Série :
Economie en question (N°4)
Les
économies d’échelle conduisent à un « mal nécessaire »
Normalement, les entreprises
enregistrent des augmentations successives de leurs coûts unitaires de
production ou coûts totaux moyens de production au fur et à mesure que leurs
niveaux de production augmentent. Cette normalité de la croissance des coûts
unitaires de production quand la production augmente peut être remise en cause
dans certains processus particuliers de production. De telles situations se
traduiront par une décroissance des coûts unitaires lorsque les niveaux de
production augmentent. C’est ce phénomène que les économistes nomment les « économies d’échelle » à la suite
d’Alfred Marshall économiste anglais qui a développé cette notion dans son
ouvrage intitulé « Principes d’économie politique » (1906).
Les économies d’échelle ne doivent
pas être confondues avec les rendements d’échelle croissants même si les deux n’apparaissent
dans les processus de production qu’à long terme. Le dernier des deux concepts
conduit à une augmentation plus que proportionnelle de la production d’une
entreprise consécutive à une augmentation dans les mêmes proportions des
facteurs de production utilisés dans le processus de production. Dit autrement,
si par exemple, tous les facteurs de production utilisés pour produire un bien
X augmentent respectivement de 20% et que cela entrainerait une augmentation de
28% de la production, il serait admis dans une telle éventualité qu’il y a
rendements d’échelle croissants.
Origines
des économies d’échelle
D’entrée de jeu, je soutiens que l’existence
des rendements d’échelle croissants dans le processus de production est une
condition suffisante mais pas nécessaire pour qu’il y ait des économies
d’échelle dans le processus de production d’une entreprise.
La source des économies d’échelle la
plus fréquente est l’existence de coûts fixes de production importants dans la
structure de coûts d’une entreprise par rapport aux coûts variables de
production. Si les coûts fixes de production sont plus importants (donc existence
de facteurs fixes importants) que les coûts variables de production (rémunérant
les facteurs variables), cela entraine la supériorité de l’effet de répartition
des coûts de production (coûts unitaires fixes) sur l’effet de rendement (coûts
unitaires variables). En ce moment, le coût unitaire de production décline
quand le niveau de production croît. Et une entreprise qui produit sur une
telle frange de son coût unitaire de production peut vendre son bien ou son
service à des prix bas.
Conséquence
économique des économies d’échelle
La principale conséquence de
l’existence des économies d’échelle dans le processus de production conduit à
l’érection des monopoles naturels.
Ces types de monopoles qui sont la
conséquence directe des économies d’échelle sont présents dans nos économies
contemporaines. Ils dominent généralement les secteurs de l’énergie (eau et
électricité).
En présence d’un monopole naturel – c’est-à-dire un monopole bénéficiant des économies d’échelle – les
économistes (orthodoxes et hétérodoxes confondus) soutiennent qu’il n’est pas
judicieux d’ouvrir le secteur sur lequel il évolue à la concurrence. Car en optant
pour l’ouverture à la concurrence, les avantages induits par la décroissance
des coûts unitaires c’est-à-dire la présence des économies d’échelle seraient
perdus ou amoindris. Dans une telle éventualité, le monopole qui est considéré
par les économistes comme la structure de marché la plus inefficace – fixant un
prix assez supérieur au coût marginal de production du bien ou du service qu’il
offre – devient un « mal nécessaire ».
C’est d’ailleurs ce qui explique qu’au Mali, le marché de l’eau potable et
celui de l’électricité urbaine en ce qui concerne leurs segments respectifs de
production et de transport doivent demeurer monopolistique. Ces deux secteurs à
travers leurs coûts fixes de production assez importants liés à des facteurs de
production fixes tels que les barrages hydroélectriques, les châteaux d’eau, les
poteaux électriques, les autres ouvrages en Bâtiments Travaux Publics (BTP) etc.
génèrent des économies d’échelle.
Ce « mal nécessaire » qu’est le monopole naturel doit toujours être soumis à une surveillance des autorités publiques afin de le pousser à maintenir un niveau de tarif orienté de manière pérenne vers son coût de production économique. Et pour atteindre un tel objectif, celles-ci ont à leur disposition moult méthodes de régulation parmi lesquelles figurent des mesures de régulation visant le prix que peut fixer le monopole naturel et des mesures hors prix.