Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Système bancaire et processus de création monétaire (1ère partie)

La banque est une très vieille institution, probablement l’une des plus anciennes. D’après les historiens, on trouve des témoignages d’activités bancaires remontant à environ 3500 ans avant Jésus Christ (J.C) avec les prêtres du Temple rouge d’Ourouk (actuel Delta du Tigre et de l’Euphrate dans la région de la Mésopotamie en Irak à l’époque sumérienne), période pendant laquelle brillait déjà la civilisation pharaonique en Egypte.

Un bref aperçu de l’histoire de l’évolution du système bancaire

Vers 2000 avant J-C, un vaste réseau de banques privées s’étendait de la Mésopotamie à tout l’Orient méditerranéen avec la pratique des prêts sur les marchandises (les graines). C’est dans le code d’Hammourabi, roi de la 1ère dynastie Babylonienne que l’on trouve la plus ancienne règlementation du dépôt de marchandise et du prêt sans usure.

L’histoire de la banque est intimement liée à celle de la monnaie qui a fait son apparition vers le 7è siècle avant J-C, où les opérations bancaires étaient principalement les opérations de caisse, rarement le crédit.

Les opérations de prêts et de dépôts en monnaie font leur apparition et prennent de l’ampleur avec les prêtres religieux ; au fil des siècles, ces prêtres furent remplacés par les laïcs qui seront à leur tour, relevés par les professionnels du métier.

Les historiens et les experts s’accordent sur la création de la première banque à Venise (en Italie) vers 1151 (11e siècle après (J.C) et la ville de Florence devenait une importante place bancaire.

C’est le début d’une véritable révolution au plan bancaire avec le développement du commerce et des affaires d’abord en Europe, mais aussi entre l’Europe et l’Orient, puis dans le reste du monde (Amérique, Asie et bien plus tard en Afrique).

Ainsi, les banquiers ont introduit des innovations dans l’exercice de leur métier avec la naissance de nouveaux instruments financiers dont :

-          L’introduction de la lettre de paiement, remplacée plus tard par la lettre de change qui se transmet entre créanciers par simple endossement pour parer aux risques liés au transport d’importantes sommes d’argent et d’or ;

-          L’apparition des Sociétés par Action (S.A.) et la spécialisation des activités bancaires ont fortement contribué à la naissance de véritables entreprises multinationales : les Fugger à Augsbourg (Allemagne), les Médicis, les Alberti ou les Strozzi à Florence (Italie).

La plus ancienne action connue, est celle de la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales qui date de 1606.

-          La naissance du chèque et l’introduction de la comptabilité en partie double ont favorisé la tenue des comptes ;

-          L’avènement et la circulation des certificats de papier remboursables en pièces d’or, vont contribuer à plus de création monétaire.

-          Les activités des orfèvres en Angleterre favorisent la création du billet à ordre à travers l’octroi de prêt en or.

-          Le maintien de l’or dans les banques constitue le système de réserves à la base des systèmes bancaires actuels.

Le système bancaire et son mode de fonctionnement

Le développement des activités économiques et la mondialisation nécessitent une quantité de plus en plus croissante de monnaie et de moyens de paiement dans les économies. Cette offre de monnaie émane principalement des activités de système bancaire et financier. Il s’avère dès lors important de s’intéresser à l’organisation et au mode de fonctionnement de ce système bancaire et financier.

Le système bancaire et financier est composé de trois types d’institutions :

-          les institutions bancaires et assimilées,

-          les institutions financières spécialisées,

-          le trésor public.

Les institutions bancaires et assimilées ont le privilège de recevoir les dépôts des particuliers et elles consentent des crédits. Les institutions financières spécialisées n’ont pas la possibilité d’accepter les dépôts mais accordent des crédits spécialisés ou gèrent l’épargne de leurs clients. Enfin, la troisième catégorie est constituée par le Trésor Public. Chacune de ces trois catégories est à son tour composée de nombreux éléments.

Les institutions bancaires et assimilées comprennent  la Banque Centrale (BC) encore appelée la Banque des banques.

 Aujourd’hui, tout pays ou toute union (UEMOA, UE…), quelle que soit sa taille, possède une banque centrale. La BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) est la banque centrale de la zone UEMOA. Cette banque centrale remplit trois fonctions essentielles. Elle agit comme banquier des banques commerciales, fournit la quantité de monnaie nécessaire au développement non inflationniste des transactions et gère les réserves de changes.

