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Quand le 47ème Président américain trouvait un monde déjà protectionniste

Le libéralisme économique s’est imposé comme la clé de voute des systèmes économiques de par le monde à partir des années 80. L’idéologie du libéralisme économique s’appuie sur la mise en œuvre du triptyque de la libre circulation des hommes (le travail), des capitaux (le détournement des ressources de la consommation présente vers la production et la consommation future) et des biens et services (les outputs).

L’application par les différents pays de l’idéologie libérale dans sa version la plus drue est loin d’être la règle. Dans les faits, les pays limitent – à l’exception des zones économiquement intégrées – généralement la circulation inter-Etat du travail en imposant le principe de l’immigration régulière. Souvent les pays contrôlent les mouvements des capitaux. Enfin, les interdictions contre les mouvements des biens et services sont imposées régulièrement par les différents pays. Ce type d’interdictions conduit au protectionnisme pour ne pas dire au prohibitionnisme. Cette forme d’interdictions devient de plus en plus courante depuis l’éclatement de la crise financière en 2008. Pour preuve, le site Internet https://globaltradealert.org/ a recensé près de 60.000 mesures protectionnistes mises en place par les différents pays depuis 2009.

Le protectionnisme qui vise à limiter ou prohiber l’entrée de biens et services étrangers sur le territoire national peut être mis en œuvre par l’usage de mesures tarifaires (les droits de douane, les subventions, les aides à l’exportation) et ou des mesures non tarifaires (les quotas, les normes, etc.). Ces différentes mesures visent respectivement les prix des biens et services étrangers, leurs quantités ou leurs qualités. Même si l’imposition des droits de douane est médiatiquement retentissante et retient l’attention du grand public, il est important de noter que les subventions et les aides à l’export prennent la part du lion des mesures protectionnistes de ces dernières années. Toujours selon les données du site Internet https://globaltradealert.org/, depuis 2009, les droits de douane représentaient seulement environ 7% des mesures protectionnistes mises en place dans le monde contre 56,5% pour les subventions et 16% pour les aides à l’export et 4,3% pour les restrictions à l’importation (aussi appelées les quotas) ; pendant que les normes renforçaient le niveau de protectionnisme des différents pays à hauteur de 9% environ.

Même si l’élection du 47ème Président américain a permis au monde entier de parler encore plus de protectionnisme ; la présentation faite ci-dessus fait ressortir que les mesures protectionnistes sont monnaie courante dans le monde. Qu’elles sont l’apanage de tous les pays et surtout qu’elles deviennent de plus en plus vivaces depuis l’avènement de la crise des subprimes à partir de 2008. Face à une telle recrudescence des mesures protectionnistes, il ne serait pas inopportun de répondre à la question suivante : que disent les préceptes de l’économie positive sur l’impact de la mise en place des mesures protectionnistes dans un pays ? Dans une série d’articles qui seront publiés sur ce blog, j’apporterai des éléments de réponses à l’interrogation ainsi posée.

Madou CISSE

FSEG

 Série : Economie en question (N°18)

Que faut-il entendre par l’expression « perte sèche » ?

Du point de vue de l’économie positive, la meilleure structure de marché est le marché concurrentiel dont l’extension théorique conduit à la structure de marché de concurrence pure et parfaite (CPP). Une telle organisation de l’offre et de la demande est supérieure aux autres formes de marché parce qu’elle conduit à la fixation d’un prix d’équilibre tendant vers le coût marginal de production – ce coût est le coût supporté par le producteur quand il produit une unité supplémentaire.

Le marché de concurrence par opposition aux structures relevant de la concurrence imparfaite – monopole, oligopoles à produits homogènes / hétérogènes et la concurrence monopolistique – conduit à une maximisation des gains ou surplus des consommateurs et des producteurs (pour ces derniers il s’agit de leurs bénéfices). Une caractéristique fondamentale du fonctionnement de ce type de marché se résume à l’absence de perte sèche.

