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications Ouvert au Public (TARTOP) initialement fixé à 5%.

En fixant ce nouveau taux de la TARTOP à 7%, comme le prévoient les préceptes de l’économie positive, les autorités maliennes ont usé des trois (03) pouvoir dont elles sont détentrices en matière de fiscalité, à savoir (1) fixer à 7% le taux de la TARTOP ; (2) déterminer l’assiette de ladite taxe (le chiffre d’affaire global hors taxes des opérateurs télécom) (3) l’agent économique qui doit faire le chèque ou le virement bancaire pour le fisc : elles ont désigné les opérateurs télécom pour cela. Ce que les autorités de la transition a priori ne peuvent fixer, c’est l’incidence de cette taxe c’est-à-dire qui entre consommateurs et opérateurs doivent supporter combien pourcent des 7% de la TARTOP. Seuls les marchés des télécoms (voix, Internet, sms) ont ce pouvoir dans un contexte de marché soumis à la concurrence.

Les marchés des télécoms au Mali

Le marché des télécoms compte trois (03) opérateurs de réseaux mobiles (Orange Mali, SOTELMA et ALPHA TELECOM). Ces opérateurs évoluent tous sur le marché de la télécommunication voix mobile, sur celui du fixe et sur celui de l’Internet mobile et fixe et du SMS. En fin 2022, le chiffre d’affaire global toutes taxes comprises qu’ils ont déclaré auprès de l’autorité de régulation faisait 586 milliards. Ce chiffre d’affaire est archi dominé par les recettes issues du marché de la télécommunication voix mobile à hauteur de 94%.

Le prix du marché de la voix mobile est régulé et fixé par l’autorité malienne de régulation des télécoms à 80 F CFA la minute (prix plafond). Celui de l’Internet est libre.

Dans un tel contexte, une augmentation de la TARTOP ne peut induire aucune nouvelle incidence pour les consommateurs sur le marché de la voix mobile car le plafonnement du prix unitaire sur ce marché rend impossible toute répercussion sur le prix de ce service. Le plafonnement du prix unitaire de la communication voix mobile suspend automatiquement le pouvoir que peut avoir le marché de répartir le poids de la TARTOP entre les consommateurs maliens et les opérateurs télécom.

C’est sur le maché de l’Internet que les opérateurs peuvent avoir une certaine latitude de répercuter une partie de l’augmentation de la TARTOP sur les prix des forfaits. Même là, comme les préceptes de l’économie positive le présentent clairement, seules les forces du marchés à travers l’élasticité prix de la demande de ce service fixent le niveau des incidences pour les opérateurs télécoms et les consommateurs maliens.

Madou CISSE

FSEG

 

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Le protectionnisme au service d’objectifs politiques

Dans le précédent papier publié sur mon blog que le lecteur peut consulter à l’adresse suivante : https://cequejepensemali.blogspot.com/2025/01/temps-de-lecture-5-min-quand-le-47-eme.html, je promettais de répondre à la question suivante : que disent les préceptes de l’économie positive sur l’impact de la mise en place des mesures protectionnistes dans un pays? Dans le présent article la focale concerne les mesures tarifaires et plus spécifiquement les droits de douane sur les importations.

Mesures protectionnistes pour quels objectifs ?

Les mesures protectionnistes peuvent être tarifaires ou non tarifaires. Ces mesures peuvent viser les prix, les volumes ou les qualités des biens et services étrangers qui doivent être introduits sur un territoire national. Durant toute la période des trente glorieuses, les mesures protectionnistes avaient principalement des visées commerciales. Actuellement, ces mesures (surtout tarifaires) peuvent être mobilisées pour atteindre des objectifs politiques ou environnementaux ou écologiques.

La mise en œuvre des mesures tarifaires protectionnistes pour l’atteinte d’objectifs politiques est illustrée par les récentes mesures édictées par l’actuel Président américain à l’encontre du Canada et du Mexique. En voulant imposer toutes les importations américaines de biens et services provenant de ces deux pays frontaliers de 25%, l’administration américaine vise principalement une forte implication de ces deux pays dans la lutte contre l’immigration irrégulière et aussi en sus pour le Mexique une lutte sans merci contre le trafic de la drogue fentanyl qui est en train de faire des ravages aux Etats-Unis. Même si les déficits commerciaux américains vis-à-vis de ces deux pays et de la Chine sont abyssaux sur un déficit total estimé à près de 1.000 de dollars US en fin 2024 ; les mesures protectionnistes prises par l’administration américaine ont principalement des visées plus politiques (lutte contre l’immigration irrégulière) que commerciales ou économiques.

Protectionnisme : impacts

Dans le but de décrire les impacts prévus par l’économie positive suite à l’imposition d’une taxe sur les importations de biens et services étrangers, je considère (1) d’abord une économie ouverte – c’est-à-dire une économie commerçant sans entraves majeures avec le reste monde, comme le cas des Etats-Unis sous l’administration précédente où le taux moyen d’imposition des importations de biens et services était de 3% – (2) l’imposition de la taxe est supposée frapper tous les biens et services étrangers sans aucun ciblage de secteurs ou de filières spécifiques (comme veut le faire l’actuelle administration américaine vis-à-vis du Canada, du Mexique, de la Chine et de l’Union Européenne).

En situation d’économie ouverte (sans entraves majeures), le prix des biens et services sont bas et tendent vers leurs coûts unitaires de production. Dans ce contexte, les marges des entreprises nationales et étrangères sont faibles. La concurrence est rude et les gains des consommateurs sont importants. Le manque à gagner que génère une telle situation par rapport à la situation de référence qu’est la concurrence parfaite est faible. Dans une pareille économie, seules les entreprises efficaces (produisant au minimum de coûts pour le maximum d’outputs) peuvent émarger et rester sur les différents marchés.