Les Banques commerciales ou Banques du 2nd rang, dans la zone UEMOA, ces banques sont au nombre 135 fin décembre 2023 dont elles se répartissent comme suit : Benin (14), Burkina Faso (16), Cote d’Ivoire (28), Guinée Bissau (6), Niger (14), Sénégal (29), Togo (14) et 14 au Mali qui sont : BDM, BIM, BNDA, BCS, BOA – MALI, AFG BANK MALI (AFG ML) ex BICI – M, BANQUE ATLANTIQUE, BMS, BCI – MALI, BSIC – MALI, ECOBANK-Mali, CORIS Bank International-MALI ; UNITED BANK FOR AFRICA - MALI (UBA - MALI).

Les banques commerciales sont marquées par leur diversité et par la multiplicité des fonctions qu’elles remplissent. Ces banques sont définies à partir des opérations qu’elles pratiquent à titre habituel (ou opérations de banque). Elles sont considérées comme les vraies créatrices de monnaie, dans la mesure où elles créent leur propre monnaie (monnaie scripturale) en accordant notamment des crédits aux agents économiques non financiers (Ménage, Entreprises, Etat). Elles collectent les dépôts et assurent en partie le financement de l’économie.

Les institutions financières spécialisées, parmi ces institutions financières spécialisées on distingue les compagnies d’assurance qui gèrent des capitaux importants. Ces capitaux proviennent des primes d’assurance versées par les clients au titre de risques (assurance habitation, automobile, etc…). Ces produits d’assurance constituent le métier initial des assureurs. Par la suite, les assureurs ont élargi leur domaine de compétence en concurrençant les banques sur le terrain de la gestion de l’épargne, d’où l’expression de bancassurance. Et les Organismes de Placement collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM). Leur rôle est l’acquisition et la gestion de portefeuilles composés essentiellement de valeurs mobilières (actions, obligations, titres du marché monétaire…). Ces OPCVM à l’intention des épargnants sont constitués d’une part par les Sociétés d’Investissement à Capital Variable (SICAV), et d’autre part par les Fonds Communs de Placement (FCP) – La société regroupe les capitaux déposés chez elle et gère le portefeuille acquis avec ces fonds. Enfin les sociétés de financement qui comprennent à leur tour les sociétés de crédit à la consommation, elles ont été créées par des entreprises commerciales ou industrielles pour faciliter la diffusion de leurs produits. Les établissements de crédit-bail, Cette forme de crédit (appelée aussi location-vente) est employée par les particuliers et par les entreprises. Les sociétés utilisent cette formule pour acheter biens d’investissement et les particuliers pour acquérir des biens de consommations durables.

Le Trésor Public est le caissier de l’Etat, ce qui signifie que toutes les opérations financières réalisées par l’Etat (recettes fiscales, paiements des fonctionnaires…) passent par lui. Le Trésor Public crée de la monnaie divisionnaire (pièces de monnaie), et peut s’endetter également auprès de la Banque centrale.

M. Abdoulaye CAMARA

 Série : Economie en question (N°17)

Incertitudes et les asymétries d’information

Quand on parle d’incertitude, le clivage est net entre orthodoxes et hétérodoxes. Si les derniers cités soutiennent l’impossibilité de probabiliser les différents états de la nature associés aux activités des agents économiques ; ce qui les pousse à défendre le concept de l’incertitude radicale. Pour les premiers, il est bel et bien possible de probabiliser les différents états du monde associés aux évènements aléatoires des agents. D’où l’existence d’une incertitude probabilisable ou risque pour eux.

Malgré ce dualisme, les deux camps sont d’accord sur un fait : l’existence de l’incertitude n’est pas toujours un frein au fonctionnement optimal des activités économiques. En d’autres termes, les activités économiques fonctionneront de manière optimale même en situation d’incertitude ; qu’elle soit radicale ou risquée, mais à condition qu’elle soit uniformément répartie. C’est-à-dire que si l’incomplétude de l’information est la même pour tous les participants aux activités. Et pourtant, il y a incertitude et il y a incertitude !

Les situations d’incertitude dans lesquelles l’incomplétude de l’information n’est pas uniformément répartie entre les participants ou agents économiques – ce qui suppose qu’un ou plusieurs participants ont accès à certaines informations que les autres n’ont pas – ne conduisent pas à des résultats optimaux. La détention de telles informations est nommée dans le jargon économique « Asymétrie d’information » ou « information privée ». Une telle situation conférera à son détenteur une « rente informationnelle ».

Il y a asymétrie d’information quand des agents qui participent à un jeu (toute situation d’interaction) détiennent des informations cachées. Ce qui renvoie aux jeux dont la structure d’information est incomplète et non uniformément répartie.

Les informations cachées détenue peuvent être relatives soit aux caractéristiques d’une personne, d’un animal ou d’une chose soit aux attitudes ou comportements d’une personne. Dans le premier cas, l’asymétrie d’information peut conduire à des résultats d’antisélection tandis que dans le dernier cas, elle conduira à des aléas moraux.