La perte sèche est le manque à gagner mesuré en unité monétaire qu’enregistre un marché donné par rapport à une organisation concurrentielle de celui-ci. Car sur les structures de marché de concurrence imparfaite, les prix fixés sont normalement plus grands que le coût marginal de production. Une fois que le prix d’équilibre s’écarte de sa position concurrentielle, la quantité produite deviendrait plus faible que celle qui serait réalisée si l’organisation du marché était concurrentielle. Et par voie de conséquence, le prix d’équilibre obtenu deviendrait supérieur à celui de la concurrence. D’où l’existence de la perte sèche pour l’économie deviendrait inévitable.

C’est munis de ces préceptes de l’économie positive tirés de l’analyse de la structure du marché de concurrence pure et parfaite que les orthodoxes préviennent les autorités de toute intervention sur les marchés remplissant les principaux critères d’une structure de marché concurrentiel qui sont : l’atomicité des acteurs côté demande et côté offre, l’homogénéité des produits offerts, une quasi perfection de l’information et l’existence d’un niveau de barrières plus faible à l’entrée comme à la sortie du marché. Dans ces conditions, toute intervention des autorités visant les prix d’une telle structure de marché soit à travers des politiques de contrôle des prix (prix plancher ou prix plafond) soit à travers des taxes ne font qu’écarter davantage le prix du marché du prix de concurrence qui assure le gain maximal pour l’économie. Donc, une telle intervention ne fera que créer un réel manque à gagner pour les consommateurs. Parce que le prix final sera dans tous les cas supérieurs au prix de concurrence que l’intervention des autorités tente de combattre.

Me basant sur ces conclusions de l’économie positive « immuables », je pense qu’à l’orée de cette période de ramadan, les interventions des autorités sur les marchés de l’huile, du sucre, du riz, du lait en poudre et de la farine par l’instauration des prix plafonds doivent être évitées. Par contre, leurs interventions doivent être orientées vers des politiques de l’offre visant à impacter positivement les offres des produits déjà cités. Au-delà des politiques de subvention habituellement mises en œuvre, les autorités doivent impacter positivement par d’autres moyens les conditions d’offre desdits produits. Une piste de réflexion à explorer dans ce sens peut viser à faciliter davantage les conditions d’octroi de crédit aux entreprises durant toute la période ciblée, ce qui boostera leurs capacités d’acquisition à l’international des produits en question (tout en évitant autant que faire se peut les effets d’aubaine et les détournements). En plus, dans le même sillage, les autorités doivent ouvrir entièrement pour toutes les entreprises désireuses les importations desdits produits de grande consommation.

Madou CISSE

FSEG

 

Contribution de Dr Falingué KEITA Economiste-Consultant-Formateur, Enseignant à la FSEG, UIE, ESGIC, INTEC SUP, INSTITUT VITO’S, ECOSUP.

La Digitalisation des Services Publics au Mali : Qu’en est-il des dépôts des dossiers pour le concours de recrutement dans la fonction publique « Plateforme E-Concours » ?

La digitalisation des services publics est un sujet d'actualité dans de nombreux pays, y compris au Mali, où Son Excellence, le Général d’Armée, Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat de la république du Mali a donné des directives, le 22 juin 2024, lors de sa visite à Sikasso pour la digitalisation des services administratifs du Mali notamment celle des paiements dans les services publics. La finalité de cette transformation digitale est d'améliorer l'efficacité, la transparence et l'accessibilité des services publics pour les citoyens maliens.

Manifestement, la digitalisation des services publics, comme la mise en place d'une plateforme « E-Concours », s'inscrit dans une logique économique et sociale justifiée par plusieurs théories économiques. En effet, la théorie de la modernisation de Rostow (1960) met en avant que la transition numérique reflète une étape clé dans la modernisation des institutions publiques, essentielle pour le développement économique d’un pays. La théorie de la gouvernance publique d'Elinor Ostrom (1990) appuie l'idée que la digitalisation favorise la transparence, l'équité et l'efficacité dans la gestion des services publics. Ces perspectives théoriques renforcent la pertinence et l'urgence d'adopter des solutions digitales comme « E-Concours » au Mali.