L’imposition d’une taxe à l’encontre des importations étrangères peut réduire normalement l’offre étrangère ou si la distribution des élasticités entre offre et demande est plus favorable à l’offre qu’à la demande des biens ou services, les entreprises étrangères peuvent répercuter tout bonnement la hausse de la taxe sur leurs prix de vente. Dans les deux éventualités, cela conduira à une hausse des prix des biens et services à l’intérieur du pays (donc possibilité d’inflation). L’introduction de la taxe peut aussi ressusciter des entreprises nationales inefficaces. Ce réveil fouettera positivement la demande nationale de travail. Cette nouvelle situation réduit significativement les gains des consommateurs tout en restituant une partie des gains perdus par les consommateurs aux producteurs nationaux et étrangers capables de satisfaire la demande nationale qui ne resterait pas inchangée et qui baisserait du fait de l’augmentation du niveau moyen des prix. Un tel transfert de gains des consommateurs vers les producteurs passe par une amélioration des marges des derniers cités. Contrairement à la situation de l’économie ouverte, les manques à gagner de cette économie « fermée » deviennent très importants par rapport à la situation de référence qui est la concurrence parfaite.

Les Etats-Unis ont la faveur des arguments

Cet épisode d’imposition des droits de douane par l’actuelle administration américaine prouve que les taxes aux frontières visant les biens et services importés peuvent être utilisées pour atteindre des objectifs politiques. Mais que la mise en place d’un tel engrenage doit obéir à certaines réalités socio-économiques telles qu’être une puissance économique et militaire, avoir des déficits commerciaux importants vis-à-vis des pays concernés et surtout avoir une possibilité quasi illimitée de diversification de partenaires commerciaux tout en ayant aussi des marges de manœuvres importantes en termes de possibilité de production domestique. Tous ces critères mis bout à bout permettent de comprendre le pourquoi du comment du comportement de l’actuelle administration américaine. En définitive, cet épisode doit aussi permettre de comprendre en creux qu’un pays pauvre ne peut pas s’offrir un luxe de défier sempiternellement par l’usage de droits de douane ses différents partenaires commerciaux.

Madou CISSE

FSEG

 

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Quand le 47ème Président américain trouvait un monde déjà protectionniste

Le libéralisme économique s’est imposé comme la clé de voute des systèmes économiques de par le monde à partir des années 80. L’idéologie du libéralisme économique s’appuie sur la mise en œuvre du triptyque de la libre circulation des hommes (le travail), des capitaux (le détournement des ressources de la consommation présente vers la production et la consommation future) et des biens et services (les outputs).

L’application par les différents pays de l’idéologie libérale dans sa version la plus drue est loin d’être la règle. Dans les faits, les pays limitent – à l’exception des zones économiquement intégrées – généralement la circulation inter-Etat du travail en imposant le principe de l’immigration régulière. Souvent les pays contrôlent les mouvements des capitaux. Enfin, les interdictions contre les mouvements des biens et services sont imposées régulièrement par les différents pays. Ce type d’interdictions conduit au protectionnisme pour ne pas dire au prohibitionnisme. Cette forme d’interdictions devient de plus en plus courante depuis l’éclatement de la crise financière en 2008. Pour preuve, le site Internet https://globaltradealert.org/ a recensé près de 60.000 mesures protectionnistes mises en place par les différents pays depuis 2009.

Le protectionnisme qui vise à limiter ou prohiber l’entrée de biens et services étrangers sur le territoire national peut être mis en œuvre par l’usage de mesures tarifaires (les droits de douane, les subventions, les aides à l’exportation) et ou des mesures non tarifaires (les quotas, les normes, etc.). Ces différentes mesures visent respectivement les prix des biens et services étrangers, leurs quantités ou leurs qualités. Même si l’imposition des droits de douane est médiatiquement retentissante et retient l’attention du grand public, il est important de noter que les subventions et les aides à l’export prennent la part du lion des mesures protectionnistes de ces dernières années. Toujours selon les données du site Internet https://globaltradealert.org/, depuis 2009, les droits de douane représentaient seulement environ 7% des mesures protectionnistes mises en place dans le monde contre 56,5% pour les subventions et 16% pour les aides à l’export et 4,3% pour les restrictions à l’importation (aussi appelées les quotas) ; pendant que les normes renforçaient le niveau de protectionnisme des différents pays à hauteur de 9% environ.

Même si l’élection du 47ème Président américain a permis au monde entier de parler encore plus de protectionnisme ; la présentation faite ci-dessus fait ressortir que les mesures protectionnistes sont monnaie courante dans le monde. Qu’elles sont l’apanage de tous les pays et surtout qu’elles deviennent de plus en plus vivaces depuis l’avènement de la crise des subprimes à partir de 2008. Face à une telle recrudescence des mesures protectionnistes, il ne serait pas inopportun de répondre à la question suivante : que disent les préceptes de l’économie positive sur l’impact de la mise en place des mesures protectionnistes dans un pays ? Dans une série d’articles qui seront publiés sur ce blog, j’apporterai des éléments de réponses à l’interrogation ainsi posée.

Madou CISSE

FSEG

 Série : Economie en question (N°18)

Que faut-il entendre par l’expression « perte sèche » ?

Du point de vue de l’économie positive, la meilleure structure de marché est le marché concurrentiel dont l’extension théorique conduit à la structure de marché de concurrence pure et parfaite (CPP). Une telle organisation de l’offre et de la demande est supérieure aux autres formes de marché parce qu’elle conduit à la fixation d’un prix d’équilibre tendant vers le coût marginal de production – ce coût est le coût supporté par le producteur quand il produit une unité supplémentaire.

Le marché de concurrence par opposition aux structures relevant de la concurrence imparfaite – monopole, oligopoles à produits homogènes / hétérogènes et la concurrence monopolistique – conduit à une maximisation des gains ou surplus des consommateurs et des producteurs (pour ces derniers il s’agit de leurs bénéfices). Une caractéristique fondamentale du fonctionnement de ce type de marché se résume à l’absence de perte sèche.

La perte sèche est le manque à gagner mesuré en unité monétaire qu’enregistre un marché donné par rapport à une organisation concurrentielle de celui-ci. Car sur les structures de marché de concurrence imparfaite, les prix fixés sont normalement plus grands que le coût marginal de production. Une fois que le prix d’équilibre s’écarte de sa position concurrentielle, la quantité produite deviendrait plus faible que celle qui serait réalisée si l’organisation du marché était concurrentielle. Et par voie de conséquence, le prix d’équilibre obtenu deviendrait supérieur à celui de la concurrence. D’où l’existence de la perte sèche pour l’économie deviendrait inévitable.