Si l’incertitude ne conduisant pas à la détention d’information privée n’est point jugée par les économistes comme nuisible au fonctionnement de l’économie du point de vue de l’optimalité ; par contre, celle qui conduit aux asymétries d’information (antisélection et aléa moral) constitue une cause majeure de défaillance de marché. Dans une telle situation, l’intervention extérieure – celle des autorités par exemple – dans le fonctionnement des activités concernées doit être impérativement de mise.

Madou CISSE

FSEG

 Série : Economie en question (N°16)

Politiques monétaires non conventionnelles : l’assouplissement quantitatif

Dans leur ouvrage collectif « Théorie de la régulation, un nouvel état des savoirs » publié en 2023, les régulationnistes, Boyer et alliés définissent le régime monétaire comme étant l’ensemble des règles qui président à la gestion du système de paiement et du crédit. Ces règles sont mises en œuvre par les banques centrales. Dans le processus de mise en œuvre de ces règles, ils existe deux principales mesures à savoir : les mesures conventionnelles et les mesures non conventionnelles.

L’adoption du régime monétaire basé sur la confiance des nouveaux keynésiens à partir des années 1990 par les banques centrales a définitivement imposé le ciblage du taux d’inflation comme la principale règle de gestion des banques centrales dans le monde.

En cas d’écart positif (respectivement négatif) entre le taux d’inflation observé et la cible retenue, les autorités monétaires adoptent les mesures conventionnelles pour corriger l’écart constaté. Ces mesures utilisent un outil (le taux de refinancement) et elles ont des canaux de transmission qui sont le taux d’intérêt interbancaire (fixé sur le marché monétaire) et le taux de crédit bancaire (fixé sur le marché du capital).

Concrètement, pour la mise en œuvre des mesures conventionnelles, les autorités monétaires augmentent (respectivement diminuent) le taux de refinancement qui contracte (respectivement augmente) par ricochet l’offre de monnaie centrale ou monnaie fiduciaire (les billets et les jetons). Car une telle mesure impacte significativement à la hausse (respectivement à la baisse) le taux interbancaire qui à son tour impactera à la hausse (respectivement à la baisse) le taux du marché du crédit bancaire. Ce qui impactera à son tour la demande globale et en bout de chaine le niveau général des prix des biens et services donc réinstaure la cible d’inflation fixée.

Les mesures conventionnelles ainsi décrites sont des mesures appliquées quand l’évolution de l’économie est jugée « normale ». Une situation caractérisée par des taux d’inflation positifs et un taux de refinancement positif.

Malheureusement, dans les périodes de crises financières aiguës comme celles de 2007-2008 qu’ont connues les Etats-Unis et l’Europe pour ne citer que ces deux zones, les taux d’inflation peuvent devenir négatifs (situation de déflation) et le taux de refinancement tendant vers zéro. Dans de telles situations exceptionnelles, les mesures conventionnelles deviennent inefficaces. D’où la nécessité d’adopter de nouvelles mesures appelée mesures non conventionnelles.

Les autorités monétaires assurent la stabilité financière en jouant le rôle de prêteur et de teneur en dernier ressort système financier. Dans cette vision, elles peuvent mettre en œuvre des mesures non conventionnelles de politique monétaire dont la principale est l’assouplissement quantitatif ou détente quantitative (quantitative easing en anglais). Les objectifs ultimes de telles mesures étant la relance de l’économie et la hausse du niveau général des prix (lutte contre la déflation).

Quand la crise financière conduit à la trappe à liquidité (taux de refinancement quasi nul) combinée à une déflation économique, les banques centrales peuvent en ce moment intervenir directement sur le marché financier (marché primaire et secondaire) en achetant les obligations (étatiques et privés). Par un tel comportement, les banques centrales vont augmenter la demande de ce type d’actif. Ce qui conduit à une diminution de la rémunération de cet actif financier tout en injectant de la liquidité dans l’économique. En optant pour une telle mesure (injection de liquidité), les banques centrales peuvent relancer l’économie en renflouant les institutions financières menacées de faillite et aussi redynamiser les activités économiques de consommation et d’investissement. In fine, elle booste la demande globale.

Une autre variante de la détente quantitative consiste de la part des banques centrales d’octroyer des prêts en quantité quasi illimitée aux banques de second rang pour des durées significativement plus longues atteignant souvent des années que la semaine habituellement requise lors des opérations de refinancement (comme ce fut le cas de la Banque Centrale Européenne à travers les « Long Term Refinancing Operations » LTRO).

A la suite de Deng Xiaoping, qui disait en 1962, je cite « Peu importe qu'un chat soit noir ou blanc, s'il attrape la souris, c'est un bon chat » ; je soutiens : peu importe que la politique monétaire soit conventionnelle ou non conventionnelle, qu’elle soit capable d’instaurer la confiance des agents économiques tout en relançant les activités économiques, elle est une bonne politique économique.