L'idée de cet article de presse m'est venue suite à un événement tragique qui a touché mon jeune frère de lait courant l’année 2024. Celui-ci a été victime d'un grave accident de la circulation alors qu'il se rendait pour déposer physiquement ses dossiers de candidature au recrutement des soldats du feu, autrement appelés « sapeurs-pompiers ». L'accident a provoqué une fracture grave du genou droit, nécessitant une intervention chirurgicale. Cet incident met en lumière les dangers et les difficultés inhérentes à la nécessité de se déplacer pour faire le dépôt physique de ses dossiers pour les différents recrutements pourtant évitables dans un contexte de digitalisation croissante.

Problèmes liés au dépôt physique des dossiers au Mali

Au Mali, le dépôt des dossiers pour les concours publics reste une tâche compliquée et source de nombreux désagréments pour les candidats. Ceux-ci sont souvent obligés de faire de longs déplacements, parfois depuis des zones rurales éloignées, pour se rendre dans les centres de dépôt, ce qui engendre des coûts importants en termes de temps et d'argent. Ces déplacements massifs provoquent également des embouteillages et augmentent les risques d'accidents sur des routes déjà en mauvais état. Une fois sur place, les candidats font face à des files d'attente interminables et à des dysfonctionnements administratifs, comme la perte ou le mauvais traitement des dossiers. Ces problèmes montrent clairement que le système manuel actuel est dépassé et inadapté aux réalités modernes.

En outre, ces déplacements massifs augmentent les risques d'accidents de route, particulièrement dans un pays où les infrastructures routières sont insuffisantes. De plus, les administrations elles-mêmes peinent à gérer efficacement ces flux, ce qui peut entraîner des pertes de dossiers ou des erreurs de traitement. Ces dysfonctionnements rendent le système inadapté aux exigences modernes et inefficaces pour répondre aux besoins croissants des candidats.

Avantages attendus de la digitalisation

La mise en place d'un système numérique pour le dépôt des dossiers, comme la plateforme « E-Concours », offrira de nombreux avantages. Cela permet aux candidats de soumettre leurs dossiers en ligne depuis n'importe quel endroit. La digitalisation favorisera également une meilleure transparence, en limitant les risques de fraude ou de favoritisme. Pour l'administration, un tel système simplifiera le traitement des dossiers, réduira les erreurs et améliorera l'efficacité du processus. De plus, un dépôt numérique s'inscrit dans la dynamique de modernisation des services publics, répondant aux attentes des citoyens tout en rehaussant l'image des institutions.

Propositions pour une mise en œuvre réussie

Pour réussir cette digitalisation, plusieurs actions concrètes doivent être prises. D'abord, il est urgent que les autorités accélèrent le développement et le lancement de la plateforme « E-Concours » en collaboration avec des spécialistes du numérique. Il faut également investir dans des infrastructures modernes et sécurisées pour assurer un bon fonctionnement, même en cas de forte affluence d'utilisateurs. Ensuite, il est nécessaire de former les utilisateurs, en particulier les candidats et les agents administratifs, pour qu'ils soient à l'aise avec les outils numériques. Des campagnes de sensibilisation à travers les radios, la télévision et les réseaux sociaux seront également utiles pour informer la population. Enfin, il sera préférable de créer des centres d'appui dans les zones rurales, équipés de matériel informatique et d'accès à Internet, pour aider ceux qui n'ont pas les moyens techniques de soumettre leurs dossiers en ligne. Avec un suivi régulier, cette transition pourra être améliorée progressivement et devenir un véritable modèle de réussite pour le pays.

Dr Falingué KEITA


L’intervention de l’Etat malien dans les activités de production des biens et services est-elle opportune ?

Il fallait attendre la fin du 18ème siècle pour que le terme idéologie soit utilisé pour la première fois. Dans son essence originelle l’idéologie vise en tant que science générale des idées et des lois, l’objectivité et l’exactitude du raisonnement. L’économie qui amorça son indépendance vis-à-vis de la philosophie à la même période n’a point hésité de s’appuyer sur cet usage positif de l’idéologie. Chemin faisant, l’économie est devenue dorénavant à juste titre une science d’idéologies par excellence.