C’est munis de ces préceptes de l’économie positive tirés de l’analyse de la structure du marché de concurrence pure et parfaite que les orthodoxes préviennent les autorités de toute intervention sur les marchés remplissant les principaux critères d’une structure de marché concurrentiel qui sont : l’atomicité des acteurs côté demande et côté offre, l’homogénéité des produits offerts, une quasi perfection de l’information et l’existence d’un niveau de barrières plus faible à l’entrée comme à la sortie du marché. Dans ces conditions, toute intervention des autorités visant les prix d’une telle structure de marché soit à travers des politiques de contrôle des prix (prix plancher ou prix plafond) soit à travers des taxes ne font qu’écarter davantage le prix du marché du prix de concurrence qui assure le gain maximal pour l’économie. Donc, une telle intervention ne fera que créer un réel manque à gagner pour les consommateurs. Parce que le prix final sera dans tous les cas supérieurs au prix de concurrence que l’intervention des autorités tente de combattre.

Me basant sur ces conclusions de l’économie positive « immuables », je pense qu’à l’orée de cette période de ramadan, les interventions des autorités sur les marchés de l’huile, du sucre, du riz, du lait en poudre et de la farine par l’instauration des prix plafonds doivent être évitées. Par contre, leurs interventions doivent être orientées vers des politiques de l’offre visant à impacter positivement les offres des produits déjà cités. Au-delà des politiques de subvention habituellement mises en œuvre, les autorités doivent impacter positivement par d’autres moyens les conditions d’offre desdits produits. Une piste de réflexion à explorer dans ce sens peut viser à faciliter davantage les conditions d’octroi de crédit aux entreprises durant toute la période ciblée, ce qui boostera leurs capacités d’acquisition à l’international des produits en question (tout en évitant autant que faire se peut les effets d’aubaine et les détournements). En plus, dans le même sillage, les autorités doivent ouvrir entièrement pour toutes les entreprises désireuses les importations desdits produits de grande consommation.

Madou CISSE

FSEG

 

Contribution de Dr Falingué KEITA Economiste-Consultant-Formateur, Enseignant à la FSEG, UIE, ESGIC, INTEC SUP, INSTITUT VITO’S, ECOSUP.

La Digitalisation des Services Publics au Mali : Qu’en est-il des dépôts des dossiers pour le concours de recrutement dans la fonction publique « Plateforme E-Concours » ?

La digitalisation des services publics est un sujet d'actualité dans de nombreux pays, y compris au Mali, où Son Excellence, le Général d’Armée, Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat de la république du Mali a donné des directives, le 22 juin 2024, lors de sa visite à Sikasso pour la digitalisation des services administratifs du Mali notamment celle des paiements dans les services publics. La finalité de cette transformation digitale est d'améliorer l'efficacité, la transparence et l'accessibilité des services publics pour les citoyens maliens.

Manifestement, la digitalisation des services publics, comme la mise en place d'une plateforme « E-Concours », s'inscrit dans une logique économique et sociale justifiée par plusieurs théories économiques. En effet, la théorie de la modernisation de Rostow (1960) met en avant que la transition numérique reflète une étape clé dans la modernisation des institutions publiques, essentielle pour le développement économique d’un pays. La théorie de la gouvernance publique d'Elinor Ostrom (1990) appuie l'idée que la digitalisation favorise la transparence, l'équité et l'efficacité dans la gestion des services publics. Ces perspectives théoriques renforcent la pertinence et l'urgence d'adopter des solutions digitales comme « E-Concours » au Mali.

L'idée de cet article de presse m'est venue suite à un événement tragique qui a touché mon jeune frère de lait courant l’année 2024. Celui-ci a été victime d'un grave accident de la circulation alors qu'il se rendait pour déposer physiquement ses dossiers de candidature au recrutement des soldats du feu, autrement appelés « sapeurs-pompiers ». L'accident a provoqué une fracture grave du genou droit, nécessitant une intervention chirurgicale. Cet incident met en lumière les dangers et les difficultés inhérentes à la nécessité de se déplacer pour faire le dépôt physique de ses dossiers pour les différents recrutements pourtant évitables dans un contexte de digitalisation croissante.

Problèmes liés au dépôt physique des dossiers au Mali

Au Mali, le dépôt des dossiers pour les concours publics reste une tâche compliquée et source de nombreux désagréments pour les candidats. Ceux-ci sont souvent obligés de faire de longs déplacements, parfois depuis des zones rurales éloignées, pour se rendre dans les centres de dépôt, ce qui engendre des coûts importants en termes de temps et d'argent. Ces déplacements massifs provoquent également des embouteillages et augmentent les risques d'accidents sur des routes déjà en mauvais état. Une fois sur place, les candidats font face à des files d'attente interminables et à des dysfonctionnements administratifs, comme la perte ou le mauvais traitement des dossiers. Ces problèmes montrent clairement que le système manuel actuel est dépassé et inadapté aux réalités modernes.

En outre, ces déplacements massifs augmentent les risques d'accidents de route, particulièrement dans un pays où les infrastructures routières sont insuffisantes. De plus, les administrations elles-mêmes peinent à gérer efficacement ces flux, ce qui peut entraîner des pertes de dossiers ou des erreurs de traitement. Ces dysfonctionnements rendent le système inadapté aux exigences modernes et inefficaces pour répondre aux besoins croissants des candidats.

Avantages attendus de la digitalisation

La mise en place d'un système numérique pour le dépôt des dossiers, comme la plateforme « E-Concours », offrira de nombreux avantages. Cela permet aux candidats de soumettre leurs dossiers en ligne depuis n'importe quel endroit. La digitalisation favorisera également une meilleure transparence, en limitant les risques de fraude ou de favoritisme. Pour l'administration, un tel système simplifiera le traitement des dossiers, réduira les erreurs et améliorera l'efficacité du processus. De plus, un dépôt numérique s'inscrit dans la dynamique de modernisation des services publics, répondant aux attentes des citoyens tout en rehaussant l'image des institutions.

Propositions pour une mise en œuvre réussie

Pour réussir cette digitalisation, plusieurs actions concrètes doivent être prises. D'abord, il est urgent que les autorités accélèrent le développement et le lancement de la plateforme « E-Concours » en collaboration avec des spécialistes du numérique. Il faut également investir dans des infrastructures modernes et sécurisées pour assurer un bon fonctionnement, même en cas de forte affluence d'utilisateurs. Ensuite, il est nécessaire de former les utilisateurs, en particulier les candidats et les agents administratifs, pour qu'ils soient à l'aise avec les outils numériques. Des campagnes de sensibilisation à travers les radios, la télévision et les réseaux sociaux seront également utiles pour informer la population. Enfin, il sera préférable de créer des centres d'appui dans les zones rurales, équipés de matériel informatique et d'accès à Internet, pour aider ceux qui n'ont pas les moyens techniques de soumettre leurs dossiers en ligne. Avec un suivi régulier, cette transition pourra être améliorée progressivement et devenir un véritable modèle de réussite pour le pays.