Madou CISSE

FSEG

 Contribution de M. Abdoulaye CAMARA, enseignant à la FSEG, U-Bazo, ESGIC.

Banque centrale et monnaie : que retenir des agrégats monétaires ?

L’opération de mesure de la quantité de monnaie existante dans un pays relève de la mission des autorités monétaires (Banque Centrale). D’abord, les autorités monétaires doivent veiller au bon fonctionnement de l’ensemble des paiements et surveiller le système bancaire et financier. Ensuite, elles doivent définir et mettre en œuvre la politique monétaire.

Dans la zone UEMOA, la BCEAO (Banque centrale) dispose un ensemble d'agrégats monétaires harmonisés : Ml, M2 et M3. Ces agrégats permettent de calculer la quantité de monnaie en circulation dans la zone UEMOA. La part de chaque pays de la zone est aussi calculée.

La construction des agrégats monétaires dans la zone UEMOA

On appelle agrégat monétaire au sens strict l’ensemble des moyens de paiement ou de règlement détenus par les agents non financiers d’un pays donné. Cette monnaie peut avoir deux formes : fudiciaire et scripturale. Cette définition ne tient pas compte d’autres actifs financiers qui, sans être parfaitement liquides et utilisables en tant que tels comme moyens de règlements, sont très facilement transformables en monnaie au sens strict. Mais vont donc être inclus dans des agrégats au sens large, en plus de la monnaie au sens strict, l’ensemble des actifs financiers qui sont facilement et rapidement convertibles en moyens de paiements.

Le principal problème conceptuel, dans la construction des agrégats monétaires, est celui de la frontière entre monnaie proprement dite et autres actifs financiers plus ou moins liquides. En pratique, la construction des agrégats utilise plusieurs critères. Tout d’abord un critère fonctionnel qui consiste à distinguer entre ce qui est un moyen de paiement proprement dit et ce qui ne l’est pas, et à classer ces seconds éléments selon un degré de liquidité décroissant. Mais ce critère ne suffit pas à ordonner la grande variété des actifs financiers intégrables dans les agrégats.

Un critère institutionnel est également utilisé : les actifs vont être distingués selon la nature de l’institution (banques, trésor, entreprises, etc.) qui les gère ou les émet. Ces deux critères sont appliqués dans beaucoup de pays, mais le critère de durée de l’actif est aussi adopté dans d’autres pays.

Enfin, beaucoup de pays adoptent le principe de l’emboitement, c’est-à-dire que tout agrégat est inclus dans un autre agrégat de rang supérieur jusqu’à un rang maximum.

Le contenu actuel des agrégats de la zone UEMOA

La masse monétaire (quantité de monnaie en circulation dans une économie) regroupe les actifs liquides, y compris les actifs négociables sans risque en capital. Ce regroupement s’effectue en 3 étapes, définissant chacune un agrégat incorporant des actifs de moins en moins liquides et dénommés respectivement M1, M2 et M3.

a°) L’agrégat M1, est le plus étroit. Il correspond aux disponibilités monétaires ou ensemble des « moyens de paiement » et comprend la monnaie divisionnaire (les pièces), la monnaie fiduciaire (les billets) et la monnaie scripturale (les dépôts à vue appelés comptes courants) détenues par les agents non financiers résidents dans la zone UEMOA.

b°) L’agrégat M2, appelé agrégat monétaire intermédiaire, comprend de l’agrégat M1, auquel s'ajoute les éléments intégrés dans (M2-M1), c'est-à- dire toutes les autres formes de dépôts. L'agrégat M2 regroupe donc l'ensemble des actifs monétaires disponibles à vue ou avec un préavis inférieur ou égal à trois mois, rémunérés ou non, ou à terme mais d'une durée inférieure à deux ans qui sont détenus par les agents non financiers résidents et qui sont les plus directement liés aux transactions sur biens et services.

c°) L’agrégat M3, agrégat monétaire au sens large, est constitué de M2 auquel s'ajoutent les éléments intégrés dans (M3-M2), c'est-à-dire des instruments négociables émis par les institutions financières monétaires. Il s'agit des pensions, des fonds de placement commun, des titres de créance d'une durée initiale inférieure  à deux ans et des titres du marché monétaire. L'agrégat M3 est donc constitué en ajoutant à l'agrégat M2 les placements à court ou moyen terme pour lesquels la liquidité avant le terme du placement fait courir un risque de perte sur le montant nominal du placement qui est nul (cas des bons non négociables par exemple) ou probablement limité (les titres de créances négociables sur le marché monétaire etc. et les fonds de placement commun).

M. Abdoulaye CAMARA

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