Economie : deux principales idéologies

Quels rôles économiques un Etat doit-il jouer ? La réponse que peuvent donner les économistes à cette interrogation conduit à étaler au grand jour le clivage idéologique qui existe entre les orthodoxes et les hétérodoxes. Pour les premiers cités, un Etat doit se limiter aux fonctions régaliennes (la défense, la sécurité et la justice) et les grandes infrastructures telles que les routes. Les seconds recommandent sans jambage qu’en plus de ses fonctions régaliennes et tutélaires un Etat doit aussi être vendeur de biens et services.

Ces deux approches idéologies vont conduire dans le temps en termes de fonctionnements des économies modernes à un intervalle fermé partant du communisme au libertarianisme. Ce continuum va donc servir d’assoir une myriade de positionnements idéologiques cherchant à expliquer l’implication d’un Etat dans les activités économiques. Si le communisme prône le TOUT Etat (employeur et producteur) ; le libertarianisme dans sa version extrême défend une totale absence de l’Etat au profit des initiatives individuelles.

Entre ces deux positions extrêmes prennent place des structures d’économies mixtes dans les différents pays du monde. Un observateur attentif des différents pays du globe arriverait sans difficulté au constat que ces derniers font dans des proportions différentes de savants mélanges des préceptes des deux idéologies extrêmes. Ce qui conduit dans les faits à des pays plus libéraux sur le plan économiques (comme les Etats-Unis) et d’autres plus interventionnistes à l’image de la Chine. Une chose demeure patente en ce début de 2025, aucun pays du globe n’est positionné exactement soit à gauche de l’intervalle soit à droite de celui-ci. Donc, les préceptes de l’économie mixte ont la côte.

Le Mali : entre gauche et droite

La République du Mali a été positionnée à l’extrême gauche de l’intervalle fermé par les pères fondateurs. Ce positionnement était aligné sur celui des bolcheviks arrivés au pouvoir en Russie en février 1917. Le Mali a nagé petit à petit vers la droite du continuum à partir du début des années 1970. Ce basculement a atteint son épilogue au début des années 1990. Le Mali entrait de plain-pied à partir de cette date dans l’application des préceptes de l’économie mixte avec un marquage plus à droite de l’intervalle fermé. Ce marquage se caractérisait par la primauté du marché sur l’implication de l’Etat dans les activités économiques.

Ces derniers mois, à travers trois (03) actes majeurs, la montée en puissance d’un Etat producteur devient de plus en plus marquée au Mali. Ces actes sont-ils des signes précurseurs d’un basculement de l’idéologie économique au Mali vers la gauche du continuum ?

Les nostalgiques du bolchevisme, sont dithyrambiques face à cette montée en puissance de l’Etat malien dans les activités économiques. Ils demandent même plus de la part de l’Etat malien. Ils espèrent sur l’établissement de plus de justice sociale dans le pays par le truchement de l’avènement d’un Etat beaucoup plus impliqué dans les activités économiques. Mais est-ce que l’avènement d’un Etat producteur de biens et services au Mali, peut-il rétablir une vraie justice sociale ? Ma réponse est non !

Si les politiques économiques orientées vers la gauche de notre continuum sont censées assurer plus de justice sociale que celles de droites – supposées conduire à plus d’inégalités – la non prise en compte du contexte économique de chaque pays peut conduire à des sophismes. Car sous la plume de Karl Polanyi, je retiens qu’une économie ne doit pas être considérée comme désencastrée de son contexte social.

Le Mali est une république. A la suite de Montesquieu, je soutiens que le principal ressort d’une république est la vertu que je définis comme l’engagement qui pousse un décideur à voir son intérêt personnel dans l’intérêt collectif. Le manque d’un tel engagement chez les décideurs ruine carrément tous les supposés bienfaits attribués aux politiques économiques de gauche. Dans un contexte de manque de vertu, toute tentative de l’Etat visant à être producteur de biens et services ne peut que produire les effets contraires à savoir : le creusement des inégalités (car ceux qui se trouveront au bon moment et au bon endroit se sucreront) ; un appauvrissement général de la population et avec en prime un risque important de disparition de toutes les activités contrôlées majoritairement par l’Etat. D’aucuns peuvent retorquer à ma présentation en soutenant que dans tel pays X, c’est l’Etat qui fournit tel bien ou service Y, et pourtant, ça marché là-bas tout en garantissant un niveau important de justice sociale ! je réponds à ce type d’intervention simplement en disant que les pays ne se valent pas !