Dr Falingué KEITA


L’intervention de l’Etat malien dans les activités de production des biens et services est-elle opportune ?

Il fallait attendre la fin du 18ème siècle pour que le terme idéologie soit utilisé pour la première fois. Dans son essence originelle l’idéologie vise en tant que science générale des idées et des lois, l’objectivité et l’exactitude du raisonnement. L’économie qui amorça son indépendance vis-à-vis de la philosophie à la même période n’a point hésité de s’appuyer sur cet usage positif de l’idéologie. Chemin faisant, l’économie est devenue dorénavant à juste titre une science d’idéologies par excellence.

Economie : deux principales idéologies

Quels rôles économiques un Etat doit-il jouer ? La réponse que peuvent donner les économistes à cette interrogation conduit à étaler au grand jour le clivage idéologique qui existe entre les orthodoxes et les hétérodoxes. Pour les premiers cités, un Etat doit se limiter aux fonctions régaliennes (la défense, la sécurité et la justice) et les grandes infrastructures telles que les routes. Les seconds recommandent sans jambage qu’en plus de ses fonctions régaliennes et tutélaires un Etat doit aussi être vendeur de biens et services.

Ces deux approches idéologies vont conduire dans le temps en termes de fonctionnements des économies modernes à un intervalle fermé partant du communisme au libertarianisme. Ce continuum va donc servir d’assoir une myriade de positionnements idéologiques cherchant à expliquer l’implication d’un Etat dans les activités économiques. Si le communisme prône le TOUT Etat (employeur et producteur) ; le libertarianisme dans sa version extrême défend une totale absence de l’Etat au profit des initiatives individuelles.

Entre ces deux positions extrêmes prennent place des structures d’économies mixtes dans les différents pays du monde. Un observateur attentif des différents pays du globe arriverait sans difficulté au constat que ces derniers font dans des proportions différentes de savants mélanges des préceptes des deux idéologies extrêmes. Ce qui conduit dans les faits à des pays plus libéraux sur le plan économiques (comme les Etats-Unis) et d’autres plus interventionnistes à l’image de la Chine. Une chose demeure patente en ce début de 2025, aucun pays du globe n’est positionné exactement soit à gauche de l’intervalle soit à droite de celui-ci. Donc, les préceptes de l’économie mixte ont la côte.

Le Mali : entre gauche et droite

La République du Mali a été positionnée à l’extrême gauche de l’intervalle fermé par les pères fondateurs. Ce positionnement était aligné sur celui des bolcheviks arrivés au pouvoir en Russie en février 1917. Le Mali a nagé petit à petit vers la droite du continuum à partir du début des années 1970. Ce basculement a atteint son épilogue au début des années 1990. Le Mali entrait de plain-pied à partir de cette date dans l’application des préceptes de l’économie mixte avec un marquage plus à droite de l’intervalle fermé. Ce marquage se caractérisait par la primauté du marché sur l’implication de l’Etat dans les activités économiques.

Ces derniers mois, à travers trois (03) actes majeurs, la montée en puissance d’un Etat producteur devient de plus en plus marquée au Mali. Ces actes sont-ils des signes précurseurs d’un basculement de l’idéologie économique au Mali vers la gauche du continuum ?

Les nostalgiques du bolchevisme, sont dithyrambiques face à cette montée en puissance de l’Etat malien dans les activités économiques. Ils demandent même plus de la part de l’Etat malien. Ils espèrent sur l’établissement de plus de justice sociale dans le pays par le truchement de l’avènement d’un Etat beaucoup plus impliqué dans les activités économiques. Mais est-ce que l’avènement d’un Etat producteur de biens et services au Mali, peut-il rétablir une vraie justice sociale ? Ma réponse est non !

Si les politiques économiques orientées vers la gauche de notre continuum sont censées assurer plus de justice sociale que celles de droites – supposées conduire à plus d’inégalités – la non prise en compte du contexte économique de chaque pays peut conduire à des sophismes. Car sous la plume de Karl Polanyi, je retiens qu’une économie ne doit pas être considérée comme désencastrée de son contexte social.

Le Mali est une république. A la suite de Montesquieu, je soutiens que le principal ressort d’une république est la vertu que je définis comme l’engagement qui pousse un décideur à voir son intérêt personnel dans l’intérêt collectif. Le manque d’un tel engagement chez les décideurs ruine carrément tous les supposés bienfaits attribués aux politiques économiques de gauche. Dans un contexte de manque de vertu, toute tentative de l’Etat visant à être producteur de biens et services ne peut que produire les effets contraires à savoir : le creusement des inégalités (car ceux qui se trouveront au bon moment et au bon endroit se sucreront) ; un appauvrissement général de la population et avec en prime un risque important de disparition de toutes les activités contrôlées majoritairement par l’Etat. D’aucuns peuvent retorquer à ma présentation en soutenant que dans tel pays X, c’est l’Etat qui fournit tel bien ou service Y, et pourtant, ça marché là-bas tout en garantissant un niveau important de justice sociale ! je réponds à ce type d’intervention simplement en disant que les pays ne se valent pas !

Si l’avènement de l’Etat producteur est problématique surtout dans les pays en panne de vertu, pour les raisons déjà évoquées, il faut obligatoirement renforcer l’absence de l’Etat dans la production des biens et services tout en encourageant la présence des entreprises privées dans ce domaine. Pourquoi ?

Il est vrai, qu’une telle orientation pourrait conduire à une exacerbation des inégalités mais elle a le vibrant mérite d’augmenter la richesse collective. Cette idéologie met au cœur du fonctionnement des activités économiques les incitations individuelles. Ce qui va permettre in fine de canaliser dans le sens collectif les intérêts individuels. Une fois que la richesse est créée, l’Etat pourrait à travers une fiscalité bien calibrée passer à la caisse pour rétablir plus de justice sociale.

Je pense sincèrement que dans un pays comme le Mali, en prenant en compte le contexte social, l’Etat aura beaucoup à gagner en intervenant moins dans les activités économiques qu’en voulant y être un acteur majeur. Si le secteur est jugé « stratégique », le confier à des géants nationaux privés ne semblerait pas plus risqué que si c’est dans les girons de l’Etat. Car avant tout, « Les [H]ommes sont ce qu’ils sont, et ce qu’ils font c’est leur affaire ».

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Processus de création monétaire

Dans cette 2ème partie l’objectif est de déterminer comment et par qui la monnaie est créée puis d’étudier dans quelle mesure il existe des limites à cette création monétaire.

Des notions telles que : les crédits font les dépôts, la création monétaire illimitée, les réserves obligatoires seront développés lorsqu’on va opposer le multiplicateur de crédit (classiques) au diviseur de crédit (Keynésiens)

Mécanisme de la création monétaire

La création monétaire (injection de la monnaie dans l’économie) consiste à accroitre la quantité de monnaie détenue par les agents non financiers (ANF). Ce pouvoir de création est exclusivement réservé aux institutions financières monétaires (Banque Commerciale, Banque Centrale et Trésor Public).- Création monétaire au niveau des banques commerciales

Les banques sont des établissements de crédit habilitées à recevoir les dépôts des particuliers (ménages, entreprises) et ayant le pouvoir de créer de la monnaie. Cette opération a lieu lors d’opérations de crédits de la banque vers ses clients. C’est pourquoi les économistes classiques (néoclassiques) disent que les crédits font les dépôts. La création de la monnaie par les banques est un jeu d’écriture. Les banques créent de la monnaie scripturale en créditant les comptes de ses clients.

Exemple : à la date t2020, la Banque B2 accorde un crédit de 100 F à l’entreprise X : c’est la phase de création monétaire. Les bilans de l’entreprise X et de la banque B2 se présentent comme suit : Compte courant(CC)

-          A l’actif du bilan, où sont enregistrées les créances de la banque, est inscrit le crédit accordé à l’entreprise X : + 100 ;

-          Au passif du bilan, où figure l’ensemble des dettes de la banque, le compte bancaire de l’entreprise Alpha est crédité du montant du crédit : + 100. L’inscription au passif de la banque correspond à une dette de la banque B2 vis- à-vis de l’entreprise X. En effet, l’entreprise X peut utiliser la monnaie dont elle dispose sur son compte pour effectuer les transactions souhaitées.

En théorie, et c’est le cas ici, le processus de création monétaire est illimité. La banque peut créer autant de monnaie qu’elle le souhaite. Il suffit qu’elle continue à accorder des crédits. Le processus de création monétaire a également lieu quand la banque autorise un découvert (compte bancaire débiteur), achète un actif réel (un immeuble par exemple) ou un actif financier (une action, une obligation, etc.). Quelle que soit la nature de lactif acquis par la banque, il y a création monétaire lorsque la banque crée de la monnaie en monétisant des actifs qui ne sont pas de la monnaie.

Cette création monétaire a une contrepartie. Puisqu’elle a lieu lors d’une opération de crédit, la contrepartie est une promesse de remboursement signée par l’emprunteur. A la date t+1(2021), l’entreprise X rembourse son crédit et son compte est débité de 100F: on parlera alors de destruction monétaire. A t+1, les bilans de deux agents se présentent ainsi:

Création monétaire au niveau de la Banque Centrale

La banque centrale crée de la monnaie sous forme fudiciaire. L’ensemble de la monnaie créée par la banque centrale est appelé monnaie de Banque centrale ou monnaie centrale.

La Banque centrale crée de la monnaie lors des opérations suivantes :

La demande de billets des agents non financiers auprès des banques commerciales (lorsqu’un agent non financier retire des billets au GAB (Guichet Automatique de Billets) de sa banque, il oblige cette dernière à se procurer de la monnaie fiduciaire auprès de la Banque centrale, seule émettrice de billets).

-          Lors de l’achat d’actifs réels, financiers ou de devises.

-          Lors des opérations de refinancement des banques commerciales auprès de la Banque centrale

La Banque Centrale crée de la monnaie scripturale qui est inscrite dans les comptes des banques commerciales dans les livres de la Banque centrale. Cette monnaie s’appelle monnaie Banque centrale ou base monétaire (par opposition à la monnaie de banque créée par les banques commerciales).

Si le montant en Monnaie Banque Centrale détenu par une banque commerciale devient insuffisant, cette banque doit immédiatement acheter de la monnaie Banque Centrale en cédant par exemple des titres, soit à d’autres banques commerciales, soit à la Banque Centrale : c’est l’opération de refinancement.

Création monétaire au niveau du Trésor Public

Lorsque le Trésor Public reçoit ordre d’effectuer un paiement, il a trois solutions. Il peut payer par pièces (monnaie divisionnaire) dont il a le monopole d’émission. Il peut aussi payer par crédit du compte du créancier, si ce dernier possède soit un compte au trésor, soit un compte à une banque commerciale. La troisième solution est que le trésor paye par débit de son compte auprès de la banque centrale. En pratique, le créancier reçoit un chèque au nom du trésor sur la banque centrale ou reçoit un virement de la banque centrale sur son compte (le cas pour le paiement des salaires des fonctionnaires).

Le Trésor Public peut également se refinancer auprès de la Banque centrale lorsque l’Etat a besoin d’un financement (par exemple pour financer la croissance économique).

Les limites à la création monétaire

Si le processus de création monétaire peut paraître, en théorie, illimité, ce n’est cependant pas le cas. Les banques commerciales doivent, en effet, faire face à des contraintes qui limitent et encadrent le pouvoir de création monétaire.
Afin d’assurer une gestion saine et prudente de leurs bilans, la banque centrale exige des banques de second rang qu’elles détiennent une part de leurs dépôts sur un compte auprès d’elle. Ce dépôt constitue les réserves obligatoires qui sont considérées comme une première limite au pouvoir de création monétaire des banques de second rang. La seconde limite vient par le comportement des ménages et entreprises qui demandent de crédits. Celles-ci sont limitées pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le pouvoir d’achat des agents est une donnée connue et il n’est pas illimité. Le besoin d’emprunts reste donc limité par l’évolution du pouvoir d’achat des agents. Ensuite, les entreprises attendent que leurs équipements soient amortis pour s’équiper à nouveau. Le niveau des taux d’intérêt est considéré comme agissant significativement sur la demande de crédits. Des taux d’intérêt élevés réduisent le volume de crédits accordés, car le montant à rembourser devient trop élevé pour les emprunteurs. Autrement dit, pour les agents économiques, les emprunts ont un prix, et lorsque ce prix augmente, les agents renoncent à emprunter.

M. Abdoulaye CAMARA

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Système bancaire et processus de création monétaire (1ère partie)

La banque est une très vieille institution, probablement l’une des plus anciennes. D’après les historiens, on trouve des témoignages d’activités bancaires remontant à environ 3500 ans avant Jésus Christ (J.C) avec les prêtres du Temple rouge d’Ourouk (actuel Delta du Tigre et de l’Euphrate dans la région de la Mésopotamie en Irak à l’époque sumérienne), période pendant laquelle brillait déjà la civilisation pharaonique en Egypte.

Un bref aperçu de l’histoire de l’évolution du système bancaire

Vers 2000 avant J-C, un vaste réseau de banques privées s’étendait de la Mésopotamie à tout l’Orient méditerranéen avec la pratique des prêts sur les marchandises (les graines). C’est dans le code d’Hammourabi, roi de la 1ère dynastie Babylonienne que l’on trouve la plus ancienne règlementation du dépôt de marchandise et du prêt sans usure.

L’histoire de la banque est intimement liée à celle de la monnaie qui a fait son apparition vers le 7è siècle avant J-C, où les opérations bancaires étaient principalement les opérations de caisse, rarement le crédit.

Les opérations de prêts et de dépôts en monnaie font leur apparition et prennent de l’ampleur avec les prêtres religieux ; au fil des siècles, ces prêtres furent remplacés par les laïcs qui seront à leur tour, relevés par les professionnels du métier.

Les historiens et les experts s’accordent sur la création de la première banque à Venise (en Italie) vers 1151 (11e siècle après (J.C) et la ville de Florence devenait une importante place bancaire.

C’est le début d’une véritable révolution au plan bancaire avec le développement du commerce et des affaires d’abord en Europe, mais aussi entre l’Europe et l’Orient, puis dans le reste du monde (Amérique, Asie et bien plus tard en Afrique).

Ainsi, les banquiers ont introduit des innovations dans l’exercice de leur métier avec la naissance de nouveaux instruments financiers dont :

-          L’introduction de la lettre de paiement, remplacée plus tard par la lettre de change qui se transmet entre créanciers par simple endossement pour parer aux risques liés au transport d’importantes sommes d’argent et d’or ;

-          L’apparition des Sociétés par Action (S.A.) et la spécialisation des activités bancaires ont fortement contribué à la naissance de véritables entreprises multinationales : les Fugger à Augsbourg (Allemagne), les Médicis, les Alberti ou les Strozzi à Florence (Italie).

La plus ancienne action connue, est celle de la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales qui date de 1606.

-          La naissance du chèque et l’introduction de la comptabilité en partie double ont favorisé la tenue des comptes ;

-          L’avènement et la circulation des certificats de papier remboursables en pièces d’or, vont contribuer à plus de création monétaire.

-          Les activités des orfèvres en Angleterre favorisent la création du billet à ordre à travers l’octroi de prêt en or.

-          Le maintien de l’or dans les banques constitue le système de réserves à la base des systèmes bancaires actuels.

Le système bancaire et son mode de fonctionnement

Le développement des activités économiques et la mondialisation nécessitent une quantité de plus en plus croissante de monnaie et de moyens de paiement dans les économies. Cette offre de monnaie émane principalement des activités de système bancaire et financier. Il s’avère dès lors important de s’intéresser à l’organisation et au mode de fonctionnement de ce système bancaire et financier.

Le système bancaire et financier est composé de trois types d’institutions :

-          les institutions bancaires et assimilées,

-          les institutions financières spécialisées,

-          le trésor public.

Les institutions bancaires et assimilées ont le privilège de recevoir les dépôts des particuliers et elles consentent des crédits. Les institutions financières spécialisées n’ont pas la possibilité d’accepter les dépôts mais accordent des crédits spécialisés ou gèrent l’épargne de leurs clients. Enfin, la troisième catégorie est constituée par le Trésor Public. Chacune de ces trois catégories est à son tour composée de nombreux éléments.

Les institutions bancaires et assimilées comprennent  la Banque Centrale (BC) encore appelée la Banque des banques.

 Aujourd’hui, tout pays ou toute union (UEMOA, UE…), quelle que soit sa taille, possède une banque centrale. La BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) est la banque centrale de la zone UEMOA. Cette banque centrale remplit trois fonctions essentielles. Elle agit comme banquier des banques commerciales, fournit la quantité de monnaie nécessaire au développement non inflationniste des transactions et gère les réserves de changes.

Les Banques commerciales ou Banques du 2nd rang, dans la zone UEMOA, ces banques sont au nombre 135 fin décembre 2023 dont elles se répartissent comme suit : Benin (14), Burkina Faso (16), Cote d’Ivoire (28), Guinée Bissau (6), Niger (14), Sénégal (29), Togo (14) et 14 au Mali qui sont : BDM, BIM, BNDA, BCS, BOA – MALI, AFG BANK MALI (AFG ML) ex BICI – M, BANQUE ATLANTIQUE, BMS, BCI – MALI, BSIC – MALI, ECOBANK-Mali, CORIS Bank International-MALI ; UNITED BANK FOR AFRICA - MALI (UBA - MALI).

Les banques commerciales sont marquées par leur diversité et par la multiplicité des fonctions qu’elles remplissent. Ces banques sont définies à partir des opérations qu’elles pratiquent à titre habituel (ou opérations de banque). Elles sont considérées comme les vraies créatrices de monnaie, dans la mesure où elles créent leur propre monnaie (monnaie scripturale) en accordant notamment des crédits aux agents économiques non financiers (Ménage, Entreprises, Etat). Elles collectent les dépôts et assurent en partie le financement de l’économie.

Les institutions financières spécialisées, parmi ces institutions financières spécialisées on distingue les compagnies d’assurance qui gèrent des capitaux importants. Ces capitaux proviennent des primes d’assurance versées par les clients au titre de risques (assurance habitation, automobile, etc…). Ces produits d’assurance constituent le métier initial des assureurs. Par la suite, les assureurs ont élargi leur domaine de compétence en concurrençant les banques sur le terrain de la gestion de l’épargne, d’où l’expression de bancassurance. Et les Organismes de Placement collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM). Leur rôle est l’acquisition et la gestion de portefeuilles composés essentiellement de valeurs mobilières (actions, obligations, titres du marché monétaire…). Ces OPCVM à l’intention des épargnants sont constitués d’une part par les Sociétés d’Investissement à Capital Variable (SICAV), et d’autre part par les Fonds Communs de Placement (FCP) – La société regroupe les capitaux déposés chez elle et gère le portefeuille acquis avec ces fonds. Enfin les sociétés de financement qui comprennent à leur tour les sociétés de crédit à la consommation, elles ont été créées par des entreprises commerciales ou industrielles pour faciliter la diffusion de leurs produits. Les établissements de crédit-bail, Cette forme de crédit (appelée aussi location-vente) est employée par les particuliers et par les entreprises. Les sociétés utilisent cette formule pour acheter biens d’investissement et les particuliers pour acquérir des biens de consommations durables.

Le Trésor Public est le caissier de l’Etat, ce qui signifie que toutes les opérations financières réalisées par l’Etat (recettes fiscales, paiements des fonctionnaires…) passent par lui. Le Trésor Public crée de la monnaie divisionnaire (pièces de monnaie), et peut s’endetter également auprès de la Banque centrale.

M. Abdoulaye CAMARA

 Série : Economie en question (N°17)

Incertitudes et les asymétries d’information

Quand on parle d’incertitude, le clivage est net entre orthodoxes et hétérodoxes. Si les derniers cités soutiennent l’impossibilité de probabiliser les différents états de la nature associés aux activités des agents économiques ; ce qui les pousse à défendre le concept de l’incertitude radicale. Pour les premiers, il est bel et bien possible de probabiliser les différents états du monde associés aux évènements aléatoires des agents. D’où l’existence d’une incertitude probabilisable ou risque pour eux.

Malgré ce dualisme, les deux camps sont d’accord sur un fait : l’existence de l’incertitude n’est pas toujours un frein au fonctionnement optimal des activités économiques. En d’autres termes, les activités économiques fonctionneront de manière optimale même en situation d’incertitude ; qu’elle soit radicale ou risquée, mais à condition qu’elle soit uniformément répartie. C’est-à-dire que si l’incomplétude de l’information est la même pour tous les participants aux activités. Et pourtant, il y a incertitude et il y a incertitude !

Les situations d’incertitude dans lesquelles l’incomplétude de l’information n’est pas uniformément répartie entre les participants ou agents économiques – ce qui suppose qu’un ou plusieurs participants ont accès à certaines informations que les autres n’ont pas – ne conduisent pas à des résultats optimaux. La détention de telles informations est nommée dans le jargon économique « Asymétrie d’information » ou « information privée ». Une telle situation conférera à son détenteur une « rente informationnelle ».

Il y a asymétrie d’information quand des agents qui participent à un jeu (toute situation d’interaction) détiennent des informations cachées. Ce qui renvoie aux jeux dont la structure d’information est incomplète et non uniformément répartie.

Les informations cachées détenue peuvent être relatives soit aux caractéristiques d’une personne, d’un animal ou d’une chose soit aux attitudes ou comportements d’une personne. Dans le premier cas, l’asymétrie d’information peut conduire à des résultats d’antisélection tandis que dans le dernier cas, elle conduira à des aléas moraux.

Si l’incertitude ne conduisant pas à la détention d’information privée n’est point jugée par les économistes comme nuisible au fonctionnement de l’économie du point de vue de l’optimalité ; par contre, celle qui conduit aux asymétries d’information (antisélection et aléa moral) constitue une cause majeure de défaillance de marché. Dans une telle situation, l’intervention extérieure – celle des autorités par exemple – dans le fonctionnement des activités concernées doit être impérativement de mise.

Madou CISSE

FSEG

 Série : Economie en question (N°16)

Politiques monétaires non conventionnelles : l’assouplissement quantitatif

Dans leur ouvrage collectif « Théorie de la régulation, un nouvel état des savoirs » publié en 2023, les régulationnistes, Boyer et alliés définissent le régime monétaire comme étant l’ensemble des règles qui président à la gestion du système de paiement et du crédit. Ces règles sont mises en œuvre par les banques centrales. Dans le processus de mise en œuvre de ces règles, ils existe deux principales mesures à savoir : les mesures conventionnelles et les mesures non conventionnelles.

L’adoption du régime monétaire basé sur la confiance des nouveaux keynésiens à partir des années 1990 par les banques centrales a définitivement imposé le ciblage du taux d’inflation comme la principale règle de gestion des banques centrales dans le monde.

En cas d’écart positif (respectivement négatif) entre le taux d’inflation observé et la cible retenue, les autorités monétaires adoptent les mesures conventionnelles pour corriger l’écart constaté. Ces mesures utilisent un outil (le taux de refinancement) et elles ont des canaux de transmission qui sont le taux d’intérêt interbancaire (fixé sur le marché monétaire) et le taux de crédit bancaire (fixé sur le marché du capital).

Concrètement, pour la mise en œuvre des mesures conventionnelles, les autorités monétaires augmentent (respectivement diminuent) le taux de refinancement qui contracte (respectivement augmente) par ricochet l’offre de monnaie centrale ou monnaie fiduciaire (les billets et les jetons). Car une telle mesure impacte significativement à la hausse (respectivement à la baisse) le taux interbancaire qui à son tour impactera à la hausse (respectivement à la baisse) le taux du marché du crédit bancaire. Ce qui impactera à son tour la demande globale et en bout de chaine le niveau général des prix des biens et services donc réinstaure la cible d’inflation fixée.

Les mesures conventionnelles ainsi décrites sont des mesures appliquées quand l’évolution de l’économie est jugée « normale ». Une situation caractérisée par des taux d’inflation positifs et un taux de refinancement positif.

Malheureusement, dans les périodes de crises financières aiguës comme celles de 2007-2008 qu’ont connues les Etats-Unis et l’Europe pour ne citer que ces deux zones, les taux d’inflation peuvent devenir négatifs (situation de déflation) et le taux de refinancement tendant vers zéro. Dans de telles situations exceptionnelles, les mesures conventionnelles deviennent inefficaces. D’où la nécessité d’adopter de nouvelles mesures appelée mesures non conventionnelles.