Si l’avènement de l’Etat producteur est problématique surtout dans les pays en panne de vertu, pour les raisons déjà évoquées, il faut obligatoirement renforcer l’absence de l’Etat dans la production des biens et services tout en encourageant la présence des entreprises privées dans ce domaine. Pourquoi ?

Il est vrai, qu’une telle orientation pourrait conduire à une exacerbation des inégalités mais elle a le vibrant mérite d’augmenter la richesse collective. Cette idéologie met au cœur du fonctionnement des activités économiques les incitations individuelles. Ce qui va permettre in fine de canaliser dans le sens collectif les intérêts individuels. Une fois que la richesse est créée, l’Etat pourrait à travers une fiscalité bien calibrée passer à la caisse pour rétablir plus de justice sociale.

Je pense sincèrement que dans un pays comme le Mali, en prenant en compte le contexte social, l’Etat aura beaucoup à gagner en intervenant moins dans les activités économiques qu’en voulant y être un acteur majeur. Si le secteur est jugé « stratégique », le confier à des géants nationaux privés ne semblerait pas plus risqué que si c’est dans les girons de l’Etat. Car avant tout, « Les [H]ommes sont ce qu’ils sont, et ce qu’ils font c’est leur affaire ».

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Processus de création monétaire

Dans cette 2ème partie l’objectif est de déterminer comment et par qui la monnaie est créée puis d’étudier dans quelle mesure il existe des limites à cette création monétaire.

Des notions telles que : les crédits font les dépôts, la création monétaire illimitée, les réserves obligatoires seront développés lorsqu’on va opposer le multiplicateur de crédit (classiques) au diviseur de crédit (Keynésiens)

Mécanisme de la création monétaire

La création monétaire (injection de la monnaie dans l’économie) consiste à accroitre la quantité de monnaie détenue par les agents non financiers (ANF). Ce pouvoir de création est exclusivement réservé aux institutions financières monétaires (Banque Commerciale, Banque Centrale et Trésor Public).- Création monétaire au niveau des banques commerciales

Les banques sont des établissements de crédit habilitées à recevoir les dépôts des particuliers (ménages, entreprises) et ayant le pouvoir de créer de la monnaie. Cette opération a lieu lors d’opérations de crédits de la banque vers ses clients. C’est pourquoi les économistes classiques (néoclassiques) disent que les crédits font les dépôts. La création de la monnaie par les banques est un jeu d’écriture. Les banques créent de la monnaie scripturale en créditant les comptes de ses clients.

Exemple : à la date t2020, la Banque B2 accorde un crédit de 100 F à l’entreprise X : c’est la phase de création monétaire. Les bilans de l’entreprise X et de la banque B2 se présentent comme suit : Compte courant(CC)

-          A l’actif du bilan, où sont enregistrées les créances de la banque, est inscrit le crédit accordé à l’entreprise X : + 100 ;

-          Au passif du bilan, où figure l’ensemble des dettes de la banque, le compte bancaire de l’entreprise Alpha est crédité du montant du crédit : + 100. L’inscription au passif de la banque correspond à une dette de la banque B2 vis- à-vis de l’entreprise X. En effet, l’entreprise X peut utiliser la monnaie dont elle dispose sur son compte pour effectuer les transactions souhaitées.

En théorie, et c’est le cas ici, le processus de création monétaire est illimité. La banque peut créer autant de monnaie qu’elle le souhaite. Il suffit qu’elle continue à accorder des crédits. Le processus de création monétaire a également lieu quand la banque autorise un découvert (compte bancaire débiteur), achète un actif réel (un immeuble par exemple) ou un actif financier (une action, une obligation, etc.). Quelle que soit la nature de lactif acquis par la banque, il y a création monétaire lorsque la banque crée de la monnaie en monétisant des actifs qui ne sont pas de la monnaie.