Les autorités monétaires assurent la stabilité financière en jouant le rôle de prêteur et de teneur en dernier ressort système financier. Dans cette vision, elles peuvent mettre en œuvre des mesures non conventionnelles de politique monétaire dont la principale est l’assouplissement quantitatif ou détente quantitative (quantitative easing en anglais). Les objectifs ultimes de telles mesures étant la relance de l’économie et la hausse du niveau général des prix (lutte contre la déflation).

Quand la crise financière conduit à la trappe à liquidité (taux de refinancement quasi nul) combinée à une déflation économique, les banques centrales peuvent en ce moment intervenir directement sur le marché financier (marché primaire et secondaire) en achetant les obligations (étatiques et privés). Par un tel comportement, les banques centrales vont augmenter la demande de ce type d’actif. Ce qui conduit à une diminution de la rémunération de cet actif financier tout en injectant de la liquidité dans l’économique. En optant pour une telle mesure (injection de liquidité), les banques centrales peuvent relancer l’économie en renflouant les institutions financières menacées de faillite et aussi redynamiser les activités économiques de consommation et d’investissement. In fine, elle booste la demande globale.

Une autre variante de la détente quantitative consiste de la part des banques centrales d’octroyer des prêts en quantité quasi illimitée aux banques de second rang pour des durées significativement plus longues atteignant souvent des années que la semaine habituellement requise lors des opérations de refinancement (comme ce fut le cas de la Banque Centrale Européenne à travers les « Long Term Refinancing Operations » LTRO).

A la suite de Deng Xiaoping, qui disait en 1962, je cite « Peu importe qu'un chat soit noir ou blanc, s'il attrape la souris, c'est un bon chat » ; je soutiens : peu importe que la politique monétaire soit conventionnelle ou non conventionnelle, qu’elle soit capable d’instaurer la confiance des agents économiques tout en relançant les activités économiques, elle est une bonne politique économique.

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Banque centrale et monnaie : que retenir des agrégats monétaires ?

L’opération de mesure de la quantité de monnaie existante dans un pays relève de la mission des autorités monétaires (Banque Centrale). D’abord, les autorités monétaires doivent veiller au bon fonctionnement de l’ensemble des paiements et surveiller le système bancaire et financier. Ensuite, elles doivent définir et mettre en œuvre la politique monétaire.

Dans la zone UEMOA, la BCEAO (Banque centrale) dispose un ensemble d'agrégats monétaires harmonisés : Ml, M2 et M3. Ces agrégats permettent de calculer la quantité de monnaie en circulation dans la zone UEMOA. La part de chaque pays de la zone est aussi calculée.

La construction des agrégats monétaires dans la zone UEMOA

On appelle agrégat monétaire au sens strict l’ensemble des moyens de paiement ou de règlement détenus par les agents non financiers d’un pays donné. Cette monnaie peut avoir deux formes : fudiciaire et scripturale. Cette définition ne tient pas compte d’autres actifs financiers qui, sans être parfaitement liquides et utilisables en tant que tels comme moyens de règlements, sont très facilement transformables en monnaie au sens strict. Mais vont donc être inclus dans des agrégats au sens large, en plus de la monnaie au sens strict, l’ensemble des actifs financiers qui sont facilement et rapidement convertibles en moyens de paiements.

Le principal problème conceptuel, dans la construction des agrégats monétaires, est celui de la frontière entre monnaie proprement dite et autres actifs financiers plus ou moins liquides. En pratique, la construction des agrégats utilise plusieurs critères. Tout d’abord un critère fonctionnel qui consiste à distinguer entre ce qui est un moyen de paiement proprement dit et ce qui ne l’est pas, et à classer ces seconds éléments selon un degré de liquidité décroissant. Mais ce critère ne suffit pas à ordonner la grande variété des actifs financiers intégrables dans les agrégats.

Un critère institutionnel est également utilisé : les actifs vont être distingués selon la nature de l’institution (banques, trésor, entreprises, etc.) qui les gère ou les émet. Ces deux critères sont appliqués dans beaucoup de pays, mais le critère de durée de l’actif est aussi adopté dans d’autres pays.

Enfin, beaucoup de pays adoptent le principe de l’emboitement, c’est-à-dire que tout agrégat est inclus dans un autre agrégat de rang supérieur jusqu’à un rang maximum.

Le contenu actuel des agrégats de la zone UEMOA

La masse monétaire (quantité de monnaie en circulation dans une économie) regroupe les actifs liquides, y compris les actifs négociables sans risque en capital. Ce regroupement s’effectue en 3 étapes, définissant chacune un agrégat incorporant des actifs de moins en moins liquides et dénommés respectivement M1, M2 et M3.

a°) L’agrégat M1, est le plus étroit. Il correspond aux disponibilités monétaires ou ensemble des « moyens de paiement » et comprend la monnaie divisionnaire (les pièces), la monnaie fiduciaire (les billets) et la monnaie scripturale (les dépôts à vue appelés comptes courants) détenues par les agents non financiers résidents dans la zone UEMOA.

b°) L’agrégat M2, appelé agrégat monétaire intermédiaire, comprend de l’agrégat M1, auquel s'ajoute les éléments intégrés dans (M2-M1), c'est-à- dire toutes les autres formes de dépôts. L'agrégat M2 regroupe donc l'ensemble des actifs monétaires disponibles à vue ou avec un préavis inférieur ou égal à trois mois, rémunérés ou non, ou à terme mais d'une durée inférieure à deux ans qui sont détenus par les agents non financiers résidents et qui sont les plus directement liés aux transactions sur biens et services.

c°) L’agrégat M3, agrégat monétaire au sens large, est constitué de M2 auquel s'ajoutent les éléments intégrés dans (M3-M2), c'est-à-dire des instruments négociables émis par les institutions financières monétaires. Il s'agit des pensions, des fonds de placement commun, des titres de créance d'une durée initiale inférieure  à deux ans et des titres du marché monétaire. L'agrégat M3 est donc constitué en ajoutant à l'agrégat M2 les placements à court ou moyen terme pour lesquels la liquidité avant le terme du placement fait courir un risque de perte sur le montant nominal du placement qui est nul (cas des bons non négociables par exemple) ou probablement limité (les titres de créances négociables sur le marché monétaire etc. et les fonds de placement commun).

M. Abdoulaye CAMARA

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