Cette création monétaire a une contrepartie. Puisqu’elle a lieu lors d’une opération de crédit, la contrepartie est une promesse de remboursement signée par l’emprunteur. A la date t+1(2021), l’entreprise X rembourse son crédit et son compte est débité de 100F: on parlera alors de destruction monétaire. A t+1, les bilans de deux agents se présentent ainsi:

Création monétaire au niveau de la Banque Centrale

La banque centrale crée de la monnaie sous forme fudiciaire. L’ensemble de la monnaie créée par la banque centrale est appelé monnaie de Banque centrale ou monnaie centrale.

La Banque centrale crée de la monnaie lors des opérations suivantes :

La demande de billets des agents non financiers auprès des banques commerciales (lorsqu’un agent non financier retire des billets au GAB (Guichet Automatique de Billets) de sa banque, il oblige cette dernière à se procurer de la monnaie fiduciaire auprès de la Banque centrale, seule émettrice de billets).

-          Lors de l’achat d’actifs réels, financiers ou de devises.

-          Lors des opérations de refinancement des banques commerciales auprès de la Banque centrale

La Banque Centrale crée de la monnaie scripturale qui est inscrite dans les comptes des banques commerciales dans les livres de la Banque centrale. Cette monnaie s’appelle monnaie Banque centrale ou base monétaire (par opposition à la monnaie de banque créée par les banques commerciales).

Si le montant en Monnaie Banque Centrale détenu par une banque commerciale devient insuffisant, cette banque doit immédiatement acheter de la monnaie Banque Centrale en cédant par exemple des titres, soit à d’autres banques commerciales, soit à la Banque Centrale : c’est l’opération de refinancement.

Création monétaire au niveau du Trésor Public

Lorsque le Trésor Public reçoit ordre d’effectuer un paiement, il a trois solutions. Il peut payer par pièces (monnaie divisionnaire) dont il a le monopole d’émission. Il peut aussi payer par crédit du compte du créancier, si ce dernier possède soit un compte au trésor, soit un compte à une banque commerciale. La troisième solution est que le trésor paye par débit de son compte auprès de la banque centrale. En pratique, le créancier reçoit un chèque au nom du trésor sur la banque centrale ou reçoit un virement de la banque centrale sur son compte (le cas pour le paiement des salaires des fonctionnaires).

Le Trésor Public peut également se refinancer auprès de la Banque centrale lorsque l’Etat a besoin d’un financement (par exemple pour financer la croissance économique).

Les limites à la création monétaire

Si le processus de création monétaire peut paraître, en théorie, illimité, ce n’est cependant pas le cas. Les banques commerciales doivent, en effet, faire face à des contraintes qui limitent et encadrent le pouvoir de création monétaire.
Afin d’assurer une gestion saine et prudente de leurs bilans, la banque centrale exige des banques de second rang qu’elles détiennent une part de leurs dépôts sur un compte auprès d’elle. Ce dépôt constitue les réserves obligatoires qui sont considérées comme une première limite au pouvoir de création monétaire des banques de second rang. La seconde limite vient par le comportement des ménages et entreprises qui demandent de crédits. Celles-ci sont limitées pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le pouvoir d’achat des agents est une donnée connue et il n’est pas illimité. Le besoin d’emprunts reste donc limité par l’évolution du pouvoir d’achat des agents. Ensuite, les entreprises attendent que leurs équipements soient amortis pour s’équiper à nouveau. Le niveau des taux d’intérêt est considéré comme agissant significativement sur la demande de crédits. Des taux d’intérêt élevés réduisent le volume de crédits accordés, car le montant à rembourser devient trop élevé pour les emprunteurs. Autrement dit, pour les agents économiques, les emprunts ont un prix, et lorsque ce prix augmente, les agents renoncent à emprunter.

M. Abdoulaye CAMARA